France Biotech : engagée et mobilisée au service du déploiement et du développement de la HealthTech française
Développement, croissance, réglementation, financement… Franck Mouthon, président de France Biotech, dresse un panorama complet du secteur de la HealthTech en France. Il nous explique aussi comment France Biotech se positionne sur l’ensemble de ces enjeux et questions essentiels à la structuration et au renforcement de ce secteur en France, en Europe et à l’international. Rencontre.
Qu’est ce que France Biotech ?
France Biotech est une association professionnelle indépendante qui existe maintenant depuis 27 ans. Elle réunit près de 650 adhérents sur l’ensemble du territoire français. Nos adhérents sont des entrepreneurs de la Tech, de la Biotech et de la Medtech et couvrent toutes les dimensions du numérique en santé. Ce sont essentiellement des PME et des start-up, même si nous avons également des ETI ainsi que quelques grands groupes de l’industrie pharmaceutique, technologique ou du numérique en santé.
France Biotech a principalement deux missions. La première est de fournir et de mettre à la disposition de l’ensemble de nos entrepreneurs et nos adhérents des informations actualisées sur les différentes dimensions qui les intéressent et que nous couvrons dans nos 7 commissions (business développement, corporate finance, Medtech & diagnostic, bioproduction et médicaments de thérapie innovante, carré des juristes, santé numérique, ressources humaines) et nos 5 groupes de travail (essais cliniques, market access, young Healthtech, patient/aidant/soignant/famille, transfert technologies).
Nous avons, en parallèle, une seconde mission d’affaires publiques. Nous faisons ainsi remonter aux pouvoirs publics et les autorités de santé les préoccupations de nos entreprises et sommes aussi force de proposition sur des sujets majeurs pour nos adhérents. À ce titre, je fais partie des sept personnalités qualifiées qui participent au suivi du plan Innovation Santé France 2030 afin de représenter le secteur d’activité des TIC sur le territoire.
Nous sommes aussi actifs en matière de formation et avons notamment contribué au lancement d’un programme Executive destiné aux investisseurs de premier plan afin de les sensibiliser à l’investissement dans la santé. C’est un programme que nous portons avec l’École polytechnique, la Direction Générale du Trésor représentée par Philippe Tibi, dans la continuité du dispositif Tibi, et l’Agence de l’Innovation en Santé.
Enfin, France Biotech se mobilise aussi autour de 5 axes stratégiques complémentaires :
- Renforcer l’attractivité de la France dans un contexte de forte compétitivité internationale ;
- Favoriser les accès aux marchés des solutions innovantes sur le territoire et à l’international ;
- Veiller à la mise en place d’un environnement réglementaire européen favorable ;
- Permettre aux acteurs du secteur et au grand public de se saisir des enjeux de la filière HealthTech ;
- Faciliter le financement et la croissance des entreprises aux différents stades de leur développement.
Depuis 27 ans, vous avez donc été en première ligne afin d’observer les évolutions et le développement du monde de la HealthTech. Comment décririez-vous ce paysage aujourd’hui ? Quelle est la place de la France à une échelle européenne et mondiale ?
Notre âge témoigne de la maturité de la filière, car ce sont les pionniers de la Biotech française qui ont créé l’association il y a 27 ans. Au-delà de cette maturité, le secteur en France se distingue par la diversité des produits proposés et sa très forte dynamique d’innovation en santé qui est portée par la sphère académique et les acteurs de la recherche, du soin et de la santé, mais aussi par les entreprises et les industriels. On compte, en effet, plus de 2 500 entreprises de la HealthTech sur le territoire national, avec une centaine de nouvelles entités créées chaque année et qui sont largement issues du secteur académique.
Dans un contexte international extrêmement compétitif, les investisseurs considèrent que la science portée par ces entreprises est particulièrement qualitative. Néanmoins, le réseau de compétences et d’expertises nécessaires pour être en phase avec les standards et les ambitions industriels ne sont pas au meilleur niveau en France. La majorité des entrepreneurs sont, en effet, issus du monde de la recherche académique ou sortent des écoles d’ingénieurs et capitalisent donc sur une formation ou une première expérience professionnelle très éloignées de la réalité du secteur, qui est connu pour la complexité de ses cycles de développement qui sont très longs, voire risqués.
“On compte plus de 2 500 entreprises de la HealthTech sur le territoire national, avec une centaine de nouvelles entités créées chaque année et qui sont largement issues du secteur académique.”
À une échelle internationale, le niveau de maturité est aussi très développé, notamment aux États-Unis qui se démarquent par une très grande diversité de produits, une offre et une profondeur de financement sans commune mesure par rapport à la France et l’Europe.
Dans ce contexte macro-économique compliqué qui a débuté à la fin du premier trimestre 2022 et s’est poursuivi tout au long de l’année 2023, on observe une tension sur le financement privé avec des investisseurs qui ont plutôt investi de gros tickets sur des entreprises plus matures. Après deux années exceptionnelles en 2020 et 2021, malgré la crise sanitaire, le financement des entreprises retombe au niveau pré-Covid. Néanmoins, la France est arrivée à se démarquer et se positionne comme le 2ème pays européen en montants levés. Cela s’explique notamment par trois éléments clés. Tout d’abord, l’annonce du Plan Innovation Santé qui a envoyé des signaux positifs aux investisseurs. En parallèle, la mise en œuvre du plan Tibi, fin 2019, a également contribué à mobiliser une partie des capitaux des investisseurs de haut rang. Et enfin, la BEI a aussi investi significativement en France compte tenu de la qualité des projets et de leurs impacts économiques et sanitaires.
Quelles sont les principales actions et initiatives portées par France Biotech ?
En 2023, nous nous sommes considérablement mobilisés autour de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale. France Biotech a ainsi pu obtenir d’ajouter les industriels comme nouvelle catégorie de demandeur de création d’acte. Avec les pouvoirs publics, et notamment la Haute Autorité de Santé, le Haut Conseil des Nomenclatures et la CNAM, nous allons travailler sur la mise en œuvre des évaluations, des hiérarchisations et de la tarification de ces nouveaux actes. En effet, pour un certain nombre de dispositifs médicaux innovants, s’il n’existe pas d’acte associé, ils ne peuvent pas être déployés, même s’ils peuvent avoir un impact sanitaire important.
France Biotech est aussi largement ouverte sur son environnement. Nous collaborons avec de nombreuses autres associations, dont Femtech France. Nous avons récemment adhéré à France DeepTech. Nous travaillons avec les Conseillers du Commerce Extérieurs afin de mettre à la disposition de nos entrepreneurs un réseau de compétences et d’expertises à l’international pour trouver des marchés, mais aussi comprendre comment ils sont structurés, leurs exigences réglementaires et juridiques. Avec la Conférence des Directeurs généraux de Centres hospitaliers et universitaires (CHRU), nous avons créé l’initiative « CHU HealthTech Connexion Day » pour promouvoir une meilleure compréhension des enjeux et des opportunités de collaborations entre les 32 CHU et les entrepreneurs de l’innovation en santé, faciliter les échanges, renforcer les liens, participer activement à la construction de la santé du futur et contribuer aux enjeux du Plan Innovation Santé France 2030. La seconde édition, qui s’est tenue à Marseille au Palais du Pharo, a rassemblé près de 800 personnes, dont plus de 750 entrepreneurs de la santé, professionnels de l’innovation, du numérique en santé, de la recherche, du médical et des achats des 32 CHU.
Afin de répondre avec toujours plus de finesse à ce besoin d’information de nos adhérents, nous avons décidé de mettre en place des « task-forces » ponctuelles afin d’appréhender des enjeux ou des évolutions majeurs. Dans cette logique, nous avons créé une task-force dédiée à l’anatomopathologie pour répondre aux enjeux de la transformation numérique et faire émerger une filière d’excellence française. Avec Femtech France, nous co-portons une task-force sur le sujet de la fertilité pour structurer l’impact des technologies françaises au service de cet enjeu mondial. Lors de la réforme des centres de rééducation et de réadaptation, nous en avions aussi créée une pour accompagner cette évolution. Plus récemment, nous venons d’en créer une sur la médecine nucléaire.
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Vous contribuez aussi aux actions nationales comme le Plan Innovation Santé 2030. Pouvez-vous nous en dire plus ? À quels autres niveaux êtes-vous mobilisés ?
France Biotech a des liens avec l’Agence de l’Innovation en Santé et les différentes instances du Plan Innovation Santé. Nous sommes mobilisés sur plusieurs axes : les stratégies d’accélération pour la bioproduction et les biomédicaments, l’impact des financements publics, la réduction de la complexité administrative ou réglementaire… Aux côtés de l’État et des autres associations professionnelles, nous nous mobilisons afin de promouvoir ce plan et de rassembler nos entrepreneurs autour de ces ambitions.
Comme précédemment mentionné, je fais aussi partie des personnalités qualifiées pour suivre la mise en œuvre du plan.
Notre contribution et implication dans cette initiative publique phare nous permettent d’avoir une visibilité et une compréhension plus fines des évolutions qui vont redessiner le secteur, autant d’informations que nous mettons à la disposition de nos adhérents afin de les éclairer sur le contexte et son évolution et de les aider dans leur prise de décisions et les adaptations nécessaires.
Quels sont les enjeux et problématiques des entrepreneurs de la HealthTech ?
Le financement des entreprises reste bien évidemment au cœur de toutes les préoccupations : financement public, fiscalité de l’innovation, avec le crédit impôt recherche et le crédit impôt collaboratif… Nous sommes très vigilants et actifs sur ce sujet afin d’informer nos adhérents et leur permettre de bénéficier des dispositifs et mécanismes existants en toute sécurité. Ainsi, dans le cadre des appels à projets de France 2030, nous les aidons à structurer et préparer leurs réponses afin de bien prendre en compte les enjeux et les attentes en termes de maturité, de qualité, de résultats… En matière de financement privé, nous cherchons à favoriser le rapprochement intellectuel des investisseurs de haut rang afin qu’ils comprennent et appréhendent mieux le fort impact économique et la performance de notre secteur.
En parallèle, il y a également tous les enjeux relatifs à l’accès au marché et à la nécessité de promouvoir une relation co-construite avec l’ensemble des parties prenantes : la sécurité sociale, les hôpitaux, les centres de soins, les acheteurs… Il s’agit, en effet, de fluidifier et simplifier cette relation qui doit permettre aux entreprises de démontrer la pertinence de leur modèle d’affaires.
Enfin, en tant qu’association professionnelle, nous portons aussi divers sujets et chantiers à la demande de nos adhérents et entrepreneurs et, pour ce faire, nous mobilisons des experts afin de leur fournir l’information dont ils ont besoin.
Quels sont les moments forts qui vont ponctuer l’année 2024 de France Biotech ?
Le début d’année a été marqué par l’annonce du nouveau bureau. Cette première partie de l’année va être consacrée à l’élaboration de notre feuille de route pour les 24 prochains mois avec la poursuite des chantiers phares et incontournables portés par l’association. En parallèle, nous poursuivons notre politique de rapprochement avec les autres acteurs de notre écosystème et de rationalisation des échanges avec l’ensemble des communautés : le soin, la recherche, la formation, l’entrepreneuriat et l’innovation au sens large.
Dans un contexte où le système de santé rencontre encore un certain nombre de limites quand il s’agit de prendre en charge l’innovation, nous travaillons main dans la main avec l’État pour libérer des financements et permettre à ces innovations qui ont un impact sanitaire avéré de pouvoir se déployer sur le territoire.
Enfin, nous sommes aussi sensibles à la question de la RSE et du verdissement de notre secteur alors que les transitions écologiques et environnementales s’accélèrent.