Le retour des territoires
« Il faut faire confiance à la France des territoires, à la France de la proximité, car c’est elle qui détient en large part les clés du sursaut collectif » (Jean Castex, 15 juillet 2020). Comme le Premier ministre, nombreux sont ceux qui pensent que, dans notre monde incertain et globalisé, les territoires locaux, ceux des liens de proximité et de l’expérience vécue des gens, constituent désormais le cadre le plus propice pour mobiliser les énergies et inventer des solutions efficaces aux défis qui nous assaillent. Que penser de ce retour des territoires, qui exprime aussi le scepticisme croissant quant à la capacité de l’État de répondre aux grands défis, à commencer par ceux de l’écologie ? Ce dossier apporte des éléments de réponse, certes partiels, mais suffisants pour démentir quelques visions simplistes.
La première est que nous serions le parangon du pays centraliste, étouffant les singularités locales. En réalité, la diversité française, que chantaient déjà Michelet et tant d’autres, résiste. Elle continue d’imprimer sa marque, enracinée dans l’histoire longue, sur nos comportements, politiques et entrepreneuriaux. Quant à notre système institutionnel, encore jacobin par bien des aspects, il est aussi, sur certains sujets cruciaux comme l’urbanisme, l’un des plus décentralisés qui soient, donnant un pouvoir considérable aux élus locaux.
“La France n’est pas une mosaïque de territoires
plus ou moins autonomes.”
Le deuxième cliché est que le pays serait coupé en deux, entre des métropoles florissantes et des périphéries en déshérence. Là encore, la réalité est bien plus complexe. Car les fractures les plus graves sont celles qui existent, et souvent grandissent, au sein de nos grandes aires urbaines. Et la France des campagnes, des villes moyennes ou petites, est très loin de connaître un déclin général : elle fourmille d’initiatives et d’innovations, y compris dans les zones les plus durement touchées par les crises industrielles. On trouvera ici quelques visages de cette France qui bouge malgré les difficultés.
Enfin, s’il est clair que l’intelligence collective locale est un vecteur irremplaçable de dynamisme, il ne faudrait pas oublier que la France est aussi traversée par des flux humains et financiers considérables – ceux de l’État social, en particulier – qui assurent une solidarité très profonde entre territoires. La France n’est pas une mosaïque de territoires plus ou moins autonomes. Et, face aux grands enjeux écologiques et sociaux, la créativité locale ne suffira pas. L’État doit reprendre son rôle et se réinventer au sein du projet européen.