Gaëlle Olivier (X90), sortir de sa zone de confort
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Il y a une sorte d’enthousiasmant paradoxe chez Gaëlle Olivier, qui a consacré une bonne partie de sa carrière professionnelle à couvrir les risques encourus par les autres, tout en multipliant, dans sa propre existence, les occasions d’en prendre elle-même – ou, comme elle l’explique plus sobrement, de quitter sa « zone de confort ».
Commençons par un premier exemple, aussi impressionnant qu’emblématique. Durant sa scolarité à l’École polytechnique, Gaëlle Olivier se prend de passion pour le parachutisme – elle compte une cinquantaine de sauts à son actif. Au cours de l’un d’entre eux, sa voile ne s’ouvre pas et elle doit « faire réserve » – comprendre « utiliser le parachute de secours », qui, lui, fort heureusement, fonctionnera. L’incident n’eut pas raison de son enthousiasme pour la chute libre, une pratique qu’elle considère d’ailleurs comme une véritable école de la vie. D’une part car, quelle que soit la façon dont on saute de l’avion, on atteint ensuite la même position d’équilibre – à l’image de la stabilité qu’il convient aussi de chercher dans son existence. D’autre part car un tout petit geste au cours d’une chute peut entraîner de grands déplacements – de même que, dans la vie, de lourdes conséquences naissent de petites décisions. L’histoire ne dit pas, en revanche, si c’est de ce saut rattrapé in extremis par un dispositif de secours que naquit, inconsciemment, sa vocation pour le monde de l’assurance – on se plaît à l’imaginer.
L’intégration au Japon
Jusque-là, le parcours de notre camarade avait été celui, classique, d’une bonne élève, deuxième de cinq enfants d’un couple de médecins, qui grandit à Neuilly-sur-Seine et fit ses études au lycée Pasteur avant d’intégrer l’X en 3⁄2, en 1990 – et d’être élue kessière un an plus tard. Si, via le parachutisme, l’École lui donna le goût du risque, elle lui permit également de découvrir un continent qui allait devenir son terrain de jeu favori : l’Asie. Cela commença avec le stage de fin d’études, qu’elle effectua dans la salle des marchés du Crédit lyonnais à Tokyo – une période un peu difficile, « Google n’existait pas, il fallait parler japonais pour s’en sortir et les quelques mois d’apprentissage de la langue à Palaiseau n’étaient pas vraiment suffisants ». Le retour à Tokyo, douze ans plus tard, en 2005, sera plus agréable. Axa, son employeur, lui a proposé de prendre des responsabilités au sein de la direction des investissements de Nippon Dantai, l’entreprise locale qui vient d’être rachetée. Gaëlle Olivier quitte donc sa « zone de confort » parisienne et emmène avec elle son mari – ingénieur dans le secteur automobile qui trouvera lui aussi un nouveau poste au Japon – ainsi que leurs quatre jeunes garçons. C’est peu dire qu’elle détonne dans l’univers très masculin du secteur financier japonais. « Lorsqu’il a fallu faire une demande de visa de travail pour notre nourrice, l’officier d’immigration a cru que nous avions fait une fausse déclaration : il ne voulait pas croire qu’une mère de famille nombreuse puisse conserver un travail, a fortiori un travail tel que le mien », explique-t-elle par exemple. Mais l’expérience est enrichissante, grâce aux levées de barrières culturelles que permet la pratique presque courante du japonais.
Retour en Asie
Nouvelle prise de risque au retour à Paris en 2009 : Gaëlle Olivier accepte, à l’invitation d’Henri de Castries, de prendre la direction de la communication d’Axa. « Je n’étais pas une communicante, mais j’étais motivée par l’envie de montrer que l’assurance est un très beau métier. » Après deux ans, elle cède cependant à nouveau aux sirènes asiatiques. La voici à la tête de la branche « assurance dommages » pour tout le continent. Elle sera d’abord basée, toujours en famille, à Singapour, pendant trois ans, puis à Hong Kong, pendant deux ans. « Avec Tokyo, ce sont trois villes très différentes, qui ont toutefois en commun leur énergie positive, le vaste champ des possibles qu’elles proposent. » Après un autre passage à Paris, pour diriger Axa Entreprises, c’est un autre employeur, la Société générale, qui l’enverra à nouveau à Hong Kong, où la surprend l’épidémie de coronavirus début 2020. Seule dans sa chambre d’hôtel (car cette fois les enfants, qui ont grandi, sont restés en Europe), elle tuera l’ennui en apprenant par cœur des poèmes de Victor Hugo.
Coureuse de fond
Et puis il y a le sport. Comme sa vie professionnelle et familiale ne lui semblait pas encore suffisamment remplie, Gaëlle Olivier s’était un jour inscrite au marathon de Tokyo – alors que, si elle avait derrière elle un joli parcours de joueuse de tennis, elle n’avait jamais vraiment couru. Qu’importe ! Un entraînement intensif lui permettra de boucler la course sans difficulté. Et, là encore, elle quittera sa « zone de confort », en participant ensuite avec son mari à quelques « ultra-trails » – par exemple celui qui, dans les Dolomites, vous fait courir pendant 120 km, avec 6 000 mètres de dénivelé positif.
Entreprises innovantes et tradition zen
Revenue à Paris, Gaëlle Olivier travaille aujourd’hui à son compte. Elle aide des entreprises innovantes, qui par exemple développent des vélos avec des batteries à hydrogène ou des tests non intrusifs de détection du cancer. Mais son tropisme asiatique est toujours très présent. Elle entretient chaque jour son japonais. Dans son salon, elle a fait installer un petit jardin zen, avec sable, râteau et quelques pierres, ainsi qu’un gong qui lui aussi, à sa façon, permet de libérer au quotidien les énergies. Elle a suivi une formation de professeur de yoga. Et elle s’essaie régulièrement à l’écriture de haïkus. En clin d’œil à cette dernière activité, on tentera de résumer son portrait ainsi :