Évolution du climat : du passé récent vers le futur
Nous appuyant largement sur les conclusions du rapport qui traite des aspects scientifiques du changement climatique (groupe 1), nous nous proposons de faire le point sur ce problème du réchauffement climatique dû à l’effet de serre additionnel qui résulte des activités humaines. Nous examinons ensuite de quelle façon l’étude des climats du passé a contribué à ce débat sur l’évolution future du climat et les raisons pour lesquelles elle devrait continuer à y tenir une place importante.
Un degré de confiance qui augmente
Le constat de l’augmentation continue de la concentration des gaz à effet de serre et du fait que cette augmentation résulte des activités humaines fait désormais l’objet d’un consensus au sein du monde scientifique. Il est à placer aux rangs des certitudes.
Les années récentes ont été parmi les plus chaudes depuis 1860 (le début de la période d’instrumentation) et ce, malgré l’effet de refroidissement dû à l’éruption volcanique du mont Pinatubo en 1991. L’année 1997 a battu le record précédemment détenu par l’année 1995 et sera battue par 1998. En moyenne globale, la température de surface a augmenté de 0,3 à 0,6 °C environ depuis la fin du XIXe siècle.
L’augmentation significative du niveau de la mer observée au cours des 100 dernières années (10 à 25 cm) est, en grande partie, imputable à la dilatation thermique de l’océan qui a résulté de cette augmentation de température et, à un degré moindre, à la fonte des glaciers. D’autres caractéristiques, comme l’augmentation plus importante des températures nocturnes que des températures diurnes, sont bien documentées.
Et même si les données sont sur certains points insuffisantes – par exemple, pour déterminer si des modifications de la variabilité du climat ou de la fréquence des événements météorologiques extrêmes se sont produites à l’échelle globale – les experts s’accordent en 1995, comme ils l’avaient fait dans le premier rapport GIEC publié en 1990, pour affirmer que le réchauffement du climat est une réalité.
Des modèles plus pointus
L’une des avancées significatives de la période récente a été la prise en compte du forçage radiatif négatif (effet de refroidissement) provoqué par les aérosols d’origine humaine (lesquels sont les fruits de la pollution « locale » : poussières, SO2). Désormais pleinement reconnu, celui-ci reste encore difficile à cerner avec précision.
Ces aérosols (essentiellement formés de composés soufrés) sont présents sous forme de particules microscopiques en suspension dans l’air. Ils proviennent, en particulier, de l’utilisation des combustibles fossiles, et ont entraîné un forçage négatif direct d’environ 0,5 W.m‑2 en moyenne globale, ainsi que, probablement, un forçage négatif indirect d’une valeur comparable.
Le refroidissement susceptible d’en résulter suit rapidement l’augmentation ou la diminution des émissions et est concentré sur certaines régions et zones subcontinentales, alors que le réchauffement lié à l’augmentation de l’effet de serre présente un caractère global. Si l’on combine les deux effets dans les modèles climatiques, on constate que la simulation des caractéristiques – géographiques, saisonnières et verticales – des champs de température s’améliore notablement par rapport au cas où seul l’effet de serre est pris en considération.
La comparaison entre réchauffement prédit et observé depuis 1860 a été également significativement améliorée par la prise en compte des aérosols soufrés qui, en outre, donne une explication plausible du fait que la température se réchauffe plus la nuit que le jour (le forçage lié aux aérosols n’intervient que le jour, car il n’intervient que sur la partie visible du rayonnement).
Des séries historiques mieux documentées
À ceci s’ajoute une meilleure connaissance des variations du climat au cours des derniers siècles. Différents indicateurs conduisent les spécialistes des climats du passé à indiquer que la température de l’air, en moyenne globale, est au moins aussi élevée au XXe siècle qu’elle ne l’a été à toute autre époque entre la période actuelle et 1400 après J.-C. Des travaux récents (Mann et al., 1998) confirment ce diagnostic (IPCC, 1996) et indiquent que trois des huit dernières années ont été, dans l’hémisphère nord, plus chaudes que n’importe quelle autre année depuis cette date.
Soulignons, cependant, que beaucoup reste à faire dans ce domaine de la variabilité dite « récente » du climat ; à titre d’exemple, les changements associés au petit âge glaciaire qu’a connu l’Europe entre les XVe et XIXe siècles restent insuffisamment documentés à l’échelle globale (Bradley et al., 1996).
Enfin, ce faisceau d’éléments est complété par des études statistiques, dont la plupart ont permis de détecter des changements significatifs démontrant que le réchauffement observé n’est vraisemblablement pas d’origine uniquement naturelle. Aucun de ces éléments ne constitue en soi une preuve, mais c’est leur convergence qui a conduit les scientifiques à suggérer qu’il y a « une influence perceptible de l’homme sur le climat global ». Les discussions qui ont eu lieu à la conférence du Programme de recherche sur le climat (qui s’est tenue à Genève en août 1997) indiquent que ce diagnostic, et l’esprit de prudence qui l’accompagne, n’ont pas de raison d’être modifiés.
Le climat du XXIe siècle ?
Qu’en est-il maintenant des prédictions pour le XXIe siècle ? Examinons d’abord celles relatives à l’augmentation des concentrations des gaz à effet de serre. Le GIEC a établi un ensemble de scénarios d’émissions basés sur différentes hypothèses concernant la croissance démographique et économique, l’exploitation des sols, les progrès technologiques et l’approvisionnement énergétique, et la façon dont les différentes sources d’énergie contribueront à cet approvisionnement entre 1990 et 2100.
Le scénario correspondant aux taux d’émissions les plus élevés (lS92a), est caractérisé par une augmentation rapide de la population, une croissance forte et un approvisionnement énergétique largement basé sur l’utilisation des combustibles fossiles1 ; il conduirait, à la fin du siècle prochain, à un triplement de la concentration du CO2 par rapport à sa valeur préindustrielle (de 280 ppmv, parties par million en volume à 840 ppmv).
Le scénario le plus contraignant (lS92c) est basé sur l’hypothèse d’une augmentation peu importante de la population, d’une croissance économique faible et d’un approvisionnement énergétique très diversifié ; ce scénario, qui correspond à des émissions proches, voire inférieures, à leur niveau actuel, conduit néanmoins à une augmentation significative de la teneur en CO2 à la fin du siècle prochain (proche de 500 ppmv).
Il est donc important de noter que, même si un effort est accompli en faveur d’un maintien des émissions à leur niveau actuel (aux environs de 6 milliards de tonnes de carbone), les concentrations auront néanmoins presque doublé en 2100. Les modèles indiquent, en outre, que l’objectif d’une stabilisation de la concentration en CO2 ne peut être atteint que si les émissions redescendent, à un moment donné, en dessous de leur niveau actuel.
Pour chacun de ces scénarios, l’accroissement du forçage radiatif est ensuite calculé entre 1750 et la fin du siècle prochain, en tenant compte des autres gaz à effet de serre (dont l’ozone) et des aérosols. Suivant les scénarios, cet accroissement varie de 4 à 8 W.m2 ; dans le cas extrême, ceci correspond à une perturbation du bilan énergétique de notre planète supérieur à 3%.
Les modèles climatiques sont alors utilisés pour prédire l’évolution du climat. Ces prédictions ont été réalisées à partir de différentes hypothèses sur la « sensibilité du climat » (définie comme l’augmentation de température qui résulterait d’un doublement de la teneur en CO2 une fois l’équilibre climatique atteint). Le large domaine des « sensibilités » choisies (de 1,5 à 4,5 °C, avec une valeur la plus probable de 2,5 °C) témoigne de nos incertitudes quant à la réaction du climat vis-à-vis d’une augmentation des gaz à effet de serre.
En fait, la tâche du modélisateur serait simple s’il suffisait de tenir compte de l’effet radiatif direct : une augmentation de 4 W.m2, correspondant à peu près à un doublement de la teneur en CO2, induirait, une fois l’équilibre atteint, un réchauffement moyen de 1,2 °C. Mais les choses sont plus complexes. Le réchauffement initial de l’atmosphère se transmet peu à peu à l’océan, avec deux conséquences : un accroissement de l’évaporation et une diminution de la glace de mer.
L’une et l’autre amplifient le réchauffement initial à travers, d’une part, l’augmentation de la vapeur d’eau atmosphérique et, d’autre part, la disparition de surfaces fortement réfléchissantes. Et surtout, les modifications induites au niveau des nuages sont mal connues et peuvent avoir des effets antagonistes, suivant le type de nuages et leur altitude.
Les valeurs de la sensibilité du climat mentionnées ci-dessus, toutes supérieures à 1,2 °C, indiquent que le forçage radiatif direct est dans tous les cas amplifié. Leur grande dispersion est, quant à elle, largement liée à la façon dont les modèles prennent en compte le rôle des nuages.
Les conclusions les plus importantes du rapport du GIEC (IPCC, 1996) concernent la température moyenne de la planète et le niveau de la mer.
Dans l’hypothèse du scénario moyen du GIEC (IS92e) avec la valeur la plus probable de la « sensibilité du climat » et la prise en compte de l’augmentation de la concentration d’aérosols, l’augmentation prédite de la température moyenne globale à la surface est d’environ 2 °C entre 1990 et 2100.
Le scénario d’émission le plus bas (lS92c), avec une faible valeur de la « sensibilité du climat » et la prise en compte de l’incidence de la progression prévue de la concentration d’aérosols (qui sont un reflet de la pollution locale), conduit à prédire un réchauffement d’environ 1 °C en 2100.
Le scénario d’émission le plus élevé (IS92a) et une valeur forte de la « sensibilité du climat », conduisent à prédire un réchauffement de 3,5 °C environ, qui pourrait aller jusqu’à 4,5 °C si les aérosols étaient maintenus à leur niveau actuel. Dans tous les cas de figure, la rapidité du réchauffement serait probablement plus élevée qu’elle ne l’a été à toute autre période depuis 10.000 ans.
Une élévation du niveau moyen de la mer est prévue, en raison du réchauffement des océans et de la fonte des glaciers de montagne. La valeur la plus probable est de 50 cm, avec des valeurs extrêmes de 15 et 95 cm, indiquant l’incertitude attachée à cette prédiction. Une partie de l’incertitude est due à celle associée à la « sensibilité du climat », mais une plus large part résulte de notre connaissance insuffisante du cycle hydrologique dans les régions polaires.
En cas de réchauffement, l’atmosphère polaire contiendrait plus de vapeur d’eau et on peut s’attendre à une augmentation des chutes de neige sur le Groenland et l’Antarctique. Ce phénomène tendrait à diminuer l’élévation du niveau de la mer due à la dilatation de l’océan, tout au moins pour quelques siècles, jusqu’à ce que l’accroissement de la fonte des glaces ne devienne plus important que l’augmentation de l’accumulation.
En fait, de grandes incertitudes sont liées à notre mauvaise connaissance des bilans de masse du Groenland, et surtout de l’Antarctique, ainsi que de leur évolution future en cas de réchauffement climatique. En attendant de disposer de données satellitaires suffisamment précises, il n’est pas possible de savoir si le volume des calottes glaciaires augmente ou diminue. Il est aussi très difficile d’établir un lien éventuel entre la débâcle récente d’immenses icebergs autour de la péninsule Antarctique et le réchauffement du climat observé dans cette région (Vaughan et Doake, 1996).
Notons qu’en raison de l’inertie thermique des océans, la température moyenne et le niveau de la mer continueraient à augmenter au-delà de 2100, même si la concentration des gaz à effet de serre s’est alors stabilisée. La température n’aurait alors progressé que de 50 à 90 % vers son point d’équilibre ; le niveau de la mer continuerait à s’élever pendant de nombreux siècles.
Une autre conclusion intéressante concerne le renforcement du cycle hydrologique, qui résulterait de l’élévation de la température. Celui-ci pourrait entraîner l’aggravation des sécheresses et/ou des inondations à certains endroits et une diminution de leur intensité dans d’autres.
Des incertitudes et des risques de « surprises »
Les modélisateurs sont bien conscients des différentes sources d’incertitude. Dans les prédictions présentées dans le rapport du GIEC, ils ont eu pour objectif de largement les prendre en compte dans leurs estimations relatives à la température moyenne de la planète et au niveau de la mer. Celles-ci peuvent donc être considérées comme fiables, dans les limites indiquées ci-dessus.
Cependant, dans l’état actuel des connaissances, la confiance est moindre dans les prédictions climatiques à l’échelle régionale et dans celles qui concernent les précipitations et le cycle hydrologique.
Mais les experts attirent aussi l’attention, et ceci est un point tout à fait nouveau, sur la possibilité de « surprises climatiques ». Cette notion doit beaucoup à la découverte, par des carottages glaciaires au Groenland, de l’existence de variations climatiques rapides au cours de la dernière période glaciaire et de la transition qui a conduit, il y a un peu plus de 10.000 ans, au climat actuel.
On a en effet constaté que cette région a connu à cette époque un réchauffement des températures de 10 °C environ en quelques dizaines d’années ; les changements du taux de précipitation et de la circulation atmosphérique qui les accompagnent sont également importants et encore plus brusques.
Le retour vers les conditions froides fut d’abord lent, puis relativement rapide. Ces séquences en « dent de scie » d’une durée de 500 à 2 000 ans se répètent une vingtaine de fois au cours de la dernière période glaciaire (sur 100.000 ans environ).
Des résultats récents montrent que celles-ci ne sont pas limitées au Groenland. D’abord, leur structure apparaît extrêmement similaire à celles des événements rapides mis en évidence dans des sédiments marins de l’Atlantique Nord (Bond et al., 1993).
Ensuite, à chacune d’entre elles correspond généralement une augmentation significative (de l’ordre de 50%) des teneurs en méthane de l’atmosphère ; celles-ci témoignent très probablement de variations du cycle hydrologique continental aux basses latitudes (la production « naturelle » du méthane est liée à l’étendue des zones inondées) et suggèrent que ces événements rapides ont influencé le climat de l’hémisphère nord dans son ensemble (Chappellaz et al., 1993).
De plus, l’analyse des sédiments marins montre qu’il y a un lien entre ces événements et la décharge massive d’icebergs provenant des grandes calottes qui existaient alors dans l’hémisphère nord (Bond et al., 1993). Cette arrivée d’énormes quantités d’eau douce aurait alors contribué à modifier la circulation océanique et par là même le climat, fournissant ainsi une explication raisonnable à l’existence d’instabilités climatiques en période glaciaire.
La découverte de variations climatiques rapides, très probablement liées à des changements de circulation océanique, a attiré l’attention les experts du GIEC sur la possibilité que des fluctuations rapides et de grande ampleur surviennent dans le futur, de façon inattendue. De telles surprises seraient synonymes de véritable bouleversement climatique (en cas, par exemple, de modification notable des courants marins comme le Gulf Stream).
Des simulations récentes y apportent une certaine crédibilité, indiquant par exemple que le risque de modification de la circulation thermohaline2 augmente en fonction à la fois du niveau de stabilisation du CO2 et du rythme d’accroissement des concentrations conduisant à cette stabilisation (Stocker et Schmitter, 1997).
Mais, même si de telles modifications ne devenaient jamais réalité, les conséquences du réchauffement régulier qui résulterait de l’augmentation de l’effet de serre en l’absence de toute surprise, analysées de façon détaillée dans le rapport du groupe 2 du GIEC, sont suffisamment bien établies pour qu’elles soient considérées très sérieusement.
Les données du passé : un élément essentiel dans le débat sur l’évolution du climat
Cette notion de surprise climatique découle directement des découvertes réalisées, pour l’essentiel, au cours des cinq dernières années, par les glaciologues, les paléo-océanographes et les paléoclimatologistes continentaux.
Mais l’intérêt des recherches conduites s’étend bien au-delà de ce seul aspect des variations climatiques majeures survenant à l’échelle d’une vie humaine (et même plus rapidement).
Dans ce domaine de la variabilité du climat, une connaissance détaillée des fluctuations au cours des derniers siècles et millénaires est critique vis-à-vis de la détection du signal anthropique. Grâce aux études réalisées en milieu marin (coraux) et continental (cernes d’arbres), ainsi qu’à partir de séries glaciaires, cette connaissance a progressé et permet de mieux situer le réchauffement observé au cours du XXè siècle dans sa perspective historique. Elle reste cependant très insuffisante, en particulier sur le plan de la couverture géographique.
L’intérêt des glaces polaires pour reconstituer les variations des concentrations des gaz à effet de serre depuis le début de l’ère industrielle a déjà été mentionné. Pour ces études portant sur des variations relativement récentes, les données proviennent de sites à forte accumulation de neige (sites côtiers de l’Antarctique, en particulier). Il est également essentiel d’évaluer les autres composantes du forçage climatique, qu’elles soient d’origine naturelle (aérosols volcaniques, activité solaire) ou anthropique (aérosols produits par l’activité humaine).
Les glaces polaires contiennent sur chacun de ces aspects des informations pertinentes. Ainsi, elles enregistrent, de façon fidèle, le calendrier et l’intensité des éruptions volcaniques ; la concentration des isotopes cosmogéniques (provenant du rayonnement cosmique) y témoigne des variations de l’activité solaire.
De façon intéressante, il apparaît que la « sensibilité du climat » dépend relativement peu de la période climatique considérée ; elle peut donc être évaluée à partir des données du passé ; cette approche ne requiert pas que soit complètement déchiffrée la complexité des mécanismes des grands changements climatiques.
Variation, au cours des derniers cent cinquante mille ans, de la concentration en gaz carbonique (en haut), de la différence de température au-dessus de J’Antarctique (la température actuelle est d’environ – 55°C), de la teneur en méthane (au milieu) et de la teneur en oxygène 18 de l’océan (en bas, échelle de gauche), indicateur du niveau de la mer (en bas, échelle de droite). Cette figure est adaptée de Raynaud et al. (1993).
Il suffit, lorsque l’on se borne à cet aspect « sensibi1ité du climat » que puissent être correctement estimés les différents forçages qui opèrent, par exemple, à l’échelle des grands changements climatiques. C’est le cas pour le dernier cycle glaciaire-interglaciaire grâce, en particulier, au forage Antarctique de Vostok qui a permis de reconstituer l’histoire des variations naturelles du gaz carbonique et du méthane et de mettre en évidence (figure 9) leur lien avec les grandes fluctuations glaciaires et interglaciaires (Lorius et al., 1990 ; Raynaud et al., 1993, pour un récent article de synthèse).
Au regard de ces « paléodonnées », une valeur de 3 à 4 °C pour la « sensibilité du climat », située dans la fourchette utilisée dans les prédictions du GIEC, apparaît tout à fait réaliste. Nous reconnaissons que cette approche a des limites, liées, en particulier, au niveau de l’estimation précise de la variation de température moyenne de la planète dans le passé et au fait que l’information ainsi déduite sur les rétroactions climatiques n’est pas directement extrapolable au réchauffement climatique (Ramstein et al., 1998).
Cependant, elle illustre bien le résultat clé mis en évidence, à des degrés divers, par l’ensemble des modèles climatiques : ce sont des mécanismes d’amplification vis-à-vis du forçage radiatif lié à l’effet de serre anthropogénique (et non d’atténuation) qui devraient opérer au cours des prochaines décennies. D’ailleurs, les résultats obtenus à Vostok ont joué un rôle important dans la prise de conscience de ce problème du réchauffement climatique lié à l’augmentation des gaz à effet de serre.
L’extension récente de ce forage, qui couvre désormais quatre cycles climatiques (Petit et al., 1997), devrait permettre d’enrichir notre connaissance des interactions entre climat et effet de serre dans le passé.
Les enregistrements paléoclimatiques contiennent également des informations sur les mécanismes du climat.
Les séries marines ont démontré l’importance des variations d’insolation (Hays et al., 1976 ; lmbrie et al., 1992, 1993) et des changements de circulation océanique (Duplessy et al., 1992 ; Labeyrie et al., 1992).
Le rôle de l’insolation est également mis en évidence dans les séries glaciaires (Waelbroeck et al., 1995, Jouzel et al., 1996), aussi bien (figure 10) dans l’enregistrement des variations de la température que dans celui de la composition isotopique de l’oxygène de l’air. Cette dernière dépend du volume des glaces continentales, mais aussi du cycle hydrologique (rythme des moussons), qui sont l’un et l’autre influencés par les changements d’insolation.
Les glaces polaires contiennent aussi des informations sur l’intensité de la circulation atmosphérique (Petit et al., 1990). Les paléoclimatologistes portent actuellement une attention particulière aux rôles respectifs de l’atmosphère et de l’océan dans le transfert interhémisphérique des signaux climatiques, ceux par exemple associés aux transitions climatiques et aux variations rapides (Jouzel et al., 1995 ; Sowers et Bender, 1995 ; Yiou et al., 1995 ; Yiou et al., 1997 ; Blunier et al., 1998).
Enfin, glaces polaires et sédiments témoignent des interactions entre climat et cycles biogéochimiques (gaz carbonique, méthane…), d’une part, et entre climat et chimie atmosphérique, d’autre part.
Notre communauté scientifique a pleinement pris conscience de l’intérêt de mieux documenter les variations passées du climat, d’en identifier causes et mécanismes, et de les modéliser de façon réaliste. Une place de plus en plus importante est désormais faite à ces recherches dans les grands programmes internationaux dédiés à l’étude du changement global.
Dès son lancement, au milieu des années 1980, le programme international Biosphère Géosphère (PIGB) a intégré cette dimension paléoclimatique à travers le projet PAGES (PAst Global changEs). Le Programme de recherche mondial sur le climat vient, pour la première fois, de la prendre en compte dans une des actions qu’il coordonne (CLIVAR : CLlmate VARiability and predictability).
Ce programme, dont l’objectif est d’améliorer la compréhension du système climatique, de mieux en appréhender la variabilité, saisonnière et interannuelle, et de prédire son évolution à plus long terme en réponse aux modifications induites par les activités humaines, accorde une belle place à l’étude du climat passé de notre planète (CLIVAR, 1997).
______________________________________
1. À quelques réserves près concernant la population (dont on considère désormais comme possible une stabilisation vers le milieu du siècle prochain) cela correspond à la prolongation tendancielle de ce qui se passe maintenant.
2. Ce terme désigne des courants de convection entre surface et océan profond.