Focus sur le Pôle Véhicule du Futur
Le Pôle Véhicule du Futur est en première ligne pour apprécier et suivre les évolutions que connaît le monde des mobilités. Dans cet entretien, son directeur général, Bruno Grandjean (X89) dresse pour nous un état des lieux des mobilités et revient sur les missions et les actions de ce pôle de compétitivité.
Pouvez-vous nous présenter le Pôle Véhicule du Futur ?
Nous sommes un pôle de compétitivité sur les véhicules, les solutions de mobilité et les services associés. Association à but non lucratif, nous avons été créés en 2005. Nous avons une double mission. La première est celle relative à notre ADN de pôle de compétitivité avec la mission d’accompagner l’innovation sur nos champs de spécialisation. La seconde est une mission d’animation des différents écosystèmes de la filière automobile et de la mobilité.
Concrètement, nous couvrons toute la chaîne de valeur. De par la diversité de nos adhérents, nous nous intéressons à toutes les problématiques auxquelles est confrontée la filière : matériaux, énergie, industrie, nouveaux usages et services… Nous comptons près de 500 membres, dont plus de la moitié sont des PME et des start-up. Parmi nos adhérents, nous avons également des organismes de recherche publique, des organismes de formation…
Actuellement, quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent ?
Au cœur des sujets qui mobilisent nos membres, on retrouve les principales évolutions qui transforment le monde de l’automobile et notre rapport à la mobilité. Dès 2005, nous nous sommes intéressés à la question de la mobilité propre synonyme à l’époque de filtre à particules pour les véhicules diesel. Nous suivons bien évidemment avec grand intérêt le sujet de l’électrification des véhicules, mais aussi de l’hydrogène. Le Pôle a la particularité d’avoir été un des premiers acteurs à s’intéresser à l’hydrogène au service de la mobilité. Nous avons, d’ailleurs, conçu la première voiture à hydrogène immatriculée en France. Le véhicule connecté et autonome est un autre sujet qui nous mobilise. C’est une thématique qui connaît un fort développement dans la mobilité portuaire, aéroportuaire et dans le monde de la logistique. Au niveau de la voiture individuelle, nous en sommes encore aux prémices.
À cela s’ajoutent des innovations sur le plan industriel avec l’émergence de l’industrie 4.0 qui révolutionne les processus de production et de fabrication, comme le recours à l’impression 3D… Enfin, nous travaillons aussi sur la question du développement durable et de l’économie circulaire.
Aujourd’hui, se dessinent les contours de la mobilité de demain. Quels sont les principaux enjeux selon vous ?
S’il y a certes un foisonnement d’idées pour réinventer la mobilité de demain, au cours de la dernière décennie, il n’y a pourtant pas eu de rupture majeure qui ait véritablement changé le quotidien des automobilistes. En parallèle, le rapport à la mobilité de demain varie d’une géographie à l’autre. Il est, en effet, évident que de nouveaux usages émergent plus aisément dans les villes denses que sur des territoires plus ruraux. Prenons l’exemple des trottinettes, il est plus facile de les utiliser sur les trottoirs parisiens ! Dans les villes et territoires moins denses, la voiture reste le premier réflexe pour se déplacer. Il en est de même pour les services de mobilité. Il est notamment complexe de déployer l’autopartage dans des zones moins denses.
Qu’en est-il de l’électrification de la mobilité ?
Aujourd’hui, le principal enjeu reste l’accès aux infrastructures de recharge. Les automobilistes qui ont franchi le cap sont essentiellement ceux qui ont eu la possibilité d’accéder facilement à une borne de recharge chez eux ou bien sur leur lieu travail. Au sein du Pôle, nous menons plusieurs travaux sur la question de la recharge des véhicules électriques sur le plan organisationnel pour un meilleur accès à la prise, mais aussi pour proposer des services annexes autour de la recharge (mise à disposition d’application pour localiser les points de recharge, accès aux informations sur les bornes de recharge…). Encore aujourd’hui, il y a un important travail à mener pour affiner et rendre plus pertinentes ces informations.
Au-delà, le coût des véhicules électriques reste un important frein. Si un des principaux arguments poussés pour convaincre les consommateurs est qu’à l’usage le coût de l’électricité est inférieur à celui du carburant, il faut, en effet, pouvoir garantir ce coût de la recharge, et cela plus particulièrement pour la recharge rapide.
Enfin, la filière automobile est aussi confrontée à un important enjeu en termes d’approvisionnement, de disponibilité et de coût des matériaux (nickel, lithium, cobalt…) qui sont utilisés pour la production des batteries. Se pose aussi la question de la fin de vie de ces batteries et leur recyclage.
Alors qu’il y a actuellement un véritable engouement pour l’hydrogène, quels sont les principaux freins à son déploiement ?
Aujourd’hui, l’hydrogène s’impose de plus en plus comme une alternative pertinente pour décarboner la mobilité et plus particulièrement la mobilité lourde. Plusieurs pistes technologiques sont explorées : combinaison d’une batterie et d’une pile à combustible, moteur à combustion hydrogène pour des besoins forte puissance ou en environnement agressif…
Mais le passage à l’échelle de l’hydrogène va nécessiter des investissements considérables pour produire l’hydrogène, le stocker, le transporter et le distribuer. C’est, en effet, toute la chaîne de valeur et une filière entière qui doivent être mises en place. Pour obtenir des coûts compétitifs, les projets d’hydrogène doivent servir aussi bien des applications industrielles que liées à la mobilité. En effet, c’est la massification des usages qui permettra de réduire les coûts. Au-delà, l’idée est aussi de développer une filière d’hydrogène renouvelable ou vert produit à partir de l’électrolyse de l’eau et d’énergies renouvelables (solaire, éolien ou biomasse) contrairement à l’hydrogène gris utilisé massivement aujourd’hui et qui est produit à partir d’hydrocarbures.
De plus en plus de collectivités locales mettent en place des projets d’hydrogène avec des stations pour alimenter leurs flottes de bus à l’hydrogène ou leurs bennes à ordures ménagères. En parallèle, on voit se développer une filière retrofit de bus et de camions à hydrogène afin de transformer des véhicules thermiques ou diesel afin de pouvoir les utiliser avec de l’hydrogène.
Enfin, aussi bien au niveau du développement du véhicule électrique qu’à l’hydrogène, l’ensemble des acteurs de la filière et de la chaîne de valeur est confronté à une hausse des prix de l’énergie qui impacte leur production, mais aussi à un enjeu humain alors que les tensions sur certains métiers rendent très difficiles les recrutements.
Sur ces sujets et face à ces enjeux, comment accompagnez-vous vos adhérents ?
Nous essayons de leur apporter un éclairage sur la situation afin de les aider à mieux appréhender le contexte actuel, les tendances qui se démarquent, les principales orientations à prendre en compte… En parallèle, nous proposons aussi un accompagnement individuel, notamment sur les projets d’innovation au sein du pôle de compétitivité : montage de projets, financement… Nous les accompagnons aussi dans leur démarche dans le cadre des projets portés par l’ADEME, l’État, les Régions ou encore l’Europe. À notre niveau, nous déployons aussi de nombreux programmes autour de la mutualisation des achats, de la décarbonation, des économies d’énergie…
En notre qualité d’organisme de formation, nous mettons en place des actions de formation auprès des entreprises en leur proposant notamment des formations sur des sujets où il y a un manque. Nous menons des actions en lien avec le monde de la formation initiale, les IUT et les lycées techniques, afin de développer des formations en lien avec les besoins de la filière, mais aussi pour promouvoir notre industrie auprès des jeunes.
Enfin, nous avons aussi un rôle d’animation et de catalyseur. Nous promouvons les rencontres et le partage entre nos membres et les différentes parties prenantes : CCI, agences de développement, les régions, les autres pôles de compétitivité à une échelle nationale, européenne et internationale. Nous avons ainsi contribué à la création du réseau EACN, European Automotive Cluster Network, un réseau qui regroupe 24 clusters automobiles en Europe.