Florent Longa, ECHY

Faire entrer la lumière naturelle dans les espaces aveugles

Dossier : TrajectoiresMagazine N°729 Novembre 2017
Par Florent LONGA (08)
Par Hervé KABLA (X84)

La socié­té ECHY, issue d’un pro­jet scien­ti­fique col­lec­tif (PSC) de l’É­cole, a été pré­sen­tée il y a trois ans dans sa phase de recherche. Elle est main­te­nant dans la phase de lan­ce­ment indus­triel de ses produits. 

Quel est le métier d’ECHY ?

Chez ECHY, nous nous défi­nis­sons comme des four­nis­seurs de confort et de bien-être grâce à la lumière natu­relle. Nous appor­tons les rayons du soleil par­tout dans le bâti­ment et prin­ci­pa­le­ment dans les espaces aveugles et mal éclairés. 

Nos clients peuvent alors reva­lo­ri­ser ces espaces en leur redon­nant vie, tout en pro­fi­tant des bien­faits de la lumière natu­relle. L’objectif de notre éclai­rage inno­vant : recon­nec­ter les gens au soleil. 

Comment t’est venue l’idée de créer cette société ?

Ini­tia­le­ment l’idée vient d’un pro­jet scien­ti­fique que l’on a mené à l’X en 2e année avec mon asso­cié Quen­tin Martin-Laval. 

Nous vou­lions rem­pla­cer l’éclairage élec­trique de plu­sieurs salles de cours qui étaient sans fenêtre en y appor­tant la lumière du soleil. 

L’opportunité de créer la socié­té s’est vrai­ment pré­sen­tée à nous quelques années plus tard, lorsqu’on s’est asso­ciés à Sté­pha­nie Le Beuze, au pro­fil plus finan­cier et com­mer­cial que nous. 

Et c’est en 2012 que nous avons fon­dé ECHY, au sein de l’École des ponts et chaus­sées, quelques mois avant notre remise de diplôme. 

Comment fait-on pour amener la lumière du soleil partout dans le bâtiment ?

Concrè­te­ment, on ins­talle un pan­neau de cap­teurs en toi­ture du bâti­ment qui va concen­trer les rayons du soleil dans des fibres optiques. 

Ensuite ce sont ces fibres optiques qui trans­portent la lumière natu­relle jusqu’aux lumi­naires qui peuvent être ins­tal­lés par­tout dans le bâtiment. 

Lorsqu’il n’y a plus suf­fi­sam­ment de soleil, un éclai­rage élec­trique LED prend auto­ma­ti­que­ment le relais. C’est le prin­cipe de l’éclairage hybride, d’où le nom ECHY. Ce sys­tème a l’avantage d’être très per­for­mant puisqu’il n’y a pas de conver­sion d’énergie, la lumière du soleil est sim­ple­ment concen­trée, trans­por­tée et dif­fu­sée. Tous ses bien­faits sont conservés. 

Pourquoi personne n’y a pensé plus tôt ?

“ L’objectif de notre éclairage innovant : reconnecter les gens au soleil ”

Le concept d’utiliser la fibre optique pour trans­por­ter les rayons du soleil existe depuis les années 1980. Nous avons repris un concept exis­tant mais peu connu et nous l’avons démocratisé. 

Plu­sieurs solu­tions exis­taient mais étaient limi­tées. Nous avons eu la chance de ne pas les connaître lorsque nous avons com­men­cé, ce qui nous a per­mis de par­tir de la feuille blanche. 

Avec une nou­velle approche nous avons réus­si à lever plu­sieurs ver­rous tech­no­lo­giques et à fina­li­ser un pro­duit com­plè­te­ment inno­vant, pou­vant répondre à des appli­ca­tions beau­coup plus larges que ce qui exis­tait jusqu’à présent. 

Comment développe-t-on un tel projet ?

Le déve­lop­pe­ment s’est fait par étapes. La pre­mière année, nous nous sommes foca­li­sés sur la recherche et le déve­lop­pe­ment. Il fal­lait vali­der l’idée et réa­li­ser un pre­mier pro­to­type à mon­trer. À par­tir de ce moment-là, et alors que le pro­duit était loin d’être fina­li­sé, nous avons com­men­cé la commercialisation. 

Cela nous a per­mis d’avoir notre pre­mière ins­tal­la­tion dès 2013 et d’évangéliser le mar­ché le plus tôt pos­sible. En dépit de res­sources limi­tées, nous avons mené com­mer­cia­li­sa­tion et déve­lop­pe­ment tech­nique de front. 

Cela nous a per­mis de faire évo­luer le pro­duit direc­te­ment à par­tir des retours uti­li­sa­teurs et clients. Nous avons mul­ti­plié les réfé­rences et aujourd’hui plus d’une ving­taine de bâti­ments sont équi­pés de notre éclai­rage hybride. Nous pré­pa­rons d’ailleurs la sor­tie de notre nou­veau pro­duit en début d’année pro­chaine, ECLYPSE, qui sera la 4e ver­sion de la technologie. 

Seuls ou avec des investisseurs ?

Luminaire à fibres optiques de la Société ECHY
Aujourd’hui, plus d’une ving­taine de bâti­ments sont équi­pés de notre éclai­rage hybride.

Nous avons levé un peu plus de 1,5 M€ depuis la créa­tion de l’entreprise, auprès de busi­ness angels issus du monde indus­triel et du sec­teur du bâti­ment. Nous avons cou­plé ce finan­ce­ment avec plu­sieurs sub­ven­tions de la BPI France et de l’UE. Au-delà de l’aspect finan­cier, nos asso­ciés nous accom­pagnent dans nos réflexions stra­té­giques et nous conseillent régulièrement. 

Cela est tout aus­si béné­fique à l’entreprise que l’investissement finan­cier d’origine.

Cela passe-t-il par le dépôt de brevets ?

L’innovation est une de nos valeurs fon­da­trices. Nous avons mis en place une stra­té­gie de pro­prié­té indus­trielle qui favo­rise d’abord le secret, puis le dépôt de bre­vets, de manière sys­té­ma­tique. Aujourd’hui nous avons un bre­vet sur notre pro­duit et l’avons éten­du à l’international.

Pour notre nou­veau pro­duit ECLYPSE, nous envi­sa­geons le dépôt de plu­sieurs nou­veaux bre­vets. Ces dépôts repré­sentent un coût impor­tant pour une start-up mais heu­reu­se­ment en France nous sommes for­te­ment inci­tés finan­ciè­re­ment grâce au cré­dit d’impôt recherche. 

Les bre­vets nous per­mettent de conser­ver, voire d’accentuer, notre avance sur nos concur­rents. Quand nous avons la pos­si­bi­li­té de dépo­ser un bre­vet, nous y allons sys­té­ma­ti­que­ment, juste avant la com­mer­cia­li­sa­tion du produit. 

Et le développement international ?

Nous avons com­men­cé l’international dès 2015, en recen­sant et contac­tant l’ensemble des dis­tri­bu­teurs potentiels. 

Aujourd’hui, nous avons un réseau de dis­tri­bu­tion inter­na­tio­nal prêt à deve­nir opé­ra­tion­nel et allons le lan­cer réel­le­ment en début d’année pro­chaine. Contrai­re­ment au déve­lop­pe­ment com­mer­cial en France, où nous avons été au contact des pre­miers clients très en amont, sur l’international nous avons pré­fé­ré attendre d’avoir fait nos preuves en France et d’avoir fina­li­sé le pro­duit ECLYPSE, stan­dar­di­sé et plug-and- play. 

Aujourd’hui, nous nous sen­tons prêts pour l’export et d’ici cinq ans nous pen­sons que l’international repré­sen­te­ra la majo­ri­té de nos installations. 

N’est-ce pas un peu original de créer une start-up industrielle ces jours-ci ?

Ori­gi­nal, je ne sais pas, plus rare peut-être. Mais il y a quand même de nom­breuses start-up indus­trielles en France, qui pro­posent des pro­duits très inté­res­sants et inno­vants. Nous ne sommes pas for­cé­ment sur les mêmes échelles de temps ni sur les mêmes besoins en finan­ce­ment que les start-up du numérique. 

“ Nous avons mis en place une stratégie de propriété industrielle qui favorise d’abord le secret, puis le dépôt de brevets ”

Mais là où il y a un vrai jalon, c’est sur l’industrialisation, le pas­sage du pilote, fabri­qué en quelques dizaines d’unités sur l’année, à la série, avec plu­sieurs cen­taines par mois. 

Nous avons réus­si à appré­hen­der cette phase d’industrialisation en signant un par­te­na­riat avec Miche­lin et en inté­grant leur accé­lé­ra­teur indus­triel. C’est un outil d’accompagnement for­mi­dable, qui répond à une vraie pro­blé­ma­tique qui n’avait pas encore de solu­tion pour les start-up indus­trielles dans l’écosystème français. 

Que t’a apporté ton passage à l’X dans ton rôle d’entrepreneur ?

Mon pas­sage à l’X m’a tout d’abord per­mis de ren­con­trer Quen­tin et de faire naître le pro­jet ECHY. Ensuite nous avons sui­vi un cours sur la créa­tion de start-up tech­no­lo­gique. C’est à ce moment-là qu’ECHY est pas­sé d’un pro­jet scien­ti­fique à un pro­jet de créa­tion de start-up. 

Puis nous avons par­ti­ci­pé au Prix Jean-Louis Geron­deau Zodiac Aeros­pace et avons été lau­réats. Le prix rem­por­té a été notre pre­mier apport finan­cier et a abou­ti au tout pre­mier prototype.

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