Films d'avril 2024

Sans jamais nous connaître / Le Molière imaginaire / Vivants / La salle des profs / Perfect days

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°794 Avril 2024
Par Christian JEANBRAU (63)

En sacri­fiant sans remords Comme un fils (Nico­las Bou­kh­rief – 1 h 42) et La zone d’intérêt (Jona­than Gla­zer – 1 h 45), puis – manque de place et non mépris – Il n’y a pas d’ombre dans le désert (Yos­si Avi­ram – 1 h 41) et Le suc­ces­seur (Xavier Legrand – 1 h 52), enfin, pin­ce­ment, L’homme d’argile (Anaïs Tel­lenne – 1 h 34), il nous reste…

Sans jamais nous connaîtreSans jamais nous connaître

Réa­li­sa­teur : Andrew Haigh – 1 h 45

Une émou­vante et pro­fonde réflexion sur le mal-être d’un qua­dra tou­chant (Andrew Scott, par­fait), qui a été arra­ché à douze ans (acci­dent de la route) à deux parents à l’affection mal­adroite, et qui n’en finit pas avec ce deuil super­po­sé à l’homosexualité qui venait et qu’ils n’avaient qu’entrevue – pour la nier.

Il va vivre, le temps de ce beau film, une ren­contre homo-sexuelle fra­ter­nel­le­ment empa­thique avec l’unique voi­sin de la tour déses­pé­ré­ment vide dont ils sont les seuls occu­pants, tan­dis qu’un enva­his­se­ment oni­rique mira­cu­leux va le remettre en contact trente ans plus tard, dans la mai­son de son enfance où il leur rend visite, avec ses parents, désor­mais du même âge que lui, pour des échanges et des dia­logues magni­fiques de jus­tesse, de déli­ca­tesse et d’émotion.

Le film se porte alors à un niveau poi­gnant de sen­si­bi­li­té. La tris­tesse mélan­co­lique sur laquelle il se clôt ne peut gom­mer l’éblouissement de la rela­tion renouée avec les morts. 

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molière imaginaireLe Molière imaginaire

Réa­li­sa­teur : Oli­vier Py – 1 h 34

Deux évi­dences à tra­vers cette mise en image sub­jec­ti­vée des der­nières heures de Molière : l’homosexualité d’Olivier Py le conduit à une lec­ture sou­vent gay de tout ce qui reste incer­tain dans les rela­tions mas­cu­lines ; son tra­vail est sérieux, docu­men­té et éclai­rant, sous réserve d’attention, sur le fait théâ­tral au sein de la troupe de Molière au début des années 1670. On voit Cha­pelle, exces­sif et cari­ca­tu­ré mais bien là ; Michel Baron, grand acteur du der­nier quart du siècle, ici mignon ultime, embar­qué dans une proxi­mi­té ambi­guë avec Armande Béjart et dans l’érotisation extrême de sa rela­tion au futur Grand Condé (encore duc de Bel­le­garde). On voit La Grange, qui suc­cé­da à Molière à la tête de sa troupe et tint pen­dant trente ans le registre de son fonc­tion­ne­ment… Vir­tuo­si­té : la mise en scène, les mou­ve­ments de camé­ra, un peu longs par­fois (ou super­flus : éphèbes nus).

Les dia­logues sont ins­truc­tifs (un poil gran­di­lo­quents), les acteurs excel­lents sauf, bémol inat­ten­du, Laurent Lafitte qui convainc peu en mori­bond bien por­tant et phra­seur. Mais, tout pesé, on recom­mande ! 

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VivantsVivants

Réa­li­sa­trice : Alix Dela­porte – 1 h 23

Très bon petit film, dyna­mique, enjoué, por­té par des acteurs qu’on aime (Zem, Elbaz, Arbillot…) et le charme d’Alice Isaaz. Ses 26 ans de dif­fé­rence avec Rosch­dy Zem (May Decem­ber, pour le coup !) décré­di­bi­lisent leur esquisse de romance, qu’il aurait mieux valu « filio-pater­na­li­ser ». Mais c’est docu­men­té, atta­chant ; les per­son­nages sont des­si­nés sans for­cer le trait, dans l’équilibre des rôles et l’agréable diver­si­té des carac­tères. Ils sont tous bons et Pas­cale Arbillot excel­lente. Trente secondes très drôles en insert du géné­rique de fin ! Un diver­tis­se­ment par­ti­cu­liè­re­ment réus­si. 

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La salle des profsLa salle des profs

Réa­li­sa­teur : İlk­er Çatak – 1 h 39

Oppres­sant de bout en bout, avec une bande-son obsé­dante. Très bien joué. Une ensei­gnante d’un col­lège où ont lieu des lar­cins récur­rents manœuvre mal­adroi­te­ment lors du vol dont elle est vic­time. S’enclenche alors un pro­ces­sus mal­sain qui se retourne contre elle et trans­forme sa vie péda­go­gique en enfer. Le choix scé­na­ris­tique n’est pas de por­ter l’affaire jusqu’à sa réso­lu­tion, mais seule­ment de décrire méti­cu­leu­se­ment les étapes de la dété­rio­ra­tion d’une situa­tion dans ce micro­cosme si par­ti­cu­lier qu’est un éta­blis­se­ment sco­laire, lieu où la com­mu­nau­té des pro­fes­seurs et celle des élèves sont condam­nées à évo­luer en réa­li­té dans un rap­port de force constant. Impres­sion­nant. 

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Perfect daysPerfect days

Réa­li­sa­teur : Wim Wen­ders – 2 h 05

Les rituels du héros imposent immédiate–ment l’ennui. S’ouvre la lutte conti­nue entre la poé­sie que le film porte et leur res­sas­se­ment. On s’interroge… Des détails s’insèrent dans le nar­ra­tif, un col­lègue aga­çant à l’adolescence imma­ture, sa copine. Les net­toyages conti­nuent, les dépla­ce­ments en vélo, ou en voi­ture au son US des six­ties et des seven­ties, les lec­tures du soir… Une nièce fugueuse fait remon­ter des dou­leurs fami­liales. Paren­thèse enchan­tée d’une reprise de House of the rising sun dans un boui-boui nip­pon. Une porte s’ouvre sur une émou­vante soli­da­ri­té mas­cu­line. Occu­pant tout l’écran (long plan final), le seul visage du mer­veilleux Koji Yaku­sho par­vient à don­ner sens à tout ce qu’on a vu. Un film à accep­ter, len­te­ment, tan­dis que la poé­sie qu’il dis­tille nous enva­hit, récom­pense bien méri­tée ! 

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