France-Finlande : voyage au bout de la Scandinavie
André Gourdon (2013) vient de terminer ses études. Rechignant à embrasser une vie professionnelle banale et monotone trop rapidement, il décide de se lancer dans un projet un peu plus original : traverser la Scandinavie et rallier Helsinki, la capitale finlandaise, en vélo. André propose à son meilleur ami Houshine qui vient de terminer son master en aérospatial à l’IIT de l’accompagner ce qu’il accepte sans hésiter. Les deux compères partent ainsi de Lille le 9 septembre au matin, emportant seulement un petit sac et une modeste tente.
Un petit tour en Scandinavie à vélo de 2850 km en une vingtaine de jours et de merveilleux souvenirs.
Le périple commence mal. Houshine chute dès les 100 premiers mètres, en coinçant sa main dans les rayons. Fin de l’aventure ? Bien sûr que non. Il remonte courageusement sur sa selle, et nous partons pour de bon.
En une heure, nous sommes déjà en Belgique, et fonçons jusqu’à Bruges, ville envahie par les hordes de touristes, dont la présence sournoise gâche l’architecture gothique si particulière.
Nous faisons honneur à la gastronomie belge en avalant un cornet de frites, et repartons vers une petite bourgade des Pays-Bas, Hellevoetsluis.
Plus de 190 km de vélo pour le premier jour, ce voyage démarre sur les chapeaux de roues ! Première nuit en tente, et départ le lendemain pour Amsterdam.
LES PLATS PAYS POUR SE METTRE EN JAMBES
Nous y resterons une journée pour découvrir La Laitière de Vermeer, La Ronde de nuit de Rembrandt, mais également la décadence de la vie nocturne qui caractérise cette ville si ambiguë.
En la quittant, nous accomplissons la plus longue étape de ce voyage : 215 km sur les routes plates des Pays-Bas, poussés par Éole. Arrêt à Bourtange, à la frontière avec l’Allemagne. Malmenée par la tempête, notre tente, tel un roseau, plie mais ne cède pas.
Le lendemain, découverte des voies cyclables allemandes, où la progression est difficile. Par deux fois ce sont des arbres abattus par le vent qu’il faut enjamber. Les routes allemandes ne sont pas faites pour nos petits vélos de course, que les 35 tonnes frôlent et klaxonnent.
Une fois arrivés dans Hamburg, c’est la déception. On ne peut admirer la Philharmonie de l’Elbe, trop grande, trop isolée, pas aussi belle que sur Wikipédia. Nous nous consolons en mangeant un hamburger (à Hamburg).
IL Y A QUELQUE CHOSE DE BÉNI DANS L’ÉTAT DU DANEMARK
Après une nuit à Lübeck, une sorte de Bruges sans touristes, c’est l’arrivée au Danemark, et le début de l’aventure. Les talents linguistiques de mon acolyte et de moi-même nous sont maintenant inutiles. À peine sortis du ferry sommes-nous déjà arrêtés par un militaire, qui nous empêche d’emprunter l’autoroute danoise, et qui nous redirige vers les routes de campagne.
Le plus beau coucher de soleil auquel nous n’avons jamais assisté arrive ce soir-là, à Vordingborg. Les couleurs si irréalistes que cet astre donne alors aux ciels justifient à elles seules tous les sacrifices de ce voyage. Repus par ce spectacle, nous nous endormons paisiblement, bercés par le bruit des flots.
BAIGNADE AVEC LA PETITE SIRÈNE
Le lendemain, petite étape de seulement cent kilomètres jusqu’à København (Copenhague), capitale du Danemark, du vélo et du hipster. Je fais malencontreusement tomber ma chaussure de vélo à l’eau, sous les yeux de la Petite Sirène, qui reste de marbre, ou plutôt de bronze !
La masse de touristes sort un instant de son état léthargique pour s’intéresser à ce maladroit lascar, qui s’immerge dans les eaux gelées du port de Copenhague. Sous les ovations, je réussis à retrouver cette chaussure si précieuse, et je repars avec Houshine découvrir cette capitale idiosyncratique.
Le lendemain, brunch avec une Norvégienne que j’avais rencontrée au Texas et étudiant au Danemark. Coincés par la grêle, ce brunch s’éternise ! À la première accalmie, nous repartons, et apprenons L’Albatros de Baudelaire en chemin, inspirés par la proximité de la mer et par la poésie de la côte suédoise nous faisant face.
Nous entrons en Suède le soir même, à Helsingborg.
À TRAVERS LES SOLITUDES GLACÉES
La remontée jusqu’à Gothenburg puis Oslo, plein nord, est longue et froide. Les signes de présence humaine se font rares, et nous glissons sur le bitume, dans le silence des forêts suédoises.
La solitude devient peu à peu parfaite. Enfin, c’est la frontière norvégienne et l’arrivée à Oslo.
Mon compère et moi surplombons et admirons la capitale norvégienne, avant de fondre sur elle lors d’une longue descente, rattrapant voitures et tramways. Houshine n’ose aller aussi vite que moi lors de ces instants, il est visiblement plus intéressé par un retour sain et sauf à la civilisation que par les sensations grisantes procurées par ces descentes glissantes.
Vitesse maximale : 70 km/h. Je tombe pour la première fois dans cette ville, de façon peu héroïque, coinçant ma roue avant dans les rails du tramway, peu après avoir prévenu Houshine de l’éventualité et de la dangerosité d’un tel événement.
Le lendemain, nous partons pour un long tour de vélo au nord d’Oslo, avec deux ascensions pour découvrir des lacs perdus au milieu des montagnes norvégiennes. Deux jours de plus sont nécessaires pour découvrir la ville d’Oslo et Le Cri de Munch (oui, Edvard Munch est norvégien).
UNE EXPÉRIENCE EXTRÊME
Enfin, c’est le départ pour Stockholm. À nouveau, c’est la communion avec la nature. Les lacs entre Oslo et Stockholm sont gigantesques, de vraies mers intérieures, dont on ne peut voir l’autre rive. S’y laver est impossible, à cause des températures glaciales de l’automne suédois.
Ce seront donc quatre jours et quatre nuits sans pouvoir se décrasser. Après 600 km, c’est l’arrivée dans Stockholm. La capitale suédoise mérite son surnom de Venise du Nord, elle nous laisse sans voix tant son charme est particulier. Les palais côtoient les forêts, et les falaises plongent dans les canaux.
La découverte de l’archipel de Stockholm à vélo restera un des plus beaux souvenirs de ce voyage. Il ressemble au golfe du Morbihan, mais il est plus beau, plus sauvage, plus majestueux.
PLUS QUE DIX HEURES EN SELLE !
Enfin, nous prenons le ferry de Stockholm à Turku. Ce gigantesque vaisseau rapproche suédois et finlandais le temps d’une nuit. Nous le visitons rapidement, et profitons de l’archipel de Stockholm, éclairé par la pleine lune. Enfin, nous tombons dans les bras de Morphée, prêts à pédaler dès 7 heures le lendemain.
Ces 190 km entre Turku et Helsinki, avec le vent de face, sont les plus difficiles et les plus éprouvants de tout ce voyage. Après presque dix heures passées sur la selle, c’est l’arrivée dans la capitale finlandaise. Nous avons seulement deux jours pour la visiter, avant de reprendre l’avion jusqu’à Paris. Quelle aventure, et que c’est déprimant de voir que ces 26 jours de voyage peuvent être remplacés par trois ridicules heures d’avion.
Nos bicyclettes, modestement protégées par du papier bulle, arrivent saines et sauves dans la Ville lumière, tout comme leurs propriétaires.
L’HEURE DU BILAN
Depuis la France jusqu’en Scandinavie : 2 850 kilomètres de vélo, 800 photos, 130 sandwichs préparés, 80 Snickers avalés, 19 journées passées sur la selle, neuf disputes avec Houshine, huit réconciliations, sept pays traversés, cinq capitales visitées, trois chutes, deux crevaisons et une belle histoire pour nos futurs petits-enfants, bref ce fut extraordinaire.