FONCTIONNAIRE OU TOURISTE ?
Michel Malherbe (50), ingénieur général des Ponts et Chaussées, a partagé sa vie entre la coopération et le tourisme : coopération au BCEOM et à la Satec, tourisme auprès de Marcel Antonioz, secrétaire d’État au Tourisme.
Son dernier livre Fonctionnaire ou touriste ? est un ouvrage foisonnant qui regroupe des observations sur la politique française de coopération, le tourisme, les langages, les religions, les coutumes, l’énergie et un certain nombre de « petits métiers », tout cela à travers 150 pays (80 visités pour des raisons professionnelles et les autres pour le plaisir) : Amérique, Afrique, Asie, Moyen- Orient, Océanie. La curiosité de Michel Malherbe est infatigable. Plus qu’au devenir technique et économique des pays visités, il s’intéresse à leur culture (langages, religions, architecture) ainsi qu’aux paysages.
Son livre fourmille de réflexions amusantes et de rencontres pittoresques, et nous invite à un tourisme plus intelligent. Il égratigne parfois ses collègues fonctionnaires, c’est mon devoir de le dire, je pense d’ailleurs qu’ils ne lui en tiendront pas rigueur.
Naturellement il s’intéresse beaucoup aux questions religieuses (Sénégal, Iran, Burundi), et aborde aussi les questions du langage : il s’agit de parler coréen, tsigane, mashi, manjak, ourdou, brahoui, tchétchène, persan, ouolof, japonais, mongol voire breton. Une page spéciale, consacrée à l’argot polytechnicien, intéressera évidemment les lecteurs de La Jaune et la Rouge. Je retiendrai quelques remarques de l’auteur à propos de pays que j’ai connus ou qui m’ont intéressé.
• Le Sénégal. Plutôt que de se concentrer sur les infrastructures routières de ce pays, Michel Malherbe préfère évoquer le baobab : on dit que Dieu après l’avoir créé demanda à l’homme si cet arbre lui plaisait, devant sa réponse peu enthousiaste, Dieu, furieux, arracha l’arbre et le replanta à l’envers. Il s’intéresse ensuite à la réelle variété d’un paysage jugé par d’autres monotone : zones sablonneuses, zones latéritiques, zones argileuses, rizières et marais de Casamance… Son grand regret : n’avoir pas eu le temps de visiter le parc de Niokolo Koba (réserve animalière de l’extrême-est du pays).
Il nous fait part de ses souvenirs à propos de la place des religions au Sénégal : Léopold Sédar Senghor était sérère et catholique, à Dakar en 1962, il était possible de fréquenter la Vie Nouvelle (orientée à gauche), d’adhérer à Verbe (franchement à l’extrême-droite), d’être reçu par Monseigneur Lefebvre (c’était avant le schisme de Saint-Nicolasdu- Chardonnet) ou de visiter le beau couvent des bénédictins de Keur Moussa (près de Thiès). Mais il était également possible du côté musulman de visiter la « Mecque de Touba » (avec sa mosquée et son minaret de 100 mètres de haut).
• L’Iran. Malherbe constate un contraste saisissant entre l’austérité poignante des paysages désertiques de la plus grande partie de l’Iran et le paysage des bords de la Caspienne (où vivaient récemment des tigres) avec ses rizières et ses extraordinaires maisons couvertes de toits de chaume. […] Contraste avec le monde des Kurdes ou des Turcs d’Azerbaïdjan, pays de haute montagne avec des volcans de plus de 4 000 mètres couverts de neiges éternelles.
• Le Burundi. Malherbe s’écrie : « Je faillis sortir de la messe à la cathédrale de Bujumbura quand l’évêque tutsi du pays déclara à peu de chose près qu’une fois les Hutus massacrés on pourrait leur pardonner. » Cela méritait d’être dit.
• Le Caucase. L’ancien président de l’Association « ARRI » que je suis remercie chaleureusement Michel Malherbe de l’excellente présentation qu’il fit en 1999 du puzzle du Caucase : il nous a ainsi incités à organiser deux voyages l’un en Arménie, Géorgie, l’autre en Azerbaïdjan. Il s’est passé beaucoup de choses, depuis, dans cette région ! Ce livre devrait plaire aux polytechniciens, intéresser tous ceux qui ont vécu la coopération, attirer ceux qui rêvent d’un tourisme plus intelligent.
Diplomates, magistrats, douaniers, enseignants, contrôleurs des impôts… les fonctionnaires civils français sont près de cinq millions, y compris plus de deux millions d’employés des collectivités locales, régions, départements, mairies. En bref, en y ajoutant les militaires, c’est environ un Français sur quatre qui est au service d’une administration ou d’une autre, c’est-à-dire au service du public pour le meilleur et pour le pire. Cette multiplicité et cette diversité découragent toute description systématique. D’ailleurs est-il vraiment intéressant d’énoncer des idées générales sur cette vaste population disparate ou d’accumuler des études monographiques sur telle sous-espèce de fonctionnaires ? |
Commentaire
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Re : fonctionnaire ou touriste ?
Très bon livre, qui bénéficie malheureusement d’une faible promotion mais Michel Malherbe est un bon auteur à découvrir ou re-découvrir.