Dernière nuit à Milan / Love life / Une nuit / Les meutes / Sous le tapis
Qu’est-ce qu’un film raté, presque réussi, réussi ? Le début de l’été 2023 a permis un échantillonnage avec les films : L’amour et les forêts (Valérie Donzelli – 1 h 45), schématique et sans épaisseur ; Wahou ! (Bruno Podalydès – 1 h 30), seulement « sympatoche » ; Sick of myself (Kristoffer Borgli – 1 h 37), antipathique ; Fifi (Jeanne Aslan, Paul Saintillan – 1 h 48), touchant mais… ; Le processus de paix (Ilan Klipper – 1 h 32) qui y est presque ; Vers un avenir radieux (Nanni Moretti – 1 h 35), réservé aux fans de Moretti ; Yannick (Quentin Dupieux – 1 h 07), désastreux ; La Voie royale (Frédéric Mermoud – 1 h 47), sans intérêt majeur ; Un coup de maître (Rémi Bezançon – 1 h 35), amusant en salle et puis on réfléchit… Négligeant Oppenheimer (Christopher Nolan – 3 h 01) et Barbie (Greta Gerwig – 1 h 55), on a dit adieu à Harrison Ford, Indiana Jones et le Cadran de la destinée (James Mangold – 2 h 34), pétaradant à souhait. Puis on s’est attaché à…
Dernière nuit à Milan
Réalisateur : Andrea Di Stefano – 2 h 05
L’ouverture sur une bande son de Santi Pulvirenti est fascinante. Très bon film noir, au principe de crédibilité faible inhérent au genre près. Très bien construit, sur le fil, autour de la psychologie chahutée par les circonstances du héros, décidé, après trente-cinq ans de carrière policière vouée à l’effacement, à aller jusqu’au bout, porté par son amour pour la femme engagée à ses côtés. Un plan ultime pourrait laisser planer un doute qu’on écartera.
Love life
Réalisateur : Kôji Fukada – 2 h 04
L’observation continue, passionnante, de l’intime d’un monde japonais qui nous échappe, à travers la tragédie d’un jeune couple où les non-dits qu’écrasent les conventions de leur culture sont mis à nu. Riche et profond. Les sentiments, retenus, luttent contre la trivialité, dans une peinture délicate du navrant de nos faiblesses, de la complexité des émotions, de la difficulté de s’assumer, et dans un festival de courbettes qui nous arrachent un sourire. Le couple central est profondément estimable. Au milieu, un pitoyable pantin déséquilibre tout, victimaire et irresponsable, avant un apaisement sans doute résigné mais malgré tout positivement volontariste.
Une nuit
Réalisateur : Alex Lutz – 1 h 30
Entièrement centré sur le couple Alex Lutz – Karin Viard, c’est un exercice d’équilibre sur un schéma risqué. Cette vraie-fausse histoire de passion déclenchée par une engueulade de métro suivie immédiatement d’une baise irrépressible dans une cabine de Photomaton, puis d’une nuit d’errance sentimentale dans Paris, ne semble un scénario ni crédible, ni jouable. Et pourtant, ça marche, malgré et à cause de longs, d’ininterrompus dialogues très travaillés, qui touchent juste, sans vraie fausse note, dans des contextes parfois difficiles (un club échangiste) où ils atteignent une forme de vérité, et surtout grâce à Karin Viard, éblouissante, et Alex Lutz, d’une épaisseur humaine et simple étonnante. Un conte (quoi d’autre ?) en équilibre fragile d’une puissance inattendue.
Les meutes
Réalisateur : Kamal Lazraq – 1 h 34
Casablanca. Des paris sur des combats de chiens, une rancune, un coup tordu qui tourne mal et un père (Hassan : Abdellatif Masstouri) et son fils (Issam : Ayoub Elaid), petites mains des trafics locaux, dépassés, se retrouvent avec un cadavre sur les bras dont il faut se débarrasser avant l’aube. Une énorme tension de bout en bout, des péripéties où le sinistre côtoie le dérisoire, où la peur chez Hassan voisine avec des poussées de religiosité fantasmatique, et un enterrement islamique où les codes finissent par s’accommoder d’un équarrissage discret. Un parcours poisseux et deux acteurs étonnants de vérité. Une touche supplémentaire est ajoutée par la grand-mère avec deux scènes qui comptent, et par le sensible d’une relation père-fils ancrée dans ses non-dits. Impressionnant.
Sous le tapis
Réalisatrice : Camille Japy – 1 h 37
Quel plaisir de plonger dans l’univers bousculé de ce groupe familial où le décès du grand-père devient un puzzle de situations qui, du burlesque à l’émouvant, du rationnel au fantasmé, dessinent le tableau des réactions humaines au gré des âges et des personnalités devant la mort d’un proche. Des portraits extrêmement sensibles, sur une palette large, du déni psychorigide de l’épouse à l’inconscience affectueuse des plus petits. Des acteurs parfaits – Thomas Scimeca très bien, Bérénice Bejo très très bien, Stéphane Brel idéal crétin sportif, Ariane Ascaride impeccable – et Marilou Aussilloux, jusqu’alors ignorée, qui saupoudre le film d’une touche de malice épatante. C’est tout à fait profond et réussi.