Fusions et acquisitions, des outils stratégiques
Résultat d’une normalisation de l’économie mondiale et d’une évolution de quelques secteurs spécifiques, les fusions et acquisitions sont désormais utilisées comme de précieux, mais dangereux outils stratégiques. Une préparation minutieuse, une vision à long terme, la reconnaissance du facteur humain et l’importance d’une communication appropriée émergent comme facteurs clés d’une fusion réussie.
La dernière décennie du XXIe siècle est l’ère des fusions et acquisitions. Jamais autant d’entreprises n’avaient fusionné. Convaincues qu’il s’agissait du seul moyen de survivre, les entreprises se précipitaient dans l’aventure dont bon nombre sortaient rarement indemnes. Une étude, portant sur plus de 2 500 cas de fusions et acquisitions sur les dix dernières années en Europe, montre pourtant que seules 40 % de ces opérations créent de la valeur boursière.
Des évolutions sectorielles et des valeurs refuges
Le comportement hétérogène entre les différents secteurs du marché tempère l’euphorie des fusions et acquisitions, mais dévoile également des opportunités d’une activité souvent supposée homogène.
Un bilan mitigé
En 2000 et 2005 plus de valeur a été détruite que créée ; l’expérience individuelle ne protège pas contre l’échec ; la frénésie et l’accumulation pendant une courte durée nuisent à la création de valeur ; les transactions à une plus petite échelle créent plus de valeur que celles à grande échelle ; les différents secteurs possèdent des potentiels différents.
L’ensemble des secteurs connaît une baisse considérable du » surrendement positif » : 31 % en 2005 contre 40 % en 2003. Néanmoins, quelques secteurs se maintiennent : l’immobilier, le matériel et l’énergie avec un rendement positif impressionnant ; la finance et l’industrie en termes de volume de transactions réalisées ; les télécommunications, avec leurs plus importantes opérations à la fin du siècle dernier.
Les secteurs traditionnels comme l’énergie et l’immobilier ont échappé à la bulle Internet et figurent comme valeur refuge. La finance élargit son champ d’action par sa capacité de faire des acquisitions hors de son propre secteur (près de 30 %).
Malgré ces espoirs, l’image des fusions et acquisitions est incontestablement ternie. La plupart des entreprises se lancent moins facilement dans une transaction d’envergure et préfèrent réduire leur nombre par crainte de ne pas maîtriser le défi.
Le Private Equity a plus de succès. La question est donc de savoir comment éviter l’inertie tout en évitant des stratégies de fusions risquées afin de concrétiser l’objectif fixé : la création de valeur.
Une stratégie pertinente
L’évolution erratique des transactions, la chute des étoiles d’une époque et l’ascension des revenants ont profondément changé la perception générale des fusions et acquisitions.
Veni, vidi, veto
C’est lors de son retour à Rome que César prononça son célèbre » Veni, vidi, vici « . Sa dictature ne durera pas plus de trois ans.
La conquête des parts de marché remplace les guerres, les fusions et acquisitions remplacent les annexions et les mariages politiques.
Le cri de guerre reste toujours le même : Veni, vidi… Mais, à l’épreuve de l’histoire, c’est veto ! qu’il faut ajouter.
Nous assistons à un changement de paradigme : macroéconomie et histoire élargissent une focalisation purement économique. La réduction du prisme de vision à de purs effets de synergie est abandonnée au profit d’une optique plus large. Le contexte global détermine la prise de décision d’une fusion quitte à opposer son veto à une expansion hasardeuse.
Sept critères apparaissent aujourd’hui essentiels.
Se placer dans un contexte historique
Connaître l’histoire évite de répéter les erreurs et aide à mieux définir ses propres intentions. Bon nombre de fusions échouent à cause d’intentions décalées : agit-on dans un but défensif ? Est-ce que l’on maîtrise le code culturel de la cible ? Est-on pris dans un tourbillon ou agit-on par besoin réel.
Passer au crible les cibles potentielles
La simple focalisation sur la création de valeur et les effets de synergie occultent souvent failles et obstacles. Les différences culturelles et légales (antitrust) sont régulièrement sous-estimées et l’espoir prime souvent sur les faits.
Respecter le temps et partir au signal
Le timing parfait est un facteur décisif pour la réussite d’une transaction. Rater le bon créneau ou partir avant » le signal » peut coûter cher et même compromettre une fusion. Car une fusion c’est d’abord un rythme. Donner la cadence permet d’influer sur les détracteurs et ainsi prendre l’ascendant sur ses adversaires. Planifier tôt le processus d’intégration, définir vite les possibilités de gain, mettre en place à temps le nouveau management et les agents du changement permettent de profiter de l’enthousiasme initial et d’obtenir le plus tôt possible les gains escomptés.
Investir l’expérience collective
Contrairement à ce que l’on peut supposer, l’expérience individuelle n’est pas garante de succès. Un surrendement positif ne découle pas automatiquement de l’effet d’expérience individuel. L’accumulation d’acquisitions pendant une courte période ne détruit pas seulement plus de valeur qu’elle en crée, elle génère également le risque d’une attitude routinière qui laisse échapper les spécificités d’une transaction.
S’inspirer par les histoires de réussite signifie également de s’ouvrir au savoir-faire de nouveaux acteurs : le Private Equity doit y figurer au premier rang.
Focaliser sur une culture de performance
Un des objectifs d’une fusion est l’adoption d’une culture de performance. La réflexion sur l’avenir doit mobiliser toutes les énergies. Seule l’implication de tous les employés dans une situation nouvelle empêche plaintes, perturbations et finalement résistance.
Choisir un mode de communication appropriée
» On les tue ! On leur vole le marché ! » Les dégâts d’un langage violent se chiffrent difficilement mais leur étendue est vaste. L’optimisation de la circulation de l’information dans une organisation est primordiale pour l’efficacité. Mais les modes de communication sont souvent sous-estimés avec des conséquences assez néfastes.
Veiller sur les affaires quotidiennes
Un des plus grands dangers d’une fusion réside dans la négligence des affaires quotidiennes. Les » managers » se consacrent souvent corps et âme à la réduction de coûts, se laissent absorber par l’ampleur des tâches d’intégration tout en détruisant subrepticement leur business quotidien : un vide momentané se crée et les clients désertent.
Éviter les erreurs
Une nouvelle vague de fusions et acquisitions se dessine-t-elle à l’horizon ? La réponse est clairement non. Les fusions actuelles sont le résultat d’une normalisation de l’économie mondiale et d’une évolution de quelques secteurs spécifiques.
Fusions et acquisitions sont désormais utilisées comme de précieux, mais dangereux outils stratégiques dont la valeur réelle est à déterminer avec soin. Une préparation minutieuse, une vision à long terme, la reconnaissance du facteur humain et l’importance d’une communication appropriée émergent comme facteurs-clés d’une fusion réussie.
Les fusions cessent d’être isolées de leur contexte historique mais figurent comme élément intrinsèque d’une évolution macroéconomique, politique et historique. Elles suivent des cycles, alternant accélération, stabilisation et ralentissement. De nouveaux acteurs puissants, le Private Equity, imposent leur style, agissent comme catalyseurs et accélèrent le rythme.
Bearing Point
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