Francis Germain (X41) ancien résistant et spécialiste du BTP
Décédé le 26 mai 2024, Francis Germain a consacré toute sa carrière aux grands travaux d’équipement, d’abord au sein de l’Administration, puis en jouant un rôle clé dans la création d’un des grands bureaux d’ingénierie en BTP.
Francis Germain est né à Marseille, en 1922, dans un foyer marqué par la Première Guerre mondiale : son père, seul survivant de quatre frères soldats, a épousé sa marraine de guerre. Reçu à l’X et à Ulm en 1941, il choisit l’X car il se juge trop peu créatif pour envisager une carrière purement scientifique. Il sort en 1943 dans le corps des Ponts et Chaussées.
Pour échapper au STO, il part à Gardanne dans une mine où il occupe pendant six mois tous les postes, de mineur de fond à ingénieur adjoint, puis aux barrages de l’Aigle et de Bort. La Résistance est pour lui une évidence : il rejoint le maquis de Haute-Corrèze, puis participe à la campagne d’Allemagne avec la 1re DB. Fier d’avoir été deux fois engagé volontaire, il garde le souvenir d’un proche camarade (Alain Thibierge) tué à ses côtés et n’évoque cette période que rarement.
Démobilisé en octobre 1945, il accepte un poste dont personne ne voulait, la supervision des investissements pour la région parisienne de la future EDF, dont le directeur le condamne alors à absorber en un an les deux années de Supélec. Francis contribue au développement des premiers groupes de production d’électricité et de chauffage urbain pour la région parisienne, tout en participant à la mise en place d’EDF. En même temps, il prolonge ses études mathématiques à l’Institut Poincaré, commence même une thèse d’analyse.
Lutter contre les inondations
En 1952, nouveau combat, cette fois-ci contre l’eau : l’inondation ruine les existences, autant qu’une guerre. Les grandes crues de 1910 et de 1924 sont encore dans les esprits. Nommé ingénieur en chef des barrages-réservoirs de la Seine, il achève la réalisation du barrage à voûtes multiples de Pannessières, puis établit les projets des réservoirs Seine, Marne et Aube, qui comptent parmi les plus importants ouvrages en terre réalisés en France.
Ils comportent des organes très particuliers, de sa conception personnelle, uniques au monde. Ils ont depuis fait l’objet d’études et d’applications étendues. Le seul regret du Conseil général des Ponts est de ne pas les avoir brevetés. En outre, Francis Germain mène à bien tout le travail de conviction des autorités locales et des habitants. Ces barrages-réservoirs, tous réalisés, ont depuis lors protégé Paris des grandes inondations, tout en régulant l’étiage en période chaude.
Une nouvelle épopée
En 1958, se sentant prêt pour des responsabilités d’entreprise, Francis Germain entame une nouvelle épopée, la création d’un bureau d’études dédié à tous les domaines de l’ingénierie de la construction, au sein du groupe GTM. Ce bureau d’études, tout en se battant farouchement pour défendre son indépendance vis-à-vis de sa maison mère, acquiert rapidement une réputation d’excellence en ouvrages d’art, puis l’étend à l’industrie, même dans des spécialités aussi exigeantes que le nucléaire ou la chimie, et à l’international.
Ce bureau d’études, aujourd’hui Ingérop, fort de 3 000 salariés, est l’une des sociétés d’ingénierie majeures d’Europe. Pour Francis, ce succès est dû aux circonstances de l’époque et aussi à une cause plus subtile : l’humilité en face des clients et des problèmes, le courage d’affronter ces problèmes en les mettant sur la table, une affection réelle et sans paternalisme pour le personnel, la compréhension de ses difficultés personnelles, financières, techniques ou de carrière, l’audace confiante de déléguer aux meilleurs que soi-même pour les pousser à l’ambition des responsabilités. Après 1990, il retourne aux sciences, avec T. Damour en relativité générale, puis avec C. Aslangul en mécanique quantique, et collabore à l’ouvrage de ce dernier Mathématiques pour les sciences.