Films de Novembre : Maria rêve / Chronique d’une liaison passagère / Les enfants des autres / Novembre / Un beau matin / Sans filtre

Maria rêve / Chronique d’une liaison passagère / Les enfants des autres / Novembre / Un beau matin / Sans filtre

Dossier : Arts, Lettres & SciencesMagazine N°779 Novembre 2022
Par Christian JEANBRAU (63)

Pour ce mois de novembre, Chris­tian Jean­brau nous parle de cinq films : Maria rêve, de Lau­riane Escaffre & Yvo Mul­ler avec Karin Viard et Gré­go­ry Gade­bois, Chro­nique d’une liai­son pas­sa­gère d’Em­ma­nuel Mou­ret, avec San­drine Kiber­lain et Vincent Macaigne, Les enfants des autres de Rebec­ca Zlo­tows­ki avec Vir­gi­nie Efi­ra et Rosch­dy Zem, Novembre de Cédric Jime­nez, avec Jean Dujar­di, Un beau matin de Mia Han­sen-Løve avec Léa Sey­doux, Mel­vil Pou­paud et Nicole Gar­cia et Sans filtre de Ruben Öst­lund avec Charl­bi Dean.

Maria rêve

Maria rêve

Réa­li­sa­teurs : Lau­riane Escaffre & Yvo Mul­ler – 1 h 33

Un titre qui n’accroche pas et un pas­sage pro­mo­tion­nel sur France Inter où Karin Viard m’agace. Mais il y avait les conseils de ma fille et… c’est abso­lu­ment déli­cieux. Gré­go­ry Gade­bois n’est pas Clint East­wood et pour­tant on est, d’une cer­taine façon, Sur la route de Madi­son (avec hap­py end !). Les deux acteurs sont émou­vants, Karin Viard par­faite et Gré­go­ry Gade­bois plein d’une poé­sie lunaire éton­nante. Des seconds rôles atta­chants et drôles (char­mante Noée Abi­ta, mais tous sont bons). Et une mise en boîte savou­reuse des Beaux-Arts pari­siens, cadre de l’action ! Je redis : délicieux !


Chronique d’une liaison passagèreChronique d’une liaison passagère

Réa­li­sa­teur : Emma­nuel Mou­ret – 1 h 40

C’est l’histoire d’un type qui doute et d’une grande bringue extra­ver­tie. Deux acteurs tota­le­ment inves­tis, San­drine Kiber­lain et Vincent Macaigne, trans­forment cette ren­contre absurde en une course pour­suite après la liber­té d’un hédo­nisme sans limites et sans enga­ge­ment. Les dia­logues sont au cor­deau, intel­li­gents, enle­vés, et la jubi­la­tion du lâcher-prise qui souffle sur le film devrait tout empor­ter. Quatre amis devant l’écran. Les trois autres ont aimé sans réserve. Je suis res­té un cran en des­sous, admi­ra­tif devant une évi­dente réus­site, et pour­tant exté­rieur à ce couple qu’on me mon­trait, trop en lévi­ta­tion pour croi­ser ces réfé­rences à l’expérience per­son­nelle qui emportent inti­me­ment le spec­ta­teur dans une comé­die romantique.


Les enfants des autresLes enfants des autres

Réa­li­sa­trice : Rebec­ca Zlo­tows­ki – 1 h 43

Ça ne fonc­tionne pas. J’attendais trop de ce film ? Erreur de cas­ting ? Vir­gi­nie Efi­ra (Rachel) est bien, mais Rosch­dy Zem (Ali) ne semble pas à sa place. J’aime l’acteur mais son image ne colle pas au rôle. Les dia­logues amou­reux sont mièvres, les scènes de sexe ont quelque chose (mais quoi ? that is the ques­tion) « d’à côté », peut-être parce que trop à l’écart de ce qui veut être le sujet cen­tral, le désir d’enfant chez elle et la dif­fi­cul­té du report sur l’enfant de l’autre. Entra­vé par l’amour pater­nel et encore englué dans sa conju­ga­li­té éva­nouie, Ali tâtonne et l’affaire part en que­nouille dans une rete­nue géné­rale qui décré­di­bi­lise la pro­fon­deur affir­mée des sen­ti­ments. C’est la vic­toire de la médio­cri­té du quotidien.


NovembreNovembre

Réa­li­sa­teur : Cédric Jime­nez – 1 h 47

Cinq jours d’agitation poli­cière débri­dée post-Bata­clan. Impression­nant d’adrénaline mais on s’y perd un peu, le manque de lisi­bi­li­té s’infiltre dans la suc­ces­sion tré­pi­dante des plans. La traque de Ben Laden, le Zero Dark Thir­ty de Kathryn Bige­low, pre­nait davan­tage. L’enquête il est vrai pou­vait y être « au long cours ». Quand même, l’impression sou­daine d’une équipe de ciné­ma, d’acteurs, en train de jouer ser­ré, menu, haché, le non-réel qu’est la fic­tion, même ultra-docu­men­tée, s’installe. C’est ça et ça n’a pu être exac­te­ment ça. Les mâchoires ser­rées de Dujar­din, ça reste du ciné­ma. Revoir Paris, autre approche, pas­sait mieux. On oubliait le cas­ting. Ici, il est omni­pré­sent. Tous jouent l’action avec une convic­tion féroce… et je ne suis pas par­ve­nu entiè­re­ment à y croire.


Un beau matinUn beau matin

Réa­li­sa­trice : Mia Han­sen-Løve – 1 h 52

C’est une sorte de docu­men­taire (au bout du compte assez dépri­mant) sur la vie d’une mère céli­ba­taire atta­chée à un père qui perd ses bou­lons et à un amant mièvre et indé­cis. Léa Sey­doux se coiffe à la Jean Seberg, plus à l’Ouest que Pas­cal Greg­go­ry tu meurs, et Mel­vil Pou­paud s’épuise à quit­ter sa femme. Nicole Gar­cia, là au milieu, déploie sa brus­que­rie brow­nienne à la recherche d’un Ehpad conve­nable où caser son pauvre ex-mari Pas­cal avec qui elle a fait dans le temps Léa, cause des hési­ta­tions et pali­no­dies de Mel­vil. J’ai dit dépri­mant ? Bah, au fond, il y a comme un petit charme, celui de la vie comme elle va.


Sans filtreSans filtre

Réa­li­sa­teur : Ruben Öst­lund – 2 h 29

Pour­quoi ce titre fran­çais insi­pide ? On remarque Charl­bi Dean Kriek, écla­tante de beau­té au long du film et morte bru­ta­le­ment à New York le 29 août der­nier, à 32 ans. Et le film, lui ? Pas­sion­nant serait trop, inté­res­sant pas assez, riche cer­tai­ne­ment, dans le balayage de nom­breux thèmes (sans véri­table ori­gi­na­li­té tou­te­fois) pré­sen­tés avec un sou­ci qua­si péda­go­gique, bras­sant la lutte des classes, l’inconscience des pri­vi­lé­giés, la prise de pou­voir des domi­nés ren­dus par les cir­cons­tances domi­nants, l’amour peut-être, en trois cha­pitres : du sérieux réflé­chi, puis du bur­lesque, puis une gra­vi­té un peu tiède… Palme d’or, Cannes 2022 ? Il faut aller se faire sa religion.

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