Forêts et plantations : un enjeu en matière de coopération académique

Dossier : Le BrésilMagazine N°626 Juin/Juillet 2007
Par Valérie MAQUERE (99)

Le sec­teur fores­tier repré­sente au Bré­sil deux mil­lions d’emplois et 4 % du PIB. Outre les forêts natu­relles et la très célèbre Ama­zo­nie, il compte envi­ron 5 mil­lions d’hec­tares de mono­cul­tures d’es­sences à crois­sance rapide qui four­nissent les indus­tries pape­tière et métal­lur­gique (char­bon végé­tal) (SBS, 2001). Les pro­duc­tions sont par­mi les plus fortes au monde et atteignent clas­si­que­ment 40 à 50 m3 ha-1 an-1.

La coopé­ra­tion France-Bré­sil est donc un enjeu majeur dans ce sec­teur. Elle inter­vient dès la for­ma­tion des ingé­nieurs fores­tiers au sein de pro­grammes d’é­changes bila­té­raux entre l’É­cole supé­rieure d’a­gro­no­mie Luiz de Quei­roz (ESALQ)-université de São Pau­lo (USP) et l’É­cole natio­nale du Génie rural des Eaux et Forêts (ENGREF), et plus géné­ra­le­ment sur des pro­jets com­muns de recherche avec le Centre de coopé­ra­tion inter­na­tio­nale en recherche agro­no­mique pour le déve­lop­pe­ment (CIRAD) et l’Ins­ti­tut natio­nal de la recherche agro­no­mique (INRA).

L’ESALQ et le CENA : un pôle de formation et de recherche, Piracicaba, Brésil

L’ESALQ, créée en 1901, est l’une des plus anciennes écoles d’a­gro­no­mie du Bré­sil et fait par­tie depuis 1934 de l’u­ni­ver­si­té de São Pau­lo en tant qu’u­ni­té fondatrice.

L’É­cole supé­rieure d’a­gro­no­mie Luiz de Quei­roz (ESALQ)

Son cam­pus est loca­li­sé à Pira­ci­ca­ba, ville de 300 500 habi­tants dis­tante de 152 km de São Pau­lo, et compte 11 dépar­te­ments et 148 labo­ra­toires. L’ESALQ pro­pose des for­ma­tions de « gra­dua­ção » (équi­valent diplôme d’in­gé­nieur) (390 places annuelles) et de pos-gra­dua­ção (mas­ter et doc­to­rat) dans les domaines de l’a­gro­no­mie, de l’a­li­men­taire, des sciences fores­tières, etc.

Créé en 1968, le dépar­te­ment de Sciences fores­tières (LCF) de l’E­SALQ forme les ingé­nieurs fores­tiers et les maîtres et doc­teurs en res­sources fores­tières (spé­cia­li­sa­tions forêts de pro­duc­tion, conser­va­tion des res­sources fores­tières, tech­no­lo­gies des pro­duits fores­tiers). Il dis­pose en outre de deux sta­tions expé­ri­men­tales situées dans l’É­tat de São Pau­lo à Anhem­bi (600 hec­tares) et à Ita­tin­ga (2 200 hectares).

La liai­son recherche-entre­prise s’ef­fec­tue par le biais de l’Ins­ti­tut de recherches et d’é­tudes fores­tières (IPEF), ins­tal­lé au sein du dépar­te­ment de sciences fores­tières de l’E­SALQ. L’IPEF est une asso­cia­tion sans but lucra­tif créée en 1968 dont la mis­sion est de pro­mou­voir et déve­lop­per le sec­teur fores­tier. Outre des actions d’ap­pui à la recherche et de com­mu­ni­ca­tion, elle assure la liai­son entre milieux scien­ti­fique et entre­pre­neu­rial et met à dis­po­si­tion des entre­prises, des orga­nismes de recherche, et de la socié­té en géné­ral, des semences fores­tières de qualité.

Rat­ta­ché au cam­pus « Luiz de Quei­roz » et à l’u­ni­ver­si­té de São Pau­lo, le Centre d’éner­gie nucléaire en agri­cul­ture (CENA) est un ins­ti­tut spé­cia­li­sé qui compte 18 labo­ra­toires par­mi les mieux ins­tru­men­ta­li­sés du Bré­sil et forme des étu­diants en mas­ter et doc­to­rat. La col­la­bo­ra­tion France-Bré­sil au CENA a com­men­cé dès les années 1970 entre le labo­ra­toire de bio­géo­chi­mie de l’en­vi­ron­ne­ment (Bio­geo­quí­mi­ca Ambien­tal) et l’Ins­ti­tut de recherche pour le déve­lop­pe­ment (IRD) et a per­mis la sou­te­nance de 17 mas­ters et 25 doc­to­rats dont la pre­mière thèse en cotu­telle entre une uni­ver­si­té fran­çaise (Orléans) et l’u­ni­ver­si­té de São Pau­lo. Aujourd’­hui, cette coopé­ra­tion est por­tée par l’U­ni­té de recherche (UR) Seq­Bio.

Le CIRAD et l’INRA comme partenaires de recherches du département de sciences forestières de l’ESALQ

C’est dans ce cadre aca­dé­mique qu’un par­te­na­riat a été déve­lop­pé depuis 2003 entre le CIRAD Forêt, UR « Fonc­tion­ne­ment et pilo­tage des éco­sys­tèmes de plan­ta­tion » et l’E­SALQ LCF-CENA-IPEF. Il s’est tra­duit par l’af­fec­ta­tion en 2003 d’un cher­cheur du CIRAD (Jean-Paul Laclau) à l’E­SALQ et l’ins­tal­la­tion d’un dis­po­si­tif d’é­tudes de cycles bio­géo­chi­miques en plan­ta­tions d’eu­ca­lyp­tus sur le site expé­ri­men­tal d’I­ta­tin­ga. L’ob­jec­tif du pro­jet est d’é­va­luer les consé­quences des modes de fer­ti­li­sa­tion des plan­ta­tions d’eu­ca­lyp­tus sur le fonc­tion­ne­ment bio­géo­chi­mique de l’é­co­sys­tème, la crois­sance des arbres et la qua­li­té des eaux drai­nées. Le pro­jet est cofi­nan­cé par le CIRAD, la FAPESP (Fun­da­ção de Ampa­ro à Pes­qui­sa do Esta­do de São Pau­lo), l’u­ni­ver­si­té de São Pau­lo, le minis­tère des Affaires étran­gères du Bré­sil, ain­si que le COFECUB (Comi­té fran­çais d’é­va­lua­tion de la coopé­ra­tion uni­ver­si­taire avec le Bré­sil). Il s’é­tend main­te­nant à l’USP (dépar­te­ment Sciences atmo­sphé­riques de l’Ins­ti­tut d’as­tro­no­mie, de géo­phy­sique et de Sciences atmo­sphé­riques (IAG) et dépar­te­ment Éco­lo­gie de l’Ins­ti­tut de bios­ciences) avec l’af­fec­ta­tion d’un deuxième cher­cheur du CIRAD pour tra­vailler plus pré­ci­sé­ment sur les flux de car­bone et l’ins­tal­la­tion d’une tour à flux en plan­ta­tion d’eucalyptus.

Ce pro­jet a don­né lieu ces der­nières années à de nom­breuses mis­sions de cher­cheurs bré­si­liens et fran­çais ain­si qu’à l’en­ca­dre­ment ou coen­ca­dre­ment de sept étu­diants en for­ma­tion d’in­gé­nieurs fores­tiers à l’E­SALQ, de cinq mas­ters bré­si­liens et d’une thèse bré­si­lienne. Une thèse en cotu­telle est actuel­le­ment en cours entre Engref et l’E­SALQ. Elle béné­fi­cie du finan­ce­ment du minis­tère de l’A­gri­cul­ture via le corps du GREF (for­ma­tion com­plé­men­taire par la recherche). Une seconde thèse a débu­té en octobre 2006 à l’u­ni­ver­si­té de Nan­cy avec un accueil pen­dant deux ans à l’USP (IAG et ESALQ).

L’INRA est éga­le­ment enga­gé dans le pro­ces­sus de coopé­ra­tion avec l’E­SALQ-USP sous diverses formes : une coopé­ra­tion via le Cirad qui per­met d’af­fir­mer la pré­sence de l’In­ra en tant qu’ex­pert ; une coopé­ra­tion via des ins­tances inter­na­tio­nales qui s’est déve­lop­pée dans le cadre du pro­jet Cifor « Site Mana­ge­ment and Pro­duc­ti­vi­ty in tro­pi­cal plan­ta­tion forests » et qui se tra­duit concrè­te­ment par le rôle de Jacques Ran­ger, expert scien­ti­fique dans le Scien­ti­fic Advi­so­ry Group du pro­jet ; une coopé­ra­tion plus volon­ta­riste bila­té­rale dans le cadre d’ac­cords spé­ci­fiques où sont négo­ciées quelques actions, par exemple le sou­tien par­ta­gé à des stages doc­to­raux et post­doc­to­raux France-Bré­sil et Bré­sil-France ; une coopé­ra­tion plus large qui consiste à rap­pro­cher ponc­tuel­le­ment les deux orga­nismes dans le cadre d’un pro­jet Inra dit pro­jet d’ex­cel­lence (accueil de pro­fes­seurs ou cher­cheurs de très haut niveau pour quelques années avec mise à dis­po­si­tion de bud­gets, per­son­nels, bourses de thèse etc.), ouverte au Bré­sil au même titre qu’à d’autres pays ; l’ac­cueil d’é­tu­diants en for­ma­tion à la recherche dans le cadre des pro­jets de coopé­ra­tion où l’In­ra est enga­gé (exemple des étu­diants bré­si­liens du pro­jet Bra­fi­tech décrit ci-après).

L’ENGREF-FIF, partenaire de l’ESALQ en matière de formation des ingénieurs forestiers

Paral­lè­le­ment aux échanges d’é­tu­diants menés dans le cadre des pro­jets de recherche, l’E­SALQ est enga­gée dans de nom­breux échanges avec la France au niveau de ses for­ma­tions d’in­gé­nieurs, tels les échanges avec l’É­cole supé­rieure d’a­gri­cul­ture d’An­gers (ESA) et un accord de double diplôme avec l’Ins­ti­tut natio­nal d’a­gro­no­mie Paris-Gri­gnon (INAPG). Ces cinq der­nières années, ces accords ont conduit à l’é­change de 19 étu­diants bré­si­liens, 44 étu­diants fran­çais, ain­si que la réa­li­sa­tion de 15 mis­sions tech­ni­cos­cien­ti­fiques de direc­teurs, pro­fes­seurs et cher­cheurs dans les deux pays. À ces échanges, s’est ajou­tée depuis sep­tembre 2006 une coopé­ra­tion entre les for­ma­tions d’in­gé­nieurs fores­tiers de l’EN­GREF (FIF) et de l’E­SALQ au sein d’un pro­jet Bra­fi­tech. Ce pro­gramme d’é­change Bré­sil-France a, entre autres, pour objec­tifs de créer et conso­li­der des coopé­ra­tions visant l’é­change d’é­tu­diants en for­ma­tion d’in­gé­nieur fores­tier et de rendre à terme pos­sible la recon­nais­sance des cré­dits d’en­sei­gne­ment obte­nus dans cha­cun des éta­blis­se­ments par­te­naires. Sont finan­cés pour deux ans : des échanges d’é­tu­diants pour des périodes de six à douze mois, des échanges d’en­sei­gnants et des mis­sions de coor­di­na­tion pour des durées d’une à deux semaines.


Plan­ta­tion d’eucalyptus

Les deux pre­mières étu­diantes ayant par­ti­ci­pé au pro­jet Bra­fi­tech ont inté­gré la FIF en sep­tembre 2006. Flo­ra Mar­tins a sui­vi l’op­tion « Ges­tion des milieux natu­rels » et effec­tue actuel­le­ment un stage de recherche de six mois à l’IN­RA Nan­cy, au sein de l’u­ni­té Bio­géo­chi­mie des Éco­sys­tèmes fores­tiers ; Fer­nan­da Guedes a sui­vi l’op­tion « Filière bois » et effec­tue son stage de recherche à l’IN­RA Orléans dans l’u­ni­té « Recherche amé­lio­ra­tion, géné­tique et phy­sio­lo­gie Forestières ».

Elles sou­lignent toutes deux l’im­por­tance d’un tel échange dans leur car­rière pro­fes­sion­nelle. D’a­près Flo­ra, dans un contexte bré­si­lien où « une expé­rience à l’é­tran­ger est chaque jour un peu plus valo­ri­sée, cet échange, en plus d’ac­croître ses com­pé­tences pro­fes­sion­nelles, sera un atout majeur sur son CV ». Par ailleurs, comme le sou­ligne Fer­nan­da, « les dif­fé­rences entre les forêts fran­çaises et bré­si­liennes sont nom­breuses : diver­si­té de la faune et de la flore, dimen­sion des espaces boi­sés, et aspects admi­nis­tra­tifs… Le contact avec un autre type d’en­sei­gne­ment est essen­tiel, car il per­met de mieux com­prendre les habi­tudes et méthodes de tra­vail de futurs col­lègues, dans un contexte où le main­tien de la dura­bi­li­té des res­sources natu­relles devient une pré­oc­cu­pa­tion inter­na­tio­nale ». Par ailleurs, d’a­près Flo­ra, l’ex­pé­rience de vie à l’é­tran­ger « per­met une vision plus large des socié­tés et de leurs pro­blèmes. Elle apprend à réflé­chir à dif­fé­rentes échelles, à pen­ser dif­fé­rem­ment et faci­lite l’ac­tion au sein même de son propre pays à tra­vers la recherche de solu­tions nouvelles ».

Quatre nou­veaux étu­diants ont inté­gré le pro­jet en jan­vier 2007. On espère pro­chai­ne­ment l’ac­cueil de mis­sions d’en­sei­gnants et d’é­tu­diants fran­çais à l’ESALQ.

Ce pro­jet Bra­fi­tech s’ins­crit dans une dyna­mique plus large d’ou­ver­ture à l’in­ter­na­tio­nal de l’ENGREF. La coopé­ra­tion avec le Bré­sil relève d’une vraie volon­té de l’EN­GREF de déve­lop­per des rela­tions bila­té­rales avec ce pays, tant dans le domaine fores­tier que dans celui de la ges­tion des res­sources natu­relles, par exemple de la res­source en eau.

Un accueil est déjà en cours à Mont­pel­lier sur ce der­nier volet. En tant que membre de Paris­Tech, l’EN­GREF a par ailleurs par­ti­ci­pé au recru­te­ment en 2006 d’é­tu­diants bré­si­liens de l’U­FRJ (Rio de Janei­ro), de l’USP (São Pau­lo), ou encore de l’U­NI­CAMP (Cam­pi­nas) qui inté­gre­ront les for­ma­tions de l’I­NAPG et de Chi­mie Paris. Elle est membre du comi­té de pilo­tage qui orga­nise le forum Fran­co-Bré­si­lien « Entre­prises-For­ma­tions d’in­gé­nieurs » à São Pau­lo les 19 et 20 avril 2007.

Commentaire

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Adjao­té ANOUGOULOrépondre
21 juin 2011 à 11 h 53 min

tech­ni­cien supé­rieur en agri­cul­ture
Bon­jour ;

Citoyen Togo­lais, je désire m’ins­crire dans un pro­gramme de Mas­ter en science agronomique.

Pour­riez-vous me faire par­ve­nir la docu­men­ta­tion et les for­mu­laires d’ad­mis­sion à cet effet.

J’ai­me­rais éga­le­ment rece­voir toute infor­ma­tion concer­nant le sta­tut d’é­tu­diant étran­ger, que se soit au niveau des condi­tions d’ad­mis­sion, de l’é­va­lua­tion des diplômes, des pro­grammes d’aides finan­cières ou des normes de l’immigration.

Espé­rant rece­voir ces docu­ments sous peu, je vous prie d’a­gréer, mes­dames, mes­sieurs, mes salu­ta­tions distinguées.

Anou­gou­lo adjaoté

129Kara, anougouloadjaote@yahoo.fr

002289713941

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