Fintechs et Blockchain : les banques réagissent
Les banques peinent à innover compte tenu de leur lourdeur de fonctionnement, d’une réglementation toujours plus sévère et d’une relation avec le client jugée archaïque. Les fintechs sont plus agiles, maitrisent les nouvelles technologies comme la blockchain, mais peinent à trouver leur clientèle. Ces deux mondes se rapprochent, mais on ne peut pas encore juger de l’efficacité du résultat.
Les banques doivent aujourd’hui innover pour rester en ligne avec les attentes de leurs clients et se parer contre les menaces de l’uberisation de l’économie.
Or elles peinent à le faire en raison de la lourdeur de leur fonctionnement, des contraintes d’une réglementation toujours plus forte, et de l’orientation de leur R&D vers la sécurité et le réglementaire.
“ Les rapprochements entre banques et fintechs se sont multipliés ”
Elles ont mis du temps à voir dans les fintechs une menace ou une concurrence. Depuis, les rapprochements entre banques et fintechs se sont multipliés.
Un nombre grandissant de banques voient aujourd’hui dans les fintechs la solution à leur manque d’agilité et d’adaptation aux nouvelles technologies et un moyen d’accompagner voire d’accélérer leur évolution numérique. L’open innovation avec les fintechs est une des solutions d’adaptation des banques.
REPÈRES
Les fintechs sont des start-ups qui associent finance et technologie et qui se positionnent sur toute la chaîne du service financier.
En matière de financement, elles ont développé le crowdfunding, le peer to peer lending ou encore l’equity crowdfunding qui pallient certains manques de financement.
Yomoni et Advize en France, Scalable Capital, Betterment and Wealthfront développent les robots conseillers en épargne ou gestion de patrimoine. Mangopay ou Lemonpay proposent des services de monétique.
SIMPLES COOPÉRATIONS
Pour montrer qu’elles ne sont pas hermétiques à l’innovation et projeter ainsi une image d’une banque moderne et digitale, certaines banques organisent des hackathons de fintechs.
Ces opérations consistent à faire travailler un groupe de développeurs, de designers et d’employés de la banque sur des problématiques spécifiques durant une période courte de 24 heures ou 48 heures.
L’objectif est d’aboutir à des prototypes d’applications ou de sites Web qui fonctionnent.
D’autres banques organisent des concours de fintechs avec à la clé une période d’incubation de quelques mois au sein de la banque. La banque ramène ainsi les méthodes d’agilité à l’intérieur de leurs structures et de leurs équipes en espérant faire évoluer la culture interne de l’entreprise.
En contrepartie les start-ups bénéficient d’un accompagnement dédié, du réseau des banques et d’une visibilité accrue. On peut citer l’incubateur de BNP Paribas créé en avril 2015, WAI, avec deux espaces à Paris et à Massy.
PRISES DE PARTICIPATION
La prise de participation ou rachat de fintechs est probablement le modèle d’open innovation le plus immédiat et direct. Citons le rachat en 2015 de « Leetchi la cagnotte en ligne » par Crédit Mutuel Arkéma ou l’entrée de la Banque Postale dans le capital de la plateforme de crowdlending Wesharebonds pour financer indirectement des PME choisies par la start-up.
“ Passer outre les intermédiaires classiques tels que banques, notaires, cadastre ”
Il est pourtant difficile de juger de l’impact de ces rachats sur l’innovation interne dans les banques. En effet, les start-ups rachetées ou dans lesquelles investissent les banques restent confinées dans les activités de capital-risque de la banque. Les bénéfices sont mesurés en termes de retour sur investissement et non pas par les conséquences internes sur l’activité de la banque.
Au mieux la banque élargit la palette des services innovants proposés à sa clientèle. Mais on n’a pas vu jusqu’ici des banques qui ont repensé profondément leurs business models. À l’exception du crowdfunding qui s’est positionné comme solution de financement alternative des particuliers et des entreprises, les fintechs n’ont attaqué les banques qu’à la marge.
PEU DE PARTENARIATS AU NIVEAU OPÉRATIONNEL ET COMMERCIAL
Les fintechs ont besoin d’acquérir une base de clients afin d’accélérer leur développement commercial et faire du chiffre d’affaires. C’est plus important pour elles que la simple injection de capital. Sans clientèle récurrente et un service ou produit en phase avec une demande réelle et stable, l’avenir de la start-up reste toujours incertain.
Les banques ont une base de clientèle large mais sont à la recherche de nouveaux services. Sans oublier que les nouvelles générations sont dans un schéma de consommation et d’usage différent de la clientèle classique des banques.
Elles sont à la recherche de produits financiers innovants, faciles d’accès et transparents, en adéquation avec leurs modes de vie.
Le modèle d’innovation le plus efficace serait un partenariat commercial entre banques et fintechs. Les premières peuvent alors proposer de nouveaux produits ou expériences à leurs clients et les secondes ont accès à une base de clients prospects importante.
L’ACTIVITÉ BANCAIRE BOUSCULÉE PAR LA BLOCKCHAIN
La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle. Elle désigne par extension une base de données numérique décentralisée. Le bitcoin en est l’exemple d’application le plus connu.
Le bitcoin est l’exemple d’application de la blockchain le plus connu. © ZAPP2PHOTO / FOTOLIA.COM
La technologie de la blockchain – de par la transparence de ses transactions et la décentralisation de ses bases de données – est une innovation majeure. Elle permet de réaliser des transactions instantanées et de passer outre les intermédiaires transactionnels classiques tels que banques, notaires, cadastre. De quoi perturber en profondeur le modèle bancaire.
Les plus grandes banques mondiales ne pouvant ignorer une telle menace préfèrent y voir une opportunité notamment pour tout ce qui touche à la contractualisation. La blockchain réduira les temps et les coûts pour sceller un contrat.
LES SERVICES INTERBANCAIRES ÉGALEMENT CONCERNÉS
L’interbancaire est également un terrain propice à l’utilisation intelligente de la blockchain comme l’a indiqué Thierry Laborde, directeur général adjoint de BNP Paribas.
Plus d’une cinquantaine de banques l’ont compris et ont créé un partenariat avec la société R3 dédiée à l’innovation financière en open source qui mène ce consortium de banques autour de l’innovation et la blockchain en particulier.
Un autre exemple d’open innovation interbancaire autour de la blockchain est à citer : sept grandes banques françaises ont créé en 2016 une infrastructure pour exploiter l’innovation de la blockchain afin d’améliorer l’efficacité du financement des PME par les marchés de capitaux au niveau du post-marché (le post-marché correspond à la vie d’un titre, une fois celui-ci acheté ; il recouvre donc les activités successives de passage par une contrepartie et la gestion par un dépositaire central).
UNE EFFICACITÉ QUI RESTE À VÉRIFIER
Les fintechs généralement et les start-ups basées sur la technologie de la blockchain en particulier ont le mérite d’avoir perturbé un secteur bancaire longtemps resté archaïque dans sa relation avec le client et peu à l’écoute de l’innovation technologique et des usages.
Les banques pour la plupart ont compris et saisi l’opportunité que présentent ces start-ups pour améliorer leur transformation numérique et anticiper la disruption de leur modèle économique.
Il est par contre encore tôt de juger de l’efficacité des différents modèles d’open innovation expérimentés jusqu’ici entre banques et fintechs.