FLYING WHALES : le dirigeable qui réinvente la mobilité aérienne
Transport de marchandises, désenclavement des zones isolées, mobilité aérienne décarbonée, réduction de l’empreinte environnementale… sont autant d’enjeux au cœur du projet de FLYING WHALES qui développe, construit et opère le LCA60T, un dirigeable aux capacités inédites. Le point avec Vincent Guibout (X98), directeur général délégué de FLYING WHALES et Clément Barthe (X01), directeur industriel.
À l’origine de FLYING WHALES, il y avait la volonté de l’État français de mieux exploiter les ressources en bois. Qu’en est-il et comment l’idée autour de FLYING WHALES a‑t-elle évolué depuis ?
En effet ! Le point de départ de la réflexion autour du projet FLYING WHALES était la difficulté de l’ONF à mieux exploiter et valoriser la ressource en bois à cause d’un accès complexe à certains sites inaccessibles. L’idée était alors de trouver un moyen pour y accéder sans avoir à développer de nouvelles routes. Dans le cadre de cette réflexion, la solution retenue par les différentes parties prenantes a été celle d’un dirigeable doté de la capacité de transporter des charges lourdes, pouvant aller jusqu’à 60 tonnes, et tout cela sans empreinte au sol !
Le lancement officiel du projet a permis de mettre en évidence qu’il existait un marché avec de nombreuses applications pour notre dirigeable, le LCA60T, notamment le secteur de l’éolien et des infrastructures électriques, mais aussi toutes les industries qui nécessitent, in fine, de dimensionner leurs produits afin de pouvoir les transporter par voie routière. Très vite, le LCA60T s’est aussi imposé comme un outil au service du désenclavement de régions isolées.
Aujourd’hui, quel est le positionnement de FLYING WHALES ?
Notre activité et notre modèle s’articulent autour de deux axes :
- FLYING WHALES Industry, un constructeur aéronautique qui développe le LCA60T et prend en charge sa certification ;
- FLYING WHALES Services qui est l’opérateur du dirigeable. C’est une « compagnie aérienne », dont le périmètre d’action couvre l’exploitation du dirigeable avec la gestion des bases, la formation des pilotes, la maintenance.
Pour construire le LCA60T, l’exploiter et proposer nos différents services, nous mettons en en place un écosystème complet : développement des technologies propres au dirigeable, structuration d’un consortium industriel (plus de 50 partenaires), création d’une école de pilotage… Par ailleurs, avec les autorités compétentes, nous travaillons sur la définition du cadre réglementaire autour de cet écosystème.
Actuellement, FLYING WHALES emploie plus de 150 collaborateurs, nous visons une équipe de plus de 200 personnes d’ici la fin de l’année. L’entreprise est adossée à des actionnaires publics et privés, qui ont permis de lever plus de 160M€ depuis le début. Dans son actionnariat public, on retrouve notamment l’État français, la province du Québec ainsi que la région Nouvelle Aquitaine. L’actionnariat privé est composé, quant à lui, de grands groupes industriels (ADP, Bouygues, AirLiquide) et de fonds d’investissement.
Aujourd’hui, dans un monde où la mobilité doit se décarboner, votre dirigeable a vocation à s’imposer comme une alternative durable avec une faible empreinte environnementale. Concrètement, qu’en est-il ?
L’ambition de FLYING WHALES est de développer les technologies qui permettront de décarboner l’aviation de demain et qui, en plus, auront une vocation sociétale en contribuant à désenclaver des territoires isolés partout dans le monde, comme en Guyane ou encore au Québec, dont l’État est un de nos actionnaires.
Nous avons commencé à travailler sur la question du transport décarboné dès 2012 ce qui nous a permis de prendre une certaine avance en matière d’électrification, de propulsion électrique, ainsi que sur la génération de puissance bas carbone à bord d’un aéronef.
Nous avons ainsi développé un certain nombre de technologies assez novatrices qui donnent la possibilité à nos ingénieurs de travailler sur des projets et des sujets au cœur de l’aéronautique de demain.
Notre dirigeable est porté par de l’hélium. Il ne consomme aucune énergie pour se maintenir en altitude. La propulsion est principalement utilisée pour se déplacer. En comparaison avec un hélicoptère, le LCA60T émet 10 à 20 fois moins de CO2. Au-delà, le fait que notre dirigeable puisse opérer de manière stationnaire sans emprise ou infrastructure au sol permet aussi de générer des gains environnementaux importants. Pour le futur, nous travaillons sur l’électrification totale de l’appareil afin de se passer de la génération thermique de puissance. Cette évolution contribuera à améliorer le bilan carbone qui est déjà très bon ! Plus particulièrement, en termes d’électrification, pour la génération électrique, nous explorons différentes pistes. Actuellement, nous utilisons un turbo-générateur capable d’être alimenté par du SAF (Sustainable Aviation Fuel) et nous travaillons aussi bien sur l’utilisation d’hydrogène dans les turbines que sur le remplacement du turbo générateur par des piles à hydrogène.
Aujourd’hui, qui sont vos principaux clients ?
Nous opérons sur le segment du B2G ou Business To Government. Dans ce cadre, nous sommes considérés comme une infrastructure de transport, au même titre que le train, le métro ou les aéroports. Nous contribuons à l’aménagement du territoire et le développement économique d’une zone difficile d’accès ou d’une région isolée. Cette dimension « souveraine » explique notamment le fait que l’on retrouve des États dans notre actionnariat.
En parallèle, nous fournissons un service de transport à des industriels qui ont des problématiques de logistique ponctuelle et récurrente. Notre soute nous permet de transporter des objets qui ont une longueur identique à celle d’un terrain de football !
Aujourd’hui, FLYING WHALES a établi de nombreux accords et de liens préliminaires avec des acteurs finaux, comme l’ONF. Parmi ceux-ci, on retrouve Ariane pour le transport de récupération de sa fusée, des fabricants d’éoliennes (Vestas, Siemens…), des fabricants et des installateurs d’infrastructures électriques comme RTE… Récemment, nous avons signé un partenariat avec Bolloré Logistics afin d’utiliser notre solution, notamment en Afrique. À l’heure actuelle, nous avons ainsi signé plus d’une quarantaine d’accords préliminaires.
Quelles sont les prochaines étapes pour FLYING WHALES ?
Notre développement s’articule autour trois axes principaux :
Le développement du dirigeable : nous sommes en pleine phase de conception. L’intégration démarrera en 2024 ;
La construction de nos lignes d’assemblage : la région Nouvelle Aquitaine nous soutient dans le projet d’implantation près de Bordeaux, ainsi que nos partenaires québécois pour s’implanter près de Montréal. La construction du site près de Bordeaux doit démarrer en 2024, en fonction des autorisations administratives ;
La mise en place de l’écosystème autour du métier d’opérateur : nous travaillons sur le cadre réglementaire, la création d’une école pour former les pilotes…
Quels sont vos enjeux ?
Notre premier enjeu est humain. Nous recherchons et recrutons des ingénieurs pour travailler sur l’infrastructure, les opérations, l’exploitation… Nous sommes aussi sur des métiers à la croisée de l’aviation, de l’aérodynamique, de la thermique, de l’électronique, de l’ergonomie…, mais aussi sur des sujets spécifiques au monde du dirigeable comme le textile, les systèmes de ballastages et de treuils…
D’ici la fin d’année, nous visons une équipe de plus de 200 personnes en France, mais aussi une trentaine de personnes au Québec.
Aujourd’hui, FLYING WHALES est une start-up qui n’a pas encore d’activité commerciale. Nous avons donc un enjeu budgétaire afin de poursuivre notre développement en capitalisant sur les différents fonds et soutiens que nous avons reçus.
Et pour conclure ?
FLYING WHALES crée de nouvelles applications et un nouveau domaine autour du dirigeable. Nous sommes passés du transport du bois, des éoliennes, des pylônes, à des enjeux de désenclavement de zones isolées, d’accès au soin avec des hôpitaux mobiles et au développement de la mobilité aérienne décarbonée de demain. Aujourd’hui, le dirigeable est indéniablement un générateur d’idées et contribue à réinventer une société où le développement durable et la dimension sociétale sont au cœur des préoccupations.