Faire de la transition énergétique une opportunité de réindustrialiser la France
Aurélie Picart (X02), Déléguée générale du Comité Stratégique de Filière des Nouveaux Systèmes Énergétiques, nous en dit plus sur cet organisme qui accompagne les entreprises afin que leur démarche de décarbonation contribue à la réindustrialisation de la France. Explications.
Qu’est-ce qu’un comité stratégique de filière ? Plus particulièrement, quelle est la mission de votre comité de filière Nouveaux Systèmes Énergétiques ?
Les Comités stratégiques de filière ont été créés en 2010 avec pour principale mission de réindustrialiser la France. Ces comités stratégiques de filière réunissent l’État, des industriels, des organisations syndicales, etc. au sein du Conseil national de l’industrie, présidé par le Premier ministre.
Le Comité Stratégique de Filière des Nouveaux Systèmes Énergétiques, qui a vu le jour en 2018, sous l’impulsion de l’État, d’EDF, d’Engie, de TotalEnergies et de Schneider Electric a pour mission de faire de la transition énergétique une opportunité de réindustrialiser nos territoires. Présidée par Sylvie Jéhanno (X89) et Stéphane Michel (X91), l’association rassemble l’ensemble des parties prenantes autour d’une feuille de route portée par deux ambitions principales : mener une transition énergétique juste et équitable tout en développant l’industrie des nouveaux systèmes énergétiques en France et en Europe. L’industrialisation en Europe et à grande échelle des produits concourant à la transition énergétique est un enjeu majeur.
“L’association rassemble l’ensemble des parties prenantes autour d’une feuille de route portée par deux ambitions principales : mener une transition énergétique juste et équitable tout en développant l’industrie des nouveaux systèmes énergétiques en France et en Europe.”
Qui sont vos principaux membres ?
Au-delà des groupes fondateurs que j’ai précédemment mentionnés, on retrouve au sein de Nouveaux Systèmes Énergétiques des grands groupes comme Arkema, Blue Solutions, Capgemini, Enedis, GRDF, GreenFlex, GRTgaz, Imerys, John Cockerill, Orano, RTE, SLB, Solvay, Technip Energies, Téréga, Valeo, Véolia…
Enfin, au sein des Nouveaux Systèmes Énergétiques, nous avons souhaité donner leur place à toutes les entreprises, de la petite entreprise à forte croissance aux grands groupes et plus particulièrement aux ETI, qui jouent un rôle central dans notre industrie.
Votre action s’articule essentiellement autour de quatre axes. Quels sont-ils ?
Nous concentrons nos efforts autour de 4 axes principaux :
- les énergies renouvelables avec un focus sur la chaleur dont le potentiel est largement sous-estimé ;
- Le stockage d’énergie (électricité, gaz, chaleur) avec pour objectif de créer un écosystème permettant d’accélérer le déploiement de gigafactories de batteries en France ;
- Les réseaux énergétiques, qui représentent un marché pour de nombreuses entreprises et jouent un rôle majeur dans le déploiement des énergies renouvelables et la cybersécurité ;
- Les technologies d’efficacité énergétique et de décarbonation, avec un focus plus particulier sur leur déploiement dans l’industrie et le bâtiment.
Les Nouveaux Systèmes Energétiques comptent déjà plus de 1 200 contributeurs de divers horizons répartis dans plus de 20 groupes de travail.
En complément, nous avons des démarches transversales centrées sur le passage à l’échelle des technologies de décarbonation, d’où l’accent mis sur l’Europe, les PME-ETI, la recherche, l’international et les compétences.
En matière de décarbonation, vous avez lancé l’initiative « Je-decarbone ». De quoi s’agit ? Quelles sont les principales actions que vous déployez dans ce cadre ?
Avec « Je-decarbone », notre objectif est d’aider les industriels à concrétiser leurs projets en matière de sobriété, d’économies d’énergie et/ou de décarbonation en mettant en avant les solutions Made in France en cohérence avec la mission de notre comité stratégique de filière. Nous restons marqués par l’expérience du solaire : nous avions soutenu le développement du photovoltaïque, nous disposions des compétences et d’un savoir-faire technologique avérés, mais nous n’avons pas réussi à maintenir et à développer la production des panneaux solaires en France.
Aujourd’hui, notre état d’esprit sur l’industrie est différent. Tout le monde s’accorde à accélérer la transition énergétique et de plus en plus de voix se font entendre pour que cette transition nous offre l’opportunité de nous réindustrialiser.
“En France et aussi plus largement en Europe, il est impérieux de mieux faire connaître les compétences scientifiques, techniques et industrielles dont nous avons besoin pour réussir la transition énergétique et d’attirer les jeunes et les moins jeunes vers ces métiers.”
En lien étroit avec les ministères de l’Industrie et de la Transition énergétique, mais également avec le CEA, l’ADEME, l’Alliance ALLICE et de nombreux autres partenaires, nous avons lancé l’initiative « Je-decarbone » pour accélérer la décarbonation et le développement des solutions technologiques sur l’ensemble du territoire. Autour de « Je-decarbone », nous fédérons ainsi un véritable échange entre les entreprises, les associations et les collectivités territoriales engagées dans la transition énergétique.
Concrètement, l’initiative repose sur 4 outils :
- Une plateforme de mise en relation entre les acteurs qui ont un besoin d’économies d’énergie ou de décarbonation et ceux qui proposent des solutions ;
- La mise à disposition de fiches et de schémas méthodologiques ;
- L’organisation de rencontres business sur l’ensemble du territoire ;
- Une série de webinaires qui présentent les outils de décarbonation et exposent des retours d’expérience d’industriels.
En nous appuyant sur ces différents outils, nous offrons la possibilité à l’ensemble de l’écosystème d’appréhender la décarbonation de manière concrète et pragmatique et d’avoir à portée de main des outils très opérationnels.
À ce jour, la plateforme compte plus de 3 000 utilisateurs de 850 entreprises et associations partenaires qui peuvent y trouver plus de 700 solutions de décarbonation. Chaque évènement que nous organisons en région rassemble entre 150 et 250 personnes.
Sur la question de la décarbonation, quelles sont les pistes de réflexion que vous pourriez partager avec nos lecteurs ?
Les actions de sobriété ou d’efficacité énergétique avec la mise en place de systèmes de pilotage et des adaptations mineures des pratiques génèrent en moyenne 20 à 30 % d’économies. Elles constituent le plus souvent le point de départ d’une démarche de décarbonation plus globale.
70 % de la consommation d’énergie finale dans l’industrie sert à produire de la chaleur. Le potentiel de la chaleur en matière de décarbonation est largement sous-estimé. Récupérer la chaleur fatale, développer la géothermie, le solaire thermique ou encore avoir recours à la biomasse ou stocker la chaleur qui se transporte et se transforme sont autant de moyens mobilisables pour décarboner l’industrie. « Je-decarbone » s’emploie à promouvoir ces solutions insuffisamment connues.
Au-delà de ces actions de mise en relation et de développement technologique, nous avons à relever un véritable enjeu de développement des compétences. Dans cet esprit, nous travaillons sur la mise en place d’un label des métiers de la transition énergétique. En France et aussi plus largement en Europe, il est impérieux de mieux faire connaître les compétences scientifiques, techniques et industrielles dont nous avons besoin pour réussir la transition énergétique et d’attirer les jeunes et les moins jeunes vers ces métiers.
Le Comité Stratégique de Filière Nouveaux Systèmes Énergétiques en chiffres
- 15 000 entreprises dans la filière
- 210 000 emplois directs et indirects
- 41 mds d’euros de chiffre d’affaires