Éviter la fracture numérique au sein des familles
Un réseau social conçu pour la famille. Les initiés échangent normalement avec leurs smartphones. Les contenus, textes et photos, sont imprimés et diffusés sous forme de gazette périodique pour les seniors. Succès assuré.
Qu’est-ce qui t’a mené à créer Famileo ?
À vrai dire, rien ne m’y prédestinait vraiment. Après ma formation à l’X puis à Stanford, j’ai rejoint un cabinet de conseil, avant de passer près de dix ans dans l’univers des matières premières, d’abord chez Imerys puis au sein du groupe Roullier.
C’est lors des années passées chez ce dernier que j’ai rencontré ceux qui allaient devenir mes futurs associés par la suite, en créant Famileo.
Qu’est-ce que Famileo ?
Famileo est une application simple mais novatrice, qui permet de reconstruire du lien familial entre les seniors et leurs familles.
“ Plutôt que de rapprocher, le numérique créait une véritable fracture entre générations ”
Nous sommes partis du constat que le numérique, plutôt que de rapprocher les familles, créait une véritable « fracture numérique » entre les retraités au-delà d’un certain âge et leur descendance.
On ne s’écrit plus de cartes postales, on ne s’appelle pas aussi souvent qu’on voudrait, l’éparpillement des familles rend les visites moins fréquentes et si les réseaux sociaux recréent de la proximité… c’est à la condition que tout le monde en soit doté, ce qui n’est pas le cas de tous les seniors.
C’est là que Famileo intervient.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Les membres de la famille se voient proposer une application qui leur permet de partager leur quotidien, un peu comme sur Facebook : une photo prise avec un smartphone, un commentaire, et c’est diffusé sur un mur familial.
Les membres de la famille se voient proposer une application qui leur permet de partager leur quotidien, un peu comme sur Facebook.
C’est un réseau « entonnoir » où les messages sont à destination des grands-parents, mais tout de même partagés au sein de la famille.
Les contenus publiés par les familles sont ensuite assemblés au sein d’un journal papier spécialement conçu pour la personne âgée, imprimés puis expédiés chez elle.
Plus besoin de smartphone – souvent trop complexe pour les seniors les plus âgés, facile à égarer – les seniors retrouvent le plaisir des nouvelles au format papier : nous les avons appelées des « gazettes », pour reprendre le vocabulaire d’antan.
Ces gazettes vont constituer au fil du temps de véritables albums de famille. Famileo c’est la facilité du numérique pour les uns et le plaisir du courrier papier pour les autres !
Qu’est-ce que cela change par rapport à un format tout numérique ?
La consultation simplifiée, le contact du papier, l’archivage. C’est une véritable révolution dans l’univers de la communication avec les seniors.
Il faut bien comprendre qu’avec le temps les liens avec les personnes âgées se distendent souvent, malgré les bonnes intentions de l’entourage, les rythmes de vie sont trop différents.
Plutôt que de copier l’univers des réseaux sociaux, nous nous sommes inspirés de ce qui fonctionne le mieux – le fil d’actualité, les likes, et avons retiré ce qui nous semblait inutile : les commentaires notamment, qui génèrent parfois de la frustration et de l’incompréhension.
Famileo est un réseau qui vise à entourer un proche avec bienveillance en respectant les habitudes de communication de chacun.
Ta société vient de démarrer,
quels sont les premiers résultats ?
La société a démarré à l’automne 2015. Nous totalisons aujourd’hui plus de 20 000 utilisateurs. La viralité de l’application fonctionne bien : dès qu’un descendant entend parler de l’application et la teste, il peut inviter ses proches, les enfants, petits-enfants, nièces, oncles, etc.
“ Plutôt que de copier l’univers des réseaux sociaux, nous nous sommes inspirés de ce qui fonctionne le mieux ”
Un seul membre est gestionnaire du compte, mais tous les membres peuvent inviter d’autres membres. Quand on voit la joie générée par les gazettes, on a vite fait d’abonner un autre proche. Le coût de l’abonnement reste modique, à partir de 5€/mois pour une famille. Il varie ensuite selon la fréquence de diffusion des gazettes (hebdomadaire ou toutes les deux ou quatre semaines).
Le marché potentiel est significatif. Il y a plus de 4 millions de Français âgés de plus de 80 ans, près de 19 millions en comptant nos voisins immédiats en Europe.
La silver économie est en plein boum, et le dynamisme des groupes de gestion de maisons de retraite en est la preuve.
Justement, les maisons de retraite acceptent-elles ce type d’application ?
Famileo possède effectivement deux canaux de distribution : les familles qui souscrivent un abonnement directement depuis notre site, et les maisons de retraite qui s’abonnent et proposent alors gratuitement Famileo à leurs résidents.
Les contenus publiés par les familles sont assemblés au sein de « gazettes », qui vont constituer au fil du temps de véritables albums de famille.
Non seulement elles les acceptent, mais Famileo répond à des enjeux majeurs pour elles : bien-être des résidents, meilleures relations avec les familles, mise en avant du dynamisme de l’établissement qui peut, via l’application, communiquer auprès des familles.
Les maisons de retraite constituent des partenaires importants qui nous ont d’ailleurs beaucoup aidés dans la mise au point de Famileo. Nous avons déjà signé des accords avec certains groupes, parfois en marque blanche, et sommes ainsi présents dans plus de 650 établissements.
Pour ces maisons, nous avons intégré un « mur de l’établissement », où sont diffusées des informations cette fois à destination des familles, ainsi que la capacité de générer des gazettes internes à l’établissement qui peuvent ainsi être distribuées aux résidents n’ayant pas de contacts avec leurs familles.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Notre application ne cesse d’évoluer, comme toute application mobile qui se respecte d’ailleurs. Le lien entre les familles et les grands-parents permet d’imaginer un large éventail de services qui pourront être diffusés aussi bien à l’intention des familles que des maisons de retraite.
Nous pourrions même devenir une sorte d’App Store de la senior économie, tout en prenant grand soin du lien de confiance que l’on tisse avec les familles et qui est primordial.
Envisages-tu de développer Famileo hors de France, avant que l’idée ne soit copiée ?
La conquête des seniors européens constitue l’autre volet de notre développement. Nous sommes déjà présents en Belgique et nous nous lançons en Allemagne, grâce à un de nos clients dont le réseau s’étend sur plusieurs pays d’Europe.
En fait, nous accompagnons la croissance de nos clients en B2B. Nous avons un rôle à jouer dans tous les pays où les personnes âgées se retrouvent trop isolées, malheureusement assez de travail pour plusieurs vies !
Quelle satisfaction retires-tu d’un tel projet ?
Famileo n’a rien à voir avec ce que j’ai fait auparavant. Je ne regrette absolument pas le passé, même si ma situation financière était probablement plus confortable auparavant, comme pour nombre d’entrepreneurs…
Mais le plaisir de proposer une solution innovante à un problème de société qui touche de très nombreuses personnes est immense. C’est extrêmement motivant de développer le produit, l’équipe, de sentir qu’on est sur la bonne voie et de voir Famileo grandir, remporter des prix – nous sommes lauréats du concours « La France s’engage – 2017 ».
Et puis, il y a le retour des familles, les petits mots qu’on nous laisse, les commentaires des utilisateurs et des utilisatrices, souvent très touchants. On nous raconte des histoires de grands-mères en larmes à chaque fois qu’elles reçoivent leurs gazettes.
Des larmes de bonheur à replonger dans l’univers de ce qui a le plus de valeur pour elles : leur famille.
Et si c’était à refaire ?
Arriver à combiner innovation, nouvelles technologies, vocation sociale pour en faire une machine à bonheur dans les familles : je replonge sans hésiter !