Maria rêve / Chronique d’une liaison passagère / Les enfants des autres / Novembre / Un beau matin / Sans filtre
Pour ce mois de novembre, Christian Jeanbrau nous parle de cinq films : Maria rêve, de Lauriane Escaffre & Yvo Muller avec Karin Viard et Grégory Gadebois, Chronique d’une liaison passagère d’Emmanuel Mouret, avec Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne, Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski avec Virginie Efira et Roschdy Zem, Novembre de Cédric Jimenez, avec Jean Dujardi, Un beau matin de Mia Hansen-Løve avec Léa Seydoux, Melvil Poupaud et Nicole Garcia et Sans filtre de Ruben Östlund avec Charlbi Dean.
Maria rêve
Réalisateurs : Lauriane Escaffre & Yvo Muller – 1 h 33
Un titre qui n’accroche pas et un passage promotionnel sur France Inter où Karin Viard m’agace. Mais il y avait les conseils de ma fille et… c’est absolument délicieux. Grégory Gadebois n’est pas Clint Eastwood et pourtant on est, d’une certaine façon, Sur la route de Madison (avec happy end !). Les deux acteurs sont émouvants, Karin Viard parfaite et Grégory Gadebois plein d’une poésie lunaire étonnante. Des seconds rôles attachants et drôles (charmante Noée Abita, mais tous sont bons). Et une mise en boîte savoureuse des Beaux-Arts parisiens, cadre de l’action ! Je redis : délicieux !
Chronique d’une liaison passagère
Réalisateur : Emmanuel Mouret – 1 h 40
C’est l’histoire d’un type qui doute et d’une grande bringue extravertie. Deux acteurs totalement investis, Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne, transforment cette rencontre absurde en une course poursuite après la liberté d’un hédonisme sans limites et sans engagement. Les dialogues sont au cordeau, intelligents, enlevés, et la jubilation du lâcher-prise qui souffle sur le film devrait tout emporter. Quatre amis devant l’écran. Les trois autres ont aimé sans réserve. Je suis resté un cran en dessous, admiratif devant une évidente réussite, et pourtant extérieur à ce couple qu’on me montrait, trop en lévitation pour croiser ces références à l’expérience personnelle qui emportent intimement le spectateur dans une comédie romantique.
Les enfants des autres
Réalisatrice : Rebecca Zlotowski – 1 h 43
Ça ne fonctionne pas. J’attendais trop de ce film ? Erreur de casting ? Virginie Efira (Rachel) est bien, mais Roschdy Zem (Ali) ne semble pas à sa place. J’aime l’acteur mais son image ne colle pas au rôle. Les dialogues amoureux sont mièvres, les scènes de sexe ont quelque chose (mais quoi ? that is the question) « d’à côté », peut-être parce que trop à l’écart de ce qui veut être le sujet central, le désir d’enfant chez elle et la difficulté du report sur l’enfant de l’autre. Entravé par l’amour paternel et encore englué dans sa conjugalité évanouie, Ali tâtonne et l’affaire part en quenouille dans une retenue générale qui décrédibilise la profondeur affirmée des sentiments. C’est la victoire de la médiocrité du quotidien.
Novembre
Réalisateur : Cédric Jimenez – 1 h 47
Cinq jours d’agitation policière débridée post-Bataclan. Impressionnant d’adrénaline mais on s’y perd un peu, le manque de lisibilité s’infiltre dans la succession trépidante des plans. La traque de Ben Laden, le Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, prenait davantage. L’enquête il est vrai pouvait y être « au long cours ». Quand même, l’impression soudaine d’une équipe de cinéma, d’acteurs, en train de jouer serré, menu, haché, le non-réel qu’est la fiction, même ultra-documentée, s’installe. C’est ça et ça n’a pu être exactement ça. Les mâchoires serrées de Dujardin, ça reste du cinéma. Revoir Paris, autre approche, passait mieux. On oubliait le casting. Ici, il est omniprésent. Tous jouent l’action avec une conviction féroce… et je ne suis pas parvenu entièrement à y croire.
Un beau matin
Réalisatrice : Mia Hansen-Løve – 1 h 52
C’est une sorte de documentaire (au bout du compte assez déprimant) sur la vie d’une mère célibataire attachée à un père qui perd ses boulons et à un amant mièvre et indécis. Léa Seydoux se coiffe à la Jean Seberg, plus à l’Ouest que Pascal Greggory tu meurs, et Melvil Poupaud s’épuise à quitter sa femme. Nicole Garcia, là au milieu, déploie sa brusquerie brownienne à la recherche d’un Ehpad convenable où caser son pauvre ex-mari Pascal avec qui elle a fait dans le temps Léa, cause des hésitations et palinodies de Melvil. J’ai dit déprimant ? Bah, au fond, il y a comme un petit charme, celui de la vie comme elle va.
Sans filtre
Réalisateur : Ruben Östlund – 2 h 29
Pourquoi ce titre français insipide ? On remarque Charlbi Dean Kriek, éclatante de beauté au long du film et morte brutalement à New York le 29 août dernier, à 32 ans. Et le film, lui ? Passionnant serait trop, intéressant pas assez, riche certainement, dans le balayage de nombreux thèmes (sans véritable originalité toutefois) présentés avec un souci quasi pédagogique, brassant la lutte des classes, l’inconscience des privilégiés, la prise de pouvoir des dominés rendus par les circonstances dominants, l’amour peut-être, en trois chapitres : du sérieux réfléchi, puis du burlesque, puis une gravité un peu tiède… Palme d’or, Cannes 2022 ? Il faut aller se faire sa religion.