Paiement : disruption, enjeux et opportunités
Acteur spécialisé et expert du monde du paiement, Exton Consulting est aux premières loges pour observer les évolutions connues par ce secteur notamment sous l’impulsion du digital. Le point avec Philippe Tescher (95), Associé au sein d’Exton Consulting.
Spécialiste des services financiers, Exton Consulting est un cabinet de stratégie et de management. Dans ce cadre, quel est votre positionnement ?
Nous intervenons principalement auprès des banques, des assurances, mais aussi au côté des acteurs de l’asset management, du paiement ou encore du crédit conso… Nous abordons des sujets très différents comme la stratégie de croissance, le marketing, la distribution, l’efficacité opérationnelle, les fusions, la finance, le risque et la conformité. Créé à la fin 2006, le cabinet a développé des savoir-faire complémentaires à son cœur de métier historique, notamment autour de la data, des fintechs ou encore du marketing digital.
Aujourd’hui, sur ce marché, nous représentons l’une des plus importantes practices dédiées aux services financiers de la place, avec plus de 115 consultants basés à Paris. Depuis notre création, nous avons également ouvert des bureaux à Milan, à Munich et à Barcelone.
Nous intervenons sur les phases amont d’un projet (plus de 40 % de notre activité), mais aussi des études d’opportunités, des diagnostics…
Notre ambition est de pouvoir accompagner nos clients à toutes les étapes de leurs projets. Nous avons au fil des années développé une véritable connaissance des métiers du secteur : acteurs, enjeux, dynamiques, produits, processus… Nos consultants sont formés à toutes ces dimensions et problématiques. Cela nous permet, par ailleurs, d’être plus rapides et agiles. Enfin, dans le cadre des missions que nous menons, il y a aussi une très forte implication de profils seniors.
Le monde du paiement a connu de nombreuses évolutions au cours de la dernière décennie. Qu’avez-vous pu observer à votre niveau ?
Depuis notre création, nous avons eu l’opportunité de travailler pour des typologies d’acteurs très différentes de l’écosystème du paiement : des schemes comme MasterCard ou Carte Bancaire, des banques, et des acteurs non bancaires tels que les retailers et opérateurs mobiles. Cela nous permet d’avoir une vue assez globale des évolutions et de leurs implications pour chacun.
Nous avons en particulier une très forte connaissance et expérience des problématiques et enjeux des services financiers de la grande distribution, accompagnant depuis plus de 10 ans des acteurs comme Carrefour et d’autres acteurs de la grande distribution, qui dépassent le cadre du paiement : crédit conso, assurance affinitaire ou encore le lancement de néo-banques. C’est notamment pour cela que nous avons fait le choix de faire évoluer notre practice paiement pour englober ces sujets.
Le secteur monétique joue un rôle central dans le marché des paiements. Les volumes sont en croissance structurelle soutenue, sous l’effet de plusieurs leviers : croissance globale, croissance du e‑commerce où le paiement par carte est roi, actions proactives pour remplacer le cash et le chèque. Cet écosystème est alimenté par une commission prélevée sur les paiements commerçants (interchange) et par les cotisations cartes côté client final (porteur). Ce modèle vertueux tracte une très grande partie de la valeur du marché des paiements, compensant notamment des filières coûteuses comme le cash et le chèque.
Depuis près d’une décennie, des évolutions majeures impactent les modèles économiques des acteurs en place, et en particulier les banques. D’une part les sources de revenus traditionnelles sont sous pression : baisses importantes des niveaux d’interchange imposées au niveau européen et multiplication d’offres de cartes gratuites. Ensuite de très nombreux nouveaux acteurs viennent prendre leur part du gâteau, attirés par les fondamentaux économiques (croissance et marge), et encouragés par le régulateur qui a créé des nouveaux statuts pour encourager l’innovation. Enfin, des clients (retail et porteurs) qui considèrent de plus en plus le service « standard » de paiement (traitement de la transaction) comme une commodité, pour laquelle ils ne sont plus prêts à payer (cher).
On voit donc se développer deux grands types de stratégie : des stratégies de massifications sur les activités de traitement standard des transactions (processing standard), et le développement d’offres à forte valeur ajoutée, à destination notamment des retailers, qui adressent des problématiques et enjeux au-delà du paiement stricto sensu : augmentation du chiffre d’affaires en réduisant les taux de chute dans le tunnel de paiement et en proposant des solutions d’étalement des paiements, accompagnement des nouveaux parcours clients retail (web2store, digital in store…) avec des expériences paiement ultra fluides, réduction des coûts de risque / fraude (technologie IA), exploitation de la donnée paiement pour de la traçabilité omnicanale des clients via leur carte (token)…
Une autre tendance que nous pouvons citer tourne autour de l’open banking. Il s’agit d’une capacité offerte à des prestataires de services, dûment habilités par l’organe de régulation, et sur autorisation des clients, d’accéder à leurs comptes bancaires. Cela permet l’accès à des informations riches sur la solvabilité d’un client pour notamment faciliter l’octroi des crédits et réduire les risques. Cela va aussi permettre d’initier avec un statut particulier des virements depuis le compte du client à sa demande. Ces évolutions vont venir bouleverser l’écosystème et créer une concurrence entre les cartes et les virements, des domaines distincts avec des acteurs différents.
Comment accompagnez-vous vos clients autour de cette thématique ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?
Exton Consulting intervient à la fois sur les réflexions en amont et sur les projets de mise en œuvre liés à ces thématiques paiement et de crédit. Nous avons la capacité d’intervenir très en amont sur ces sujets.
Ainsi, nous avons accompagné plusieurs retailers sur des sujets de refonte de leur modèle de traitement des flux de paiement (acceptation et acquisition) en France et en Europe, sur la création d’activités paiement voire même d’établissements de paiement, sur le lancement d’offres carte (paiement, crédit, fidélité), sur leur stratégie sur le paiement mobile, sur la création de score sur des paiements en 3 fois…
Pour des banques, nous accompagnons leurs filiales paiement dans le cadre du développement de nouvelles offres, de la définition de schémas de distribution plus efficaces, des programmes de boost de leur performances commerciales sur la carte, les flux entreprises…
En parallèle, quels sont les enjeux qui persistent ?
Chaque partie prenante a ses propres enjeux : banques, processeurs, schemes (CB, Visa, MasterCard), retailers… Mais pour en dégager deux majeurs, en ligne avec mes propos ci-avant, il y a deux grands sujets qui devraient continuer d’animer le secteur des paiements dans les prochaines années : la massification du processing standard, et la captation de valeur côté retail via des services à forte valeur ajoutée.
Les « usines de paiement » qui traitaient les flux de paiement du commerçant au banquier doivent opter pour une stratégie de volume. Dans cette continuité, les banques doivent, d’ailleurs, se demander s’il est encore pertinent d’internaliser ce volet alors que l’écosystème n’est pas à l’abri de nouvelles règlementations qui viendraient encore réduire l’interchange.
Sur les services à forte valeur ajoutée pour les retailers, les nouveaux acteurs qui émergent sur le marché sont souvent mieux positionnés que les acteurs historiques. Les fintechs telles que Adyen, Stripe, Hipay sont de bons exemples de cette tendance, issues de l’univers digital et qui s’attaquent aujourd’hui aux paiements en proximité. Un acteur comme Adyen est valorisé pratiquement autant voire plus que certains groupes bancaires français.
Qu’en est-il des perspectives d’Exton Consulting ?
Nous sommes mobilisés sur plusieurs sujets, dont les plus importants sont l’innovation au service du paiement, le crédit conso ainsi que l’open banking. Nous travaillons aussi sur une étude prospective sur le paiement à horizon 2030 afin d’identifier les principales tendances et ruptures qui marqueront le marché demain. Nous avons réalisé cette année ce type d’étude prospective sur le « retail banking 2020–2030 » qui a été accueillie très favorablement par les banquiers et qui a également été présentée au plus haut niveau.