GALA AU METROPOLITAN OPERA 1991
Le Metropolitan Opera de New York est une des scènes d’opéra les plus célèbres et la qualité de ses productions est très élevée, même si des esprits chagrins les trouvent trop « classiques ». Pour célébrer l’anniversaire des vingt-cinq ans de son déménagement au Lincoln Center, on organisa en 1991 ce gala exceptionnel, avec sur scène une pléiade proprement inégalable de stars. Le besoin de retransmission à la télévision de l’événement (les places dans la salle se vendirent jusqu’à 2500 dollars) nous a permis d’en conserver le témoignage, édité il y a quelques semaines sur un double DVD Deutsche Grammophon.
Trois heures de musique, témoignages des heures glorieuses du Met, à une époque où beaucoup de salles européennes se damnaient pour avoir une seule de ces vedettes sur la scène. Un acte de Rigoletto, un de Othello, et l’acte central de La Chauve-Souris, prolongés par un récital festif forment un programme équilibré. Les productions dont ces actes d’opéra sont extraits sont très caractéristiques du Met, avec ses décors dignes du cinéma et ses costumes riches, adaptés à la taille de la salle, représentations à mille lieues des mises en scène et décors modernes, « recherchés » et minimalistes que l’on voit sur nos scènes d’aujourd’hui.
Après un Stars & Stripes chanté par toute la salle debout, l’acte final de Rigoletto réunit le duc de Mantoue de Pavarotti, le bouffon de Leo Nucci, le Sparafucile de Nicolaï Ghiaurov et la Gilda de Cheryl Studer. Dans cet acte tragique, les airs (notamment La Donna è mobile, « Souvent femme varie, bien fol qui s’y fie », pilier des récitals de ténors) et ensembles (le célèbre quatuor) se succèdent jusqu’à la tragédie finale. Nous avons là un Pavarotti brillantissime. D’ailleurs, contrairement à ce qu’on a beaucoup dit, il est visuellement tout à fait crédible, encore jeune et habillé en aristocrate. Conscient du côté exceptionnel de la soirée, Pavarotti en fait beaucoup dans son célèbre air, tenant plusieurs secondes de plus le do final, à la grande joie des spectateurs. Dans l’esprit d’une soirée de gala, la réalisation vidéo privilégie les gros plans sur les chanteurs.
Dans Othello, c’est l’autre ténor vedette du Met, Placido Domingo, qui joue le Maure de Venise. Il met en cause l’honneur pourtant irréprochable de la Desdémone de Mirella Freni, admirable de sensibilité et de souffrance. Magnifique également.
Après Verdi, le rideau s’ouvre sur le second acte de La Chauve-Souris de Johann Strauss, où l’intrigue, au milieu d’airs et d’ensembles sur des valses viennoises, donne le prétexte à un récital des plus grands chanteurs du moment et des gloires du Met. Présentés par la jeune Anne- Sofie von Otter se succèdent, excusez du peu, Hermann Prey, June Anderson, Frederica von Stade, Kathleen Battle, Thomas Hampson, Samuel Ramey, Mirella Freni. Le bouquet final étant un duo de La Bohème par Pavarotti et Domingo, exceptionnel car c’était la première fois que ces deux monstres sacrés chantaient ensemble (bien avant les célèbres « concerts des trois ténors »), et parce que Domingo y chante la partie de baryton.
Le véritable architecte de cette soirée, c’est son chef d’orchestre James Levine. Exemple de fidélité, Levine est encore aujourd’hui le directeur musical du Met, où il a désormais dirigé plus de 2 500 fois.