Franck, la musique de chambre
Saviez-vous que César Franck avait composé quatre trios ? Vous pouvez les découvrir dans l’édition de l’intégrale de sa musique de chambre, projet de la Chapelle musicale Reine Elisabeth.
On a généralement de la musique de Franck – hors pièces pour orgue – une vision déformée par ses blue chips : la Symphonie en ré, les Variations symphoniques pour piano et orchestre et trois pièces de musique de chambre : la Sonate pour violon et piano, le Quintette pour piano et quatuor à cordes et le Quatuor. Or Franck (1822−1890) a écrit de la musique de chambre dans deux courtes périodes bien distinctes de sa vie : les années de jeunesse 1843–1844 et la ‑maturité 1886–1890.
Au début de sa carrière, Franck veut « se lancer », comme tout musicien ambitieux. Après un Grand Trio pour piano, violon et violoncelle en un mouvement, écrit à l’âge de 12 ans, pièce académique qui n’a d’autre intérêt que de montrer un solide savoir-faire précoce, Franck compose trois Trios concertants opportunément dédiés au roi des Belges, suivis d’un quatrième dédié à son « ami Franz Liszt ». Ces quatre pièces très rarement jouées sont assez proches de Mendelssohn, mais on y décèle déjà le Franck futur et son principe cyclique. Suivent deux pièces intéressantes tout à fait dans le goût du XIXe siècle naissant, le Solo de piano avec accompagnement de quintette à cordes et un Premier Duo concertant pour piano et violon. Et puis plus rien.
Trente ans plus tard surgit le Quintette pour piano et quatuor, œuvre sensuelle, violente, en rupture avec le style du temps et aussi avec la manière « séraphique » qui caractérise la musique de Franck pour orgue, pour nous l’œuvre la plus forte de toute la musique de Franck, immortalisée voilà plusieurs décennies par l’enregistrement de Samson François avec le Quatuor Parrenin. Deux ans après, la Sonate pour piano et violon dédiée à Eugène Ysaÿe, installe solidement Franck sur la scène internationale, suivie de sa transcription pour violoncelle et piano.
Deux ans plus tard, le Quatuor en ré majeur met un point final à l’œuvre de Franck, qui mourra peu après sa création. C’est une pièce d’une extrême richesse, déchirante, magnifique, que l’on ne peut écouter les yeux secs. Au seuil de sa mort, Franck, dont toute l’œuvre est marquée jusqu’alors du sceau de la religion et de la spiritualité, semble s’interroger, hésitant entre majeur et mineur, passant de la sérénité à la rage, et s’arracher avec désespoir in fine à la vie terrestre : cela avait-il un sens de privilégier le « bonheur différé » d’une incertaine éternité par apport aux bonheurs simples et immédiats d’ici-bas ? Trente ans plus tard, le Quatuor de Fauré, puis, plus tard encore, le 8e Quatuor de Chostakovitch exprimeront la même interrogation douloureuse.
Citer tous les interprètes de ces quatre disques serait trop long et sans intérêt pour le lecteur. Leur participation enthousiaste dans ce projet, la qualité intrinsèque de chacun de ces musiciens (parmi lesquels Augustin Dumay, le Quatuor Adorno…) confèrent à l’ensemble une belle homogénéité.
4 CD FUGA LIBERA
L’invention est le seul acte intellectuel vrai, la seule action d’intelligence.
Le reste ? Copie, tricherie, reproduction, paresse, convention, bataille, sommeil. Seule éveille la découverte.
Michel Serres, Le Tiers-Instruit
N.B. : L’ensemble New Orleans Les Dixie Seniors de la promo 1945, toujours aussi jeune, avec à sa tête le camarade François Mayer, trombone, qui vient de fêter ses 97 ans, se produit au Petit ‑Journal Saint–Michel les 23 septembre, 21 octobre, 25 novembre, 16 décembre. À bloc la 45 !