Évolutions régionales et mutations de l’habitat
I. Dynamique des régions
La France métropolitaine compte 22 régions administratives, de dimensions très inégales en superficie et en population :
- 8 000 km² en Alsace, 45 000 km² en Midi-Pyrénées,
- 800 000 habitants en Limousin, 11 millions en Île-de-France.
Elles se distinguent aussi par leur richesse (Île-de-France, PACA…) ou leur pauvreté (Limousin, Auvergne…), et plus encore par la possession d’une métropole importante : la moitié des régions ne comportent pas de villes de plus de 250 000 habitants ; ce sont aussi les régions ayant la plus faible population.
L’identité régionale n’est fortement ressentie que dans les provinces porteuses d’une histoire (Bretagne, Flandre, Lorraine, Alsace, Corse…) mais elle peut se renforcer ailleurs malgré des découpages souvent arbitraires.
Comment ces régions ont-elles évolué depuis 1950 ?
Le graphique A fait apparaître l’évolution de la population d’une part (en abscisse) dans la première période du demi-siècle (1962−1982) marquée par les rapatriements d’Algérie, l’expansion de l’industrie et la poursuite de l’exode rural, et d’autre part (en ordonnée) dans la deuxième période (1982−1999), beaucoup plus calme.
Dans la première période la croissance est positive partout, mais avec un gros écart entre les extrêmes. Quatre régions : Limousin, Auvergne, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais sont aux alentours de zéro et quatre régions dépassent 1 % par an : Languedoc, Rhône-Alpes, PACA, Corse. Dans la deuxième période aucune région n’a maintenu son taux de croissance de la première période. La moyenne nationale a baissé de moitié : 0,4 % par an au lieu de 0,8 % soit environ 8,5 % en vingt ans au lieu de 18 %. Les quatre régions voisines de zéro, plus la Bourgogne et la Champagne, sont toujours en queue de peloton. La plupart des régions du Sud ont une croissance supérieure à la moyenne nationale.
Mais il faut voir de plus près l’évolution qualitative de ces populations.
Écarts d’âge et de fécondité
(Graphique B) : la proportion des plus de 60 ans va de 17 % en Île-de-France, à 29 % en Limousin. Le taux de décès annuel varie évidemment dans le même sens (de 0,8 % à 1,3 %). Les régions les plus âgées sont presque toutes au sud de la Loire, où l’accroissement de la population a été le plus fort. Il y a donc eu afflux de retraités dans le Midi. Par exemple, dans le Languedoc-Roussillon la croissance de la population par migration s’est maintenue à 1 % par an pendant plus de quarante ans (de 1962 à 1999).
Symétriquement (graphique C) la proportion des moins de 40 ans varie de 44 % en Limousin à 57 % en Île-de-France et les écarts de natalité sont encore plus élevés (de 0,9 % par an à 1,65 %), parce que renforcés par un écart de fécondité des femmes en âge d’être mères.
En matière de fécondité les deux facteurs dominants sont d’une part les traditions familiales (Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire…), d’autre part la proportion des femmes d’origine africaine, les taux annuels de naissances étant de 4,7 % pour les Européennes, 8,7 % pour les Maghrébines et 14,8 % pour les Africaines subsahariennes (ce qui touche surtout la Région parisienne où 22 % des accouchées sont des immigrées contre 6 % en Limousin et 2 % en Bretagne).
Écarts dus aux migrations
L’immigration d’origine étrangère concerne majoritairement (60 %) trois régions : Île-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Côte d’Azur. Les régions de l’Ouest et même de Sud-Ouest sont les moins concernées.
Les immigrés n’ont pas une mobilité très supérieure aux autres Français et leur diffusion dans le territoire se fait très lentement.
À l’intérieur de la France, nous avons vu que la migration dominante est Nord-Sud, mais ce n’est que la résultante de déplacements beaucoup plus variés, à commencer par l’exode rural et la remontée vers le Nord des réfugiés d’Afrique du Nord (dans les années 1960–1980).
Le recensement de 1999 nous montre qu’environ 1 % de la population a changé de région chaque année ce qui traduit une assez faible mobilité. Bien entendu, l’Île-de-France bat le record de la mobilité ; elle aspire les jeunes jusqu’à 30–35 ans (études et début de carrière), mais dès l’âge de 35 ans les sorties dépassent les entrées, et massivement à l’âge de la retraite. Plus récemment le phénomène d’aspiration tend à diminuer grâce à l’attractivité des métropoles régionales.
Les régions à identité forte (Alsace, Bretagne…) ont les plus faibles taux de mobilité.
Écarts dus aux fluctuations économiques (voir graphique D)
Les grandes épreuves économiques qu’ont subies les régions du Nord et du Nord-Est entre 1960 et 2000 ont suscité une évasion de ces régions relativement faible (environ 15 % de la population), largement compensée par le solde naturel.
A contrario les régions à solde migratoire nettement positif pendant cette période ne sont pas réputées comme particulièrement dynamiques économiquement.
C’est donc, dans les deux cas, par les indemnités de chômage et les préretraites que le déséquilibre entre production et » bouches à nourrir » a été régulé, au moins pour partie.
Cela ne peut être une solution durable. Il est temps de donner priorité au développement économique par rapport à l’attraction du soleil et au confort méridional.
Quel avenir pour les diverses régions de France ?
Nous ne nous attacherons pas beaucoup aux contours des régions administratives actuelles. C’est leur vitalité qui nous intéresse le plus. Néanmoins il est probable que des regroupements deux à deux interviendront (par exemple pour les deux « Normandies »).
Il est possible qu’on aille beaucoup plus loin, en suivant les tracés des géographes économistes, tels que ceux de l’Arc atlantique, de l’Arc méditerranéen, de la » Banane » Lille-Strasbourg-Lyon. Mais il sera difficile d’y faire naître une vraie solidarité populaire.
Quant aux frontières extérieures des régions qui côtoient la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, il n’est pas impossible que, dans le cas d’une vraie régionalisation, elles soient au moins partiellement gommées du côté de la Wallonie, de la Catalogne et du Pays basque.
En raisonnant sur le découpage régional actuel, et dans l’hypothèse, difficilement réfutable, d’une lente dégradation économique en France, les toutes prochaines décennies subiront nécessairement la loi quasi entropique : « affaiblissement des faibles et résistance des forts », c’est-à-dire :
- croissance à peine ralentie en Île-de-France, et soutenue dans les régions mobilisées sur le développement économique (les « pôles de compétitivité » sont sur la bonne voie),
- vieillissement maximal dans le Sud et minimal en Île-de-France (grâce à l’exode des retraités),
- accueil de l’immigration étrangère dans les régions déjà peuplées de colonies de mêmes origines, autour des grandes villes (avec aggravation des conséquences).
Cette évolution serait accélérée si se mettait en place une vraie régionalisation, laissant à chaque région un vrai pouvoir sur la fiscalité, la réglementation sociale et l’éducation. Il est certain que les décisions en ces matières ne seraient pas les mêmes dans les régions à 25 % d’électeurs de plus de 60 ans et dans celles à 40 %. Mais cette éventualité est peu vraisemblable.
Le plus probable est qu’il faudra descendre au même niveau que l’Angleterre en 1979 pour que se produise un sursaut national – ou des sursauts régionaux – comparables au redressement britannique.
Sur ce sursaut notre mode d’insertion dans l’Europe et le niveau de santé de cette Europe peuvent avoir un effet stimulant donc bienfaisant – ou un effet paralysant.
À l’allure où évolue la Vieille Europe un délai minimum de dix à quinze ans est à prévoir.
On se retrouvera alors face à des différenciations régionales amplifiées et à certains déclins irréversibles, et il faudra remonter aux sources des réussites et des échecs : laxisme familial et éducatif, manque d’appui aux grands entrepreneurs, laxisme frontalier à l’égard des marchandises, des capitaux et des hommes, surréglementation, suradministration.
Et il faudra compter avec d’autres phénomènes dès aujourd’hui prévisibles, bien que difficiles à quantifier :
- le réchauffement climatique sera sensible dès l’année 2030 surtout dans le Midi. Il ne sera pas encore assez fort pour faire fuir les Méridionaux vers le Nord, mais il diminuera l’attrait de la population du Nord pour le Sud ;
- une possible poussée de l’immigration des Africains vers l’Europe, du fait de l’écart croissant des conditions de vie et de la remontée du désert vers le Nord. Malgré une minorité de personnes qualifiées, faciles à intégrer, les immigrants risquent fort de gonfler la population des » insoumis » des grandes villes et de pénaliser les régions environnantes ;
- la hausse du prix de l’énergie, touchant particulièrement les transports routiers, peut inciter chaque région à pratiquer une certaine autarcie et avantager les façades maritimes dotées de ports bien équipés ;
- le handicap du vieillissement de la population face à une concurrence mondiale renforcée sera inégalement surmonté par les régions. Ce n’est pas par hasard que la région la plus jeune et comprenant la plus grande proportion de cerveaux innovateurs gagne chaque année du terrain.
Pour s’adapter aux difficultés – ou aux opportunités – qui se présenteront c’est aux régions du nord de la Loire et à certains îlots dynamiques du Sud (Lyon, Grenoble, Toulouse…) que nous pouvons le plus faire confiance. Ce sont les plus riches en vraies ressources naturelles, à commencer par les hommes et leurs traditions industrielles. Mais l’anticipation risque d’être toujours insuffisante.
Les régions du Sud devraient profiter de l’attractivité de leur climat pour être la Californie de l’Europe (elles ont la même population) avec des universités de forte réputation et des activités de services de haut niveau. L’apport de ressources humaines extérieures dans les domaines de la recherche, de la finance et du management leur sera probablement nécessaire pour stimuler leurs élites déjà dotées d’un bon potentiel.
Au total, il n’y a pas lieu d’être gravement pessimiste, car à moins de perdre son identité, la France a un potentiel de réactivité qui a fait ses preuves dans l’histoire et elle garde sa réputation de » pays de cocagne » merveilleusement diversifié.
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II. Évolution de l’habitat
Rétrospective de 1950 à 2000
Les deux étapes de l’évolution
Au cours de ce demi-siècle la population s’est accrue de 50 % et le nombre de logements de 77 %. Mais ces chiffres globaux recouvrent des situations très différentes :
- en zone rurale hors influence urbaine1, la population a baissé (très inégalement) de 20 % en moyenne alors que le nombre de logements s’est maintenu, en raison notamment des résidences secondaires,
- en zone urbaine la population a été multipliée par 2 et le nombre des logements par 2,4, ce qui représente une baisse de 20 % du nombre d’occupants par logement.
L’urbanisation est un phénomène général, lié à l’évolution des modes de vie et à la localisation des emplois. Sur ces deux points il n’est pas sûr que le demi-siècle à venir soit identique à celui qui vient de se terminer, car il y a du « contre nature » dans une partie de cette évolution.
L’examen des deux quarts de siècle passés nous éclairera à ce sujet.
Bien que diversement commentée, la démolition d’immeubles obsolètes est désormais une des composantes de la politique de développement et d’adaptation de l’habitat social : démolition par vérinage d’une tour de la société d’HLM Batigère-IdF dans le quartier de la Prairie de l’Oly, communes de Montgeron et Vigneux-sur-Seine, Essonne. © L’IMAGE CONTEMPORAINE POUR BATIGÈRE-IdF
De 1950 à 1975 c’est la grande hâte de la reconstruction et les moyens de transports collectifs ne sont pas très développés, il faut donc construire le plus possible de logements pour les mal logés et les nouveaux arrivants. On le fait dans le pourtour des villes, en consommant le minimum de mètres carrés au sol, donc avec des immeubles massifs et géants. C’est l’époque des offices d’HBM (devenus HLM), largement subventionnés, à petit loyer et petit confort.
On construit aussi en ville des immeubles de meilleur standing, vendus en copropriété (formule nouvelle) à des classes sociales plus aisées qui bénéficient de l’inflation, les taux d’intérêts réels étant souvent négatifs. Les plans d’urbanisme sont établis par les pouvoirs publics, dans une optique de grands immeubles.
De 1975 à 2000 la planification devient moins rigoureuse, les subventions moins généreuses, et les lignes de métro et d’autobus sont étendues (notamment le RER à Paris). Les promoteurs trouvent alors un marché très intéressant à la périphérie des villes, jusqu’à 10–15 kilomètres. Dans cet espace et au-delà, les maires ruraux distribuent des autorisations de construire aux paysans cherchant à valoriser leurs terrains et leurs bâtiments convertibles en logements.
La maison particulière a fait ainsi florès grâce au développement de l’équipement routier et à la démocratisation de l’automobile. Son succès tient aussi au rejet de l’habitation en grands immeubles par des habitants sortis de la précarité, avides d’autonomie, de propriété individuelle et de non-promiscuité. Il résulte aussi, pour les classes plus aisées, de la raréfaction des ressources en mètres carrés à l’intérieur de la ville, suite à la multiplication des bureaux et au maintien chez elles des douairières jadis chargées de familles. Ce qui a entraîné une élévation des prix dépassant les moyens des jeunes couples.
Bien entendu les implantations hors des villes, par grappes ou de façon isolée, se sont stratifiées par classes sociales à l’exemple de ce qui se passe à l’intérieur des villes. Les appellations de ces grappes de logements en témoignent : on trouve des » lotissements « , des » résidences « , des » parcs « . Les nouveaux venus dans l’espace rural périurbain mettent du temps à s’intégrer dans les communes antérieurement dominées par les paysans, mais peu à peu la fréquentation des mêmes écoles rapproche toutes les mamans et suscite un certain panachage dans les municipalités.
C’est ainsi que près de 6 millions de maisons individuelles ont été construites ou reconstruites dans les trente dernières années dont 90 % de résidences principales : il s’y loge 30 % de la population française dite « urbaine » parce qu’incluse dans une agglomération de plus de 5 000 habitants2.
Et la ville intra-muros ?
Face à cette évasion, le centre-ville (stricto sensu) se ressaisit. Les recensements lui ont fait apparaître que les 2⁄3 de ses logements sont sous-peuplés, et qu’il existe dans son voisinage des « friches urbaines » à réhabiliter. En plus il prend conscience qu’il est porteur de l’héritage historique de la Cité et que la population éparpillée a besoin de lui pour se ressourcer.
Mais, le commerce n’est pas d’accord : il sait que « no parking = no business ». Aussi il s’installe dans le pourtour des villes, surtout si une rocade périphérique y a été tracée. Les halls d’exposition, les dancings et les cinémas commencent eux aussi à s’installer sur le bord de la rocade.
Comment s’arrangeront entre eux les défenseurs du centre-ville et les défenseurs de sa périphérie ? Nous y réfléchirons plus loin.
À la vérité la ville n’a pas seulement un centre : elle a des quartiers bourgeois, des quartiers populaires traditionnels, et des quartiers à risques parce qu’habités par une population récente à forte dose d’immigrés et surtout de jeunes chômeurs, tous entassés dans des « machines à dormir » de dix étages et plus. La solution consistant à transférer les occupants dans des logements plus conviviaux, puis à dynamiter les immeubles devenus invivables, tant par leur architecture que par leur environnement, répond à une nécessité : il faut bien démonter l’échafaudage qui a été nécessaire en début de reconstruction. Mais on ne doit pas compter sur le seul déménagement pour guérir des sauvageons dont on a raté l’éducation et l’intégration.
Le problème des zones de non-droit est encore circonscrit à quelques dizaines de quartiers chauds en France, mais il ne peut que s’aggraver dans l’avenir.
Dans l’espace rural
Quant à l’habitat de l’espace rural, il se maintient, grâce à l’automobile, aussi bien dans les communes à hameaux dispersés que dans celles concentrées en gros bourgs.
À ces résidences permanentes (environ 25 millions) s’ajoutent les 3 millions de résidences secondaires, dont la France détient le record, et qui sont pour plus de la moitié des résidences modestes, possédées par les » classes moyennes « , en héritage d’ancêtres paysans. Il n’est pas sûr qu’à l’avenir elles continuent leur progression parce que les fermes à restaurer sont moins nombreuses et par ailleurs que le pavillon périurbain avec jardinet tient souvent lieu de maison de campagne.
Résumé de la situation actuelle
Au total, la population de la France se répartit approximativement comme suit :
- 38 % dans les 30 plus grandes agglomérations (plus de 200 000 habitants dont un bon tiers en périphérie de la ville centre),
- 19 % dans les moyennes agglomérations (20 000 à 200 000 habitants),
- 20 % dans les petites agglomérations (2 000 à 20 000 habitants) à dominante urbaine3,
- 23 % dans les communes rurales inférieures à 2 000 habitants à dominante rurale…
Plus de 60 % des habitants sont logés dans des maisons individuelles dont ils sont généralement propriétaires et 12 % ont en outre une résidence secondaire.
Rappelons que les 2⁄3 des logements permanents sont réputés » sous-peuplés » et qu’à ces logements s’ajoutent 7 % de logements vacants (et généralement volontairement vacants).
Ce dernier point montre que le parc des logements s’adapte difficilement aux évolutions des besoins, notamment à la structure très changeante des ménages.
Regard sur le devenir de l’habitat
Nous venons de voir les grandes tendances du dernier quart de siècle, auquel le premier quart du xxie siècle paraît devoir ressembler :
- croissance modérée mais régulière des grandes agglomérations,
- fragilité plus grande des moyennes et surtout des petites (dont dépend l’espace rural),
- maintien des zones rurales, grâce aux communes périurbaines, mais vieillissement accentué de la population,
- essor du logement en maisons particulières s’étalant de plus en plus loin autour des villes,
- désaffection pour les logements en grands immeubles en raison de leur caractère impersonnel et pour certains, de leur insécurité,
- regain du centre-ville en tant que porteur de l’identité et du patrimoine de la ville.
Examinons les facteurs de renforcement et d’affaiblissement dans les prochaines décennies des tendances énoncées ci-dessus, facteurs qui influeront le deuxième quart de siècle :
- le vieillissement s’accélère, mais à niveau de santé croissant. Le maintien à domicile se prolonge donc jusqu’à 90–95 ans, donc sous-occupation accrue à réglementation constante ;
- le dédoublement du logement des couples pour raison de divorce se généralise, donnant lieu à la multiplication des petits logements, plutôt propice aux immeubles en ville ;
- la segmentation des quartiers par classe sociale ou par origine ethnique – qui constitue un phénomène naturel, historiquement vérifié, ne peut que se confirmer, voire se durcir (jusqu’à l’explosion ?) ;
- la suprématie des solidarités non-territoriales (culturelles, idéologiques, professionnelles…) à l’égard de la solidarité territoriale (communes, régions…) paraît moins évidente pour ces » néoruraux » qui ont troqué l’anonymat des villes contre la relation de voisinage, génératrice de multiples associations locales. Ce qui est propice aux résidences périurbaines, jusqu’à ce que leurs inconvénients réapparaissent ;
- la sédentarité, renforcée par la propriété du logement, va à l’encontre de la mobilité professionnelle (voire conjugale) ainsi qu’au réflexe » zappeur » de » l’homme moderne « . Ce qui devrait donner plus d’avenir à la location qu’à l’achat ;
- la prolifération des services dans l’économie moderne, l’abaissement de la masse critique des unités de production et le développement conjoint de l’Internet devraient profiter aux petites villes et au travail à distance exécuté à la campagne. Mais le télétravail est encore loin de rendre superflues la proximité physique et la relation collégiale ;
- on n’empêchera pas les immigrants de se diriger vers les grandes villes où ils retrouvent des colonies de frères de sang, mais on devrait pouvoir fragmenter les colonies en diversifiant les modes d’intégration ;
- la raréfaction et l’enchérissement des carburants freinent inévitablement l’expansion périurbaine et les transports routiers domicile-travail, mais l’instabilité des familles, si elle s’accroît encore, compromettra la construction de « maisons de rêve » pour la vie entière.
Au total, l’expansion horizontale autour des villes devrait s’atténuer progressivement, grâce à l’aménagement de nouveaux quartiers, voire des villes nouvelles qui conjuguent la proximité d’un grand centre et la disposition, à portée de main, de tout ce qui est nécessaire à la vie quotidienne : nombreux emplois, établissements d’enseignements et commerces de bon standing.
Quant à l’espace rural, si son paysage est sauvegardé (donc cultivé) les Français conjointement aux Européens du Nord, tous saturés de vie artificielle et trépidante, s’y attacheront de plus en plus (au-delà d’un certain âge) et se plairont à le sillonner et même à y accroître leurs résidences secondaires.
Tout cela dans une hypothèse de sauvegarde de son plus beau jouet : l’automobile pas chère.
Des résolutions pour préparer l’avenir dès aujourd’hui
En conséquence de ce qui vient d’être dit, les pouvoirs publics et la société civile ont intérêt à se liguer pour développer les facteurs de » bonne évolution « , tels que :
- valoriser la famille sous peine d’incohérence avec l’option » maison particulière » qui mérite alors d’être encouragée, plutôt sous forme locative,
- traiter, selon les méthodes utilisées pour les recrues de l’armée, l’éducation et la mise en situation de responsabilité des jeunes » hors la loi » qui maraudent dans les HLM des années cinquante,
- consolider économiquement les petites et moyennes villes par deux ou trois spécialités professionnelles supportées par un enseignement de réputation nationale,
- au niveau des municipalités des communes rurales (ou petites villes) développer la vie associative : notamment en institutionnalisant l’animateur social au même titre que le garde champêtre,
- fragmenter les communautés d’immigrés, par exemple en offrant des logements durables et des écoles adaptées au voisinage des chantiers, longue durée, sur lesquels certains émigrés travaillent,
- encourager la recherche et l’expérimentation sur les véhicules de transports les plus sobres en énergie ainsi que sur la connexion avec le réseau ferré urbain,
- favoriser le partage des logements sous-peuplés grâce à des contrats de voisinage originaux et poursuivre l’encouragement fiscal aux locations meublées.
De telles mesures devraient permettre à l’habitat français de se développer de façon équilibrée sans provoquer la désertification d’aucune région.
Ne pas oublier cependant que de telles perspectives supposent un déroulement pacifique des prochaines décennies. Or des ruptures sont tout à fait possibles, telles que :
- recul économique de la France, ou d’une région, ou d’une profession vitale (agriculture, forêt, transports…),
- déclin démographique (voir hypothèse basse de G. F. Dumont),
- grossissement accéléré d’une population immigrée non assimilée,
- fracture sociale aggravée.
Rappelons-nous que la période des six dernières décennies (1945−2005) qui ont permis à la France, comme à ses voisins, d’accumuler, année par année, des progrès continus, notamment sur le logement, constitue une « première » dans l’histoire humaine. Nous souhaitons tous qu’elle se répète mais ce n’est pas une certitude.
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1. Noter que cette zone se rétracte sous l’effet de la banalisation de l’automobile et de l’amélioration des routes.
2. Les classifications « urbain-rural » et « centre-périphérie » ont varié d’un âge à l’autre de l’INSEE et a fortiori d’un pays à l’autre.
3. Revoir la note 1.
(photographie) Bien que diversement commentée, la démolition d’immeubles obsolètes est désormais une des composantes de la politique de développement et d’adaptation de l’habitat social : démolition par vérinage d’une tour d’HLM Batigère-IdF dans le quartie de la Prairie de l’Oly, communes de Montgeron et Vigneux-sur-Seine, Essone.