Fiscalité. subventions et évolution de l’urbanisme
Les coûts d’un urbanisme de moins en moins dense
Les coûts d’un urbanisme de moins en moins dense
Nos villes évoluent rapidement , vers un urbanisme de moins en moins dense avec une spécialisation de l’espace de plus en plus marquée. Cette évolution engendre des coûts toujours plus grands en infrastructures, une croissance vive de besoins de déplacements, qui ne peuvent être satisfaits que par l’automobile (les transports collectifs ne sont rentables que dans un urbanisme dense) avec son cortège de pollutions locales ou globales, elle s’accompagne d’une ségrégation croissante dans la population urbaine.
La responsabilité des politiques publiques
Cette évolution résulte-t-elle d’une préférence viscérale de nos concitoyens pour le pavillon isolé et pour l’automobile ou bien des politiques publiques qui ont :
– d’une part fortement réduit l’agrément des centres urbains traditionnels en les » adaptant à l’automobile » et en tout cas en y abandonnant gratuitement l’usage des rues à la circulation automobile ;
– d’autre part subventionné massivement la mobilité (les usagers des transports collectifs paient le tiers de ce que coûtent ces transports, et la subvention implicite accordée à l’automobile par l’usage gratuit de nos rues est du même ordre aux heures de congestion).
Une subvention massive à la mobilité
Cette subvention massive à la mobilité, superposée à la très forte décroissance du prix des terrains, quand on s’éloigne du centre ville, n’a-t-elle pas modifié les préférences de nos concitoyens en faveur d’un logement situé là où le coût du foncier est faible ? En consacrant 16 GF/an d’argent public à subventionner les transports publics en Île-de-France, pour faciliter (et du même coût encourager) la dispersion des Franciliens et seulement 400 MF/an (chiffres de 1992) pour alléger le coût du foncier afin de permettre aux HLM d’insérer des catégories sociales différenciées dans la zone dense de l’agglomération , n’a-t-on pas aggravé (sinon organisé) la ségrégation sociale ?
La politique d’aide à l’accession à la propriété
La politique d’aide à l’accession à la propriété du logement n’a-t-elle pas le même effet ? La volonté de soutenir le secteur du BTP, plus que le souci de satisfaire les préférences des ménages à faible revenu, a conduit, à partir de la fin de la décennie soixante-dix, à rechercher une clientèle de moins en moins solvable pour l’accession à la propriété, clientèle qui ne pouvait acheter que des logements situés dans des secteurs où le coût du foncier est le plus faible, c’est-à-dire dans des secteurs peu accessibles.
Simultanément, cette politique n’a-t-elle pas eu pour effet d’accentuer la ségrégation dans les HLM en en retirant leurs locataires les plus aisés (ou les moins démunis) ?
On peut certes dire que cette politique a permis aux ménages à revenus modestes de satisfaire une préférence éventuelle forte pour le pavillon isolé mais il est certain aussi qu’elle a orienté en moyenne ces préférences. L’affectation d’aides publiques équivalentes en faveur d’une autre forme d’épargne populaire que l’accession à la propriété n’aurait-elle pas orienté ces préférences dans un sens qui pose moins de problèmes à la collectivité ?
On doit enfin souligner que l’aide à l’accession à la propriété privilégie très fortement l’achat d’un logement neuf par rapport à l’achat d’un logement ancien à restaurer, ce qui dissuade les ménages à revenu modeste d’investir ailleurs qu’à la périphérie.
Le rapprochement domicile-travail dissuadé
En même temps que l’on subventionne massivement la mobilité urbaine, on dissuade ceux qui sont propriétaires de leur logement, de le vendre pour se rapprocher de leur lieu de travail (taxe de publicité foncière de l’ordre de 7 % sur la valeur de la transaction).
Contenus en emplois du supermarché en centre ville et de l’hypermarché en périphérie
L’évolution du commerce de détail résulte-t-elle d’une supériorité incontestable de la grande distribution, ou est-elle largement influencée par notre système fiscal ? Une comparaison a été faite entre le contenu en emploi et en transport de la vente d’une même marchandise par un supermarché en centre ville et par un hypermarché en périphérie : le premier engendre deux fois plus d’emplois et deux fois moins de transports que le second. (L’étude reste à faire pour le commerce de quartier traditionnel.) Le fait que nous taxions lourdement la main-d’œuvre et subventionnions les transports ne conduit-il pas à biaiser la compétitivité relative de la distribution dans un sens défavorable à un urbanisme « durable »)
Emplois mobilisés par le déplacement d’un voyageur sur un kilomètre en automobile ou en transport collectif
De la même façon , un déplacement d’un voyageur sur un kilomètre en automobile consomme deux fois plus de pétrole et crée deux fois moins d’emplois que le même déplacement en bus. Ici encore la fiscalité (sur la main-d’œuvre d’une part, sur l’énergie d’autre part) infléchit la compétitivité relative des deux modes de transport dont les impacts respectifs ne sont pas neutres vis-à-vis du développement urbain.
La taxe professionnelle
Les méfaits de la perception de la taxe professionnelle dans le cadre communal et non au niveau de l’agglomération sont bien connus : le régime actuel est un obstacle lourd à l’adoption de choix urbains structurés et équilibrés.
Rendons enfin possible le péage urbain
Les considérations qui précèdent ne débouchent sur aucune proposition visant à améliorer rapidement la situation sur tel ou tel de nos dysfonctionnements urbains, elles mettent en évidence des mécanismes qui agissent insidieusement dans un sens fâcheux avec des effets cumulatifs redoutables à long terme.
Revoir notre fiscalité et nos politiques de subvention me paraît indispensable pour infléchir ces évolutions : ne nous épuisons pas à ériger des petites digues locales si par ailleurs nous créons (ou en tout cas augmentons) la pente qui engendre le courant.
Une mesure me paraît particulièrement nécessaire : financer le développement des transports collectifs par une fiscalité locale nouvelle qui freine l’usage de l’automobile en ville (taxe sur les places des parkings ou mieux sur l’usage de l’automobile en ville par péage électronique). Proposons une loi qui rende possible une telle fiscalité dans les agglomérations qui souhaiteraient l’instaurer.