Gaëlle Olivier

Gaëlle Olivier (X90), sortir de sa zone de confort

Dossier : TrajectoiresMagazine N°802 Février 2025
Par Jérôme BASTIANELLI (X90)

Il y a une sorte d’enthousiasmant para­doxe chez Gaëlle Oli­vier, qui a consa­cré une bonne par­tie de sa car­rière pro­fes­sion­nelle à cou­vrir les risques encou­rus par les autres, tout en mul­ti­pliant, dans sa propre exis­tence, les occa­sions d’en prendre elle-même – ou, comme elle l’explique plus sobre­ment, de quit­ter sa « zone de confort ».

Commen­çons par un pre­mier exemple, aus­si impres­sionnant qu’emblématique. Durant sa sco­la­ri­té à l’École poly­tech­nique, Gaëlle Oli­vier se prend de pas­sion pour le para­chu­tisme – elle compte une cin­quan­taine de sauts à son actif. Au cours de l’un d’entre eux, sa voile ne s’ouvre pas et elle doit « faire réserve » – com­prendre « uti­li­ser le para­chute de secours », qui, lui, fort heu­reu­se­ment, fonc­tion­ne­ra. L’incident n’eut pas rai­son de son enthou­siasme pour la chute libre, une pra­tique qu’elle consi­dère d’ailleurs comme une véri­table école de la vie. D’une part car, quelle que soit la façon dont on saute de l’avion, on atteint ensuite la même posi­tion d’équilibre – à l’image de la sta­bi­li­té qu’il convient aus­si de cher­cher dans son exis­tence. D’autre part car un tout petit geste au cours d’une chute peut entraî­ner de grands dépla­ce­ments – de même que, dans la vie, de lourdes consé­quences naissent de petites déci­sions. L’histoire ne dit pas, en revanche, si c’est de ce saut rat­tra­pé in extre­mis par un dis­po­si­tif de secours que naquit, inconsciem­ment, sa voca­tion pour le monde de l’assurance – on se plaît à l’imaginer.

L’intégration au Japon

Jusque-là, le par­cours de notre cama­rade avait été celui, clas­sique, d’une bonne élève, deuxième de cinq enfants d’un couple de méde­cins, qui gran­dit à Neuilly-sur-Seine et fit ses études au lycée Pas­teur avant d’intégrer l’X en 32, en 1990 – et d’être élue kes­sière un an plus tard. Si, via le para­chu­tisme, l’École lui don­na le goût du risque, elle lui per­mit éga­le­ment de décou­vrir un conti­nent qui allait deve­nir son ter­rain de jeu favo­ri : l’Asie. Cela com­men­ça avec le stage de fin d’études, qu’elle effec­tua dans la salle des mar­chés du Cré­dit lyon­nais à Tokyo – une période un peu dif­fi­cile, « Google n’existait pas, il fal­lait par­ler japo­nais pour s’en sor­tir et les quelques mois d’apprentissage de la langue à Palai­seau n’étaient pas vrai­ment suf­fi­sants ». Le retour à Tokyo, douze ans plus tard, en 2005, sera plus agréable. Axa, son employeur, lui a pro­po­sé de prendre des res­pon­sa­bi­li­tés au sein de la direc­tion des inves­tis­se­ments de Nip­pon Dan­tai, l’entreprise locale qui vient d’être rache­tée. Gaëlle Oli­vier quitte donc sa « zone de confort » pari­sienne et emmène avec elle son mari – ingé­nieur dans le sec­teur auto­mo­bile qui trou­ve­ra lui aus­si un nou­veau poste au Japon – ain­si que leurs quatre jeunes gar­çons. C’est peu dire qu’elle détonne dans l’univers très mas­cu­lin du sec­teur finan­cier japo­nais. « Lorsqu’il a fal­lu faire une demande de visa de tra­vail pour notre nour­rice, l’officier d’immigration a cru que nous avions fait une fausse décla­ra­tion : il ne vou­lait pas croire qu’une mère de famille nom­breuse puisse conser­ver un tra­vail, a for­tio­ri un tra­vail tel que le mien », explique-t-elle par exemple. Mais l’expérience est enri­chis­sante, grâce aux levées de bar­rières cultu­relles que per­met la pra­tique presque cou­rante du japonais.

Retour en Asie

Nou­velle prise de risque au retour à Paris en 2009 : Gaëlle Oli­vier accepte, à l’invitation d’Henri de Cas­tries, de prendre la direc­tion de la com­mu­ni­ca­tion d’Axa. « Je n’étais pas une com­mu­ni­cante, mais j’étais moti­vée par l’envie de mon­trer que l’assurance est un très beau métier. » Après deux ans, elle cède cepen­dant à nou­veau aux sirènes asia­tiques. La voi­ci à la tête de la branche « assu­rance dom­mages » pour tout le conti­nent. Elle sera d’abord basée, tou­jours en famille, à Sin­ga­pour, pen­dant trois ans, puis à Hong Kong, pen­dant deux ans. « Avec Tokyo, ce sont trois villes très dif­fé­rentes, qui ont tou­te­fois en com­mun leur éner­gie posi­tive, le vaste champ des pos­sibles qu’elles pro­posent. » Après un autre pas­sage à Paris, pour diri­ger Axa Entre­prises, c’est un autre employeur, la Socié­té géné­rale, qui l’enverra à nou­veau à Hong Kong, où la sur­prend l’épidémie de coro­na­vi­rus début 2020. Seule dans sa chambre d’hôtel (car cette fois les enfants, qui ont gran­di, sont res­tés en Europe), elle tue­ra l’ennui en appre­nant par cœur des poèmes de Vic­tor Hugo.

Coureuse de fond

Et puis il y a le sport. Comme sa vie profes­sionnelle et fami­liale ne lui sem­blait pas encore suf­fi­sam­ment rem­plie, Gaëlle Oli­vier s’était un jour ins­crite au mara­thon de Tokyo – alors que, si elle avait der­rière elle un joli par­cours de joueuse de ten­nis, elle n’avait jamais vrai­ment cou­ru. Qu’importe ! Un entraî­ne­ment inten­sif lui per­met­tra de bou­cler la course sans dif­fi­cul­té. Et, là encore, elle quit­te­ra sa « zone de confort », en par­ti­ci­pant ensuite avec son mari à quelques « ultra-trails » – par exemple celui qui, dans les Dolo­mites, vous fait cou­rir pen­dant 120 km, avec 6 000 mètres de déni­ve­lé positif.

Entreprises innovantes et tradition zen

Reve­nue à Paris, Gaëlle Oli­vier tra­vaille aujourd’hui à son compte. Elle aide des entre­prises inno­vantes, qui par exemple déve­loppent des vélos avec des bat­te­ries à hydro­gène ou des tests non intru­sifs de détec­tion du can­cer. Mais son tro­pisme asia­tique est tou­jours très pré­sent. Elle entre­tient chaque jour son japo­nais. Dans son salon, elle a fait ins­tal­ler un petit jar­din zen, avec sable, râteau et quelques pierres, ain­si qu’un gong qui lui aus­si, à sa façon, per­met de libé­rer au quo­ti­dien les éner­gies. Elle a sui­vi une for­ma­tion de pro­fes­seur de yoga. Et elle s’essaie régulière­ment à l’écriture de haï­kus. En clin d’œil à cette der­nière acti­vi­té, on ten­te­ra de résu­mer son por­trait ainsi :

« Gaëlle en Asie,
Assurance et poésie,
En courant longtemps. » 

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