Expliquer la collimation des jets astrophysiques
Les jets astrophysiques sont l’un des plus beaux phénomènes observés dans l’univers. Ces flux de matière éjectée à grande vitesse sont émis par de jeunes étoiles venant juste d’être formées, par des étoiles binaires « X » et même par des trous noirs présents au centre des grandes galaxies.
On observe qu’ils sont « collimatés », c’est-à-dire quasi parallèles, ce qui veut dire que la lumière émise ne se disperse pas avec la distance. Cette caractéristique, extrêmement intrigante, n’est pas encore complètement expliquée.
Des lasers de forte puissance
DES VENTS ET DES CHOCS
Les chercheurs ont mis en évidence la collimation associée aux « chocs » prédits par la théorie.
Ces chocs apparaissent dans l’univers comme un changement brusque de densité, de vitesse et de direction d’un écoulement et peuvent être générés dans l’impact avec un « vent » environnemental, ce qui était reproduit dans l’expérience.
Selon la théorie, et en accord avec cette nouvelle expérience en laboratoire, ils peuvent être à l’origine de l’importante collimation des jets astrophysiques.
Depuis des années, des modèles théoriques existent pour expliquer ce phénomène, mais aucune expérience n’avait encore réussi à les valider. Une équipe franco-américaine, dont le Laboratoire d’utilisation des lasers intenses de l’École polytechnique est l’acteur principal, a réussi à confirmer expérimentalement l’un des mécanismes proposés pour créer ces jets collimatés, en utilisant des lasers de très forte puissance.
La théorie et les simulations numériques suggéraient que les jets pouvaient être créés par le confinement inertiel associé à des ondes de choc créées par l’interaction avec un « vent ambiant ».
L’expérience réalisée confirme ce modèle, même si d’autres effets peuvent intervenir. Les résultats expérimentaux ont pu aussi être vérifiés avec un code numérique sophistiqué, dénommé Flash, développé par l’université de Chicago.
Tester la théorie
« Ces résultats montrent qu’il est possible de tester en laboratoire les mécanismes théorisés pour expliquer les phénomènes que nous observons dans l’univers », déclare Éric Blackman, professeur de physique et d’astronomie à l’université de Rochester.
“ Obtenir expérimentalement des jets unidirectionnels ”
Avec ses collaborateurs et une équipe du Laboratoire d’utilisation des lasers intenses (École polytechnique, CNRS, CEA, UPMC), qui a mené l’expérience, ils ont voulu reproduire les conditions qui permettent de limiter la divergence des flots générés et obtenir ainsi des jets unidirectionnels.
« Nous avons focalisé un faisceau laser très énergétique sur une cible de fer à peine plus mince qu’un cheveu humain. De cette façon, nous avons pu créer un flux de plasma supersonique », explique Alessandra Ravasio, chercheuse au Laboratoire.
« La nouveauté dans notre expérience réside dans la façon dont nous distribuons spatialement l’énergie du laser. Avec une géométrie particulière, nous avons pu générer deux plasmas, l’un dans l’autre, pour pouvoir étudier leur interaction et ses effets collimateurs. »
L’astrophysique de laboratoire
“ Créer un flux de plasma supersonique ”
Cette expérience est un exemple de l’astrophysique de laboratoire, un domaine de la physique à haute densité d’énergie en plein développement. Ces recherches nécessitent la collaboration entre astrophysiciens, physiciens des plasmas et spécialistes de la simulation numérique.
Les chercheurs du laboratoire LULI sont impliqués sur plusieurs fronts dans cette nouvelle discipline.
Propos recueillis par Alice Tschudy
Une expérience en laboratoire pour expliquer des phénomènes astrophysiques.