Galileo, un outil stratégique au service de l’Europe
La radionavigation par satellite tend à se généraliser dans de nombreux domaines clés de la société et revêt à ce titre une importance stratégique sur les plans technologique, économique et politique :
- sur le plan technologique, elle représente une avancée majeure au bénéfice de l’industrie ;
- sur le plan économique, elle représente un formidable outil de développement permettant l’accès à certains marchés spécifiques (récepteurs) ainsi qu’à des services à valeur ajoutée ;
- au niveau politique, elle permet d’affirmer son indépendance et sa souveraineté.
Avec les réserves habituelles : les propos tenus dans cet article n’engagent que leurs auteurs et en aucun cas l’Administration
L’Union européenne ne pouvait rester absente de ce qui apparaît d’ores et déjà comme l’un des principaux secteurs industriels du xxie siècle et dépendre de systèmes ou de technologies élaborés en dehors de l’Europe, notamment pour nombre d’applications vitales au fonctionnement de la société de demain.
Galileo, outil de souveraineté de l’Union européenne, révèle des enjeux dépassant le seul cadre de la politique communautaire des transports, pilotes actuels de ce programme. En particulier, Galileo ne peut se concevoir sans la prise en compte d’enjeux de sécurité nationale, de défense et de politique étrangère, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle en France le ministère des Transports, pilote de ce dossier, a pris soin de s’entourer d’experts des ministères des Affaires étrangères, de la Défense, de la Recherche (y compris ceux du CNES)… et du SGDN.
Un programme aux enjeux de sécurité dépassant le domaine des transports
Les systèmes de radionavigation par satellite actuellement opérationnels, le GPS américain et le GLONASS russe, ou qui le seront dans le futur, Galileo en particulier, en fournissant gratuitement et sans contrôle d’accès des informations de positionnement très précises, sont un » multiplicateur de force » pour les systèmes d’armes » bas coûts » tels que les missiles ou les avions sans pilote. En complément ou à la place des classiques systèmes de navigation inertielle, la radionavigation par satellite accroît la précision de navigation de ces systèmes d’armes d’un facteur 10 à 100, leur conférant ainsi des capacités de frappes d’une précision redoutable.
En conséquence, si la radionavigation par satellite représente un formidable potentiel pour toutes les applications de transport de la vie courante, elle peut constituer aussi une véritable menace pour les intérêts de leurs promoteurs, à savoir, pour Galileo, les États membres de l’Union européenne et de l’Agence spatiale européenne, si des utilisateurs malintentionnés y accèdent également de façon incontrolée.
Le contrôle des informations de positionnement très précises délivrées par ces systèmes constitue pour ces États une responsabilité, sinon une injonction, de sécurité nationale qui se cristallise dans la capacité de pouvoir maîtriser l’usage de l’information et d’être à même de :
- dénier l’accès au système à des utilisateurs malintentionnés susceptibles de mener des actions malveillantes contre des intérêts européens et alliés. Ces actions peuvent être des actions terroristes nécessitant un haut niveau de précision de navigation, ou des actions militaires adverses qui, par essence, requièrent une utilisation de moyens de navigation les plus performants possibles ;
- garantir la continuité de service au profit d’applications gouvernementales, militaires, de maintien de l’ordre, de secours…, par un signal suffisamment robuste vis-à-vis du leurrage et du brouillage. Ce signal doit pouvoir perdurer en cas de crise sans dépendre d’un autre système ou du bon vouloir d’un État tiers.
Le déni d’accès se traduit par l’application d’un concept interallié (OTAN) dit de guerre de l’information de la navigation (NAVWAR), consistant à brouiller les signaux » grand public » de radionavigation par satellite, tout en préservant les signaux gouvernementaux.
Garantir la continuité de service implique l’utilisation de signaux spécifiques à accès contrôlé par dispositif de cryptographie pour éviter tout leurrage (substitution d’une information erronée à la véritable information) et toute compromission (accès par un utilisateur non autorisé). En outre, ces signaux doivent présenter une certaine robustesse vis-à-vis du brouillage (neutralisation de la réception par émission d’un signal ennemi saturant).
La prise en compte des impératifs de sécurité se traduit pour Galileo par la fourniture d’un service sécurisé, le PRS1, et la mise en place d’une structure opérationnelle de gestion et de contrôle du système.
La mise en place d’un niveau de sécurisation élevé pour Galileo2 constitue un fondement essentiel de la légitimité à la fois stratégique et économique du programme.
Sur le plan stratégique, compte tenu de l’essor de l’utilisation de la radionavigation par satellite, une telle situation entraînerait une dépendance totale des outils de souveraineté de l’Union européenne vis-à-vis des États-Unis qui contrôlent militairement le GPS, d’autant plus que les services gouvernementaux, potentiellement grands utilisateurs de la radionavigation par satellite, n’auraient plus aucun intérêt à utiliser Galileo pour les raisons d’absence de garantie de continuité de service évoquées précédemment. Les forces armées de l’Union européenne et de l’OTAN, dont la France, continueraient ainsi à utiliser exclusivement les signaux GPS militaires.
Sur le plan économique, et conséquemment industriel, une telle situation mettrait vraisemblablement à mal la crédibilité du système et vouerait sa commercialisation à l’échec. Seul un niveau de performance et de continuité du service PRS au moins équivalent à son pendant américain est capable de susciter l’intérêt, d’une part de ses potentiels utilisateurs, en particulier les défenses européennes, et d’autre part des futurs concessionnaires du système Galileo. En outre, il apparaît aujourd’hui qu’une source non négligeable des revenus issus de l’exploitation de Galileo sera la vente, aux utilisateurs gouvernementaux intéressés, de systèmes de navigation basés sur le service PRS.
En cohérence avec les enjeux de sécurité et de souveraineté de l’Union européenne, la sécurisation du système constitue une des clefs de la réussite de Galileo.
Au-delà du programme Galileo, la sensibilité de la plupart des États européens sur ces questions de sécurité nationale liées à la radionavigation par satellite s’est déjà traduite, pour gérer les cas GPS et GLONASS, par l’adoption de diverses dispositions de contrôle des technologies afférentes à ces systèmes, telles que celles des récepteurs associés, incluses dans des réglementations internationales traitant des biens à double usage (arrangement de Wassenaar) ou du contrôle des technologies entrant dans la confection des missiles (MTCR)3.
Un programme répondant à des besoins gouvernementaux de sécurité et de défense
Galileo au service de la police, des douanes et de la protection civile
Parmi les administrations françaises, des besoins ont été potentiellement recensés au niveau des forces de police nationales et locales, de la sécurité civile et des forces armées, et des analyses se poursuivent pour examiner l’intérêt éventuel d’autres administrations (douanes, etc.).
Au niveau des forces de police nationales et locales, on constate un besoin croissant en termes de capacité de positionnement précis et instantané. L’idée générale est que les policiers, soumis à des agressions de plus en plus violentes et fréquentes, puissent activer la fonction d’alerte d’un récepteur pour indiquer leur position au centre de commandement et recevoir ainsi des renforts.
Un nouveau matériel de radiocommunication destiné aux forces de police est en cours de développement, et l’introduction d’un récepteur de signaux de localisation et de navigation y est envisagée. Le signal ouvert du GPS reste la seule opportunité ouverte à court terme. En revanche, dans sept ou huit ans, les signaux de Galileo devraient fournir une redondance et un service bien plus robuste. Étant donné qu’en zone urbaine les bâtiments réduisent la » visibilité » directe des satellites, l’efficacité du GPS restera toujours limitée, tandis que la combinaison des deux systèmes, mettant en jeu près d’une soixantaine de satellites, permettrait d’assurer un service d’une fiabilité bien plus grande.
Plus important encore, la mise à disposition du signal PRS aiderait les forces de police à réussir des missions plus complexes. Le PRS ouvre en effet la voie à de nombreuses applications nouvelles :
- création d’un déni local de service pour les signaux à accès ouvert de façon à ce que les utilisateurs du PRS aient un moyen de conserver leur supériorité sur leurs opposants ;
- conservation d’une fonction de localisation utilisable même en cas de brouillage par un opposant du signal à accès ouvert (cas qui s’est déjà présenté) ;
- accès à une fonction protégée de localisation en cas de rupture de tous les services à accès ouvert.
Aussi, les unités de sécurité et de protection civile ont-elles recensé un grand nombre d’applications que l’utilisation d’un signal de localisation à accès contrôlé rendrait possibles :
- gestion fine de la main courante électronique (localisation automatique des appels) ;
- coordination entre l’alerte, le centre opérationnel départemental et l’équipe d’intervention concernée ;
- suivi et sécurité des équipes d’intervention en zone urbaine à risques ;
- suivi des véhicules en intervention ;
- aide à la lutte contre les feux de forêt : localisation précise des citernes, traçage de pistes pour la prévention des incendies, localisation des départs de feux à partir des tours de guet, efficacité dans le positionnement et la progression des moyens et des équipes d’intervention, localisation des pompiers masqués par les nuages de fumée, sécurité des équipes au sol lors des largages d’eau, etc. ;
- localisation des unités en intervention sur des théâtres extérieurs, en particulier lors d’opérations de récupération (opérations de recherche et de sauvetage) ;
- accompagnement et protection de hautes autorités.
Galileo au service des Forces armées européennes ?
Les systèmes d’armes modernes feront appel de plus en plus pour leur positionnement et leur synchronisation aux services de radionavigation globale par satellite.
En dépit d’accords autorisant l’utilisation du signal crypté du GPS à l’ensemble des forces armées européennes, on peut légitimement se poser la question de l’utilisation par ces dernières du signal PRS de Galileo.
Galiléo repose sur une constellation de trente satellites et des stations terrestres permettant defournir des informations concernant leur positionnement à des usagers de nombreux secteurs, tels que le transport, les services sociaux , la justice et les douanes, les travaux publics, le sauvetage de personnes en détresse, ou les loisirs.
© ESA/ILLUSTRATION JACKY HUART, 2002
Cela correspondrait en effet au cas classique de l’utilisation d’équipements civils pour satisfaire des besoins militaires de façon rentable et dans de bonnes conditions opérationnelles, ce qui est, par exemple, le cas du système de télécommunications civiles Inmarsat largement utilisé par la plupart des forces navales européennes. Cela va également dans le sens de la construction d’une Europe de la défense et de la mise en place de capacités militaires autonomes : le transport stratégique, le renseignement, l’information et le commandement, la précision dans le positionnement et la navigation sont autant d’éléments clés que l’Europe pourrait chercher à maîtriser dans un avenir proche.
Bien sûr, il n’est pas question de sous-estimer ni de refuser les moyens et le soutien que les États-Unis, par le biais de l’Alliance transatlantique, peuvent apporter à l’Europe pour l’aider à résoudre ses propres problèmes de sécurité. Il s’agit simplement de compléter ces ressources en assurant une redondance adéquate de façon à renforcer la disponibilité et la qualité des services correspondants dans des conditions économiques et opérationnelles appropriées. Dans la mesure où Galileo est un système civil qui sera mis au point et utilisé pour d’autres objectifs, la question de l’introduction d’un signal PRS dont les caractéristiques seraient compatibles avec des applications militaires doit être examinée non seulement sous l’angle de l’autonomie mais aussi de la rentabilité.
Cette question de l’utilisation potentielle à des fins militaires de Galileo n’a pas encore fait l’objet d’un véritable débat au sein des instances européennes.
Certains États, comme la France, moteurs dans la construction de la Politique étrangère et de Sécurité commune de l’Union, voient dans le signal PRS une source d’autonomie potentielle en matière de navigation, mais aussi l’occasion de démontrer, avec ce programme Galileo, qu’une certaine cohérence peut être donnée aux investissements européens en en faisant profiter à l’ensemble des politiques sectorielles de l’Union.
D’autres États souhaitent restreindre aux seuls utilisateurs civils l’utilisation de ce » système civil sous contrôle civil « .
Le compromis réside vraisemblablement du point de vue technique dans la complémentarité des deux signaux, laquelle apporterait une précision et une garantie de fonctionnement améliorées, et du point de vue politique dans un dialogue d’égal à égal entre les deux grandes puissances dans ce domaine.
Cette question de l’utilisation militaire de Galileo devrait être tranchée par un Conseil, à venir, de l’Union européenne.
Un programme aux enjeux de politique étrangère
Le choix des fréquences des signaux de Galileo, objet de discussions entre l’Europe et les États-Unis
Comme indiqué précédemment, outre une cryptographie de très haut niveau (contrôle d’accès et résistance au leurrage), un signal sécurisé de radionavigation par satellite doit :
- présenter une certaine robustesse vis-à-vis d’un brouillage offensif ciblé ;
- pouvoir être utilisé en ambiance de brouillage allié volontaire des signaux grand public (concept NAVWAR).
La robustesse vis-à-vis du brouillage impose une certaine structure des signaux (deux bandes de fréquence éloignées et suffisamment larges). Ces dispositions sont d’ailleurs celles qui ont été retenues pour les signaux sécurisés des systèmes américain GPS (y compris à partir de 2010 pour le Code M) et russe GLONASS. Compte tenu de la réglementation internationale en matière de télécommunications (allocation par l’UIT4 de bandes de fréquence dédiées aux différentes applications), la seule plage de fréquence disponible pour l’une des deux bandes du signal sécurisé PRS de Galileo se situe dans la partie haute de la bande L dédiée à la radionavigation par satellite. Obligatoirement, vu la faible largeur de cette bande et les performances recherchées pour le PRS, les fréquences utilisées par ce dernier recouvrent partiellement voire sont superposées soit à la bande du GPS (centrée sur la fréquence L1), soit à celle du GLONASS.
Nos experts ont montré qu’une telle superposition ne cause pas de problèmes d’interférences ni pour le GPS ni pour GLONASS. Elle est donc parfaitement légale, et la démarche des États-Unis entreprise depuis 2001 visant à exclure les signaux PRS des bandes de fréquence qui seront utilisées par leur signal militaire Code M peut donc s’apparenter à une tentative d’appropriation unilatérale d’une bande de fréquence, en contradiction avec la réglementation internationale en vigueur. Au contraire, il convient de souligner que le Code M du GPS viendra empiéter sur le signal PRS de Galileo, en particulier sur les deux bandes E1 et E2 encadrant la bande L1 pour lesquelles l’Europe a l’antériorité des dépôts. Enfin, il faut rappeler qu’à coûts, performances et contraintes de sécurité donnés, les fréquences prévues pour être utilisées par le Code M du GPS sont les meilleures ; ne pas les utiliser pour le PRS en ferait un service de » seconde classe « .
Les États-Unis sont toutefois opposés à la superposition du PRS sur le Code M du GPS. Les raisons de cette opposition reposent sur l’impossibilité de pouvoir brouiller sélectivement le PRS sans affecter leur propre signal sécurisé et se cristallisent dans l’évocation de scénarios de crise mettant en jeu des troupes ou des intérêts américains ou de l’OTAN face à des adversaires ayant accès, de manière légale ou non, au PRS.
Cette préoccupation relève de considérations techniques et politiques, mais également économiques :
- sur le plan technique, en soulignant que Galileo est un projet civil et non militaire comme le GPS, les Américains mettent en question la capacité du PRS à être un signal convenablement sécurisé à un niveau équivalent au Code M du GPS. En d’autres termes, le débat est restreint à une opposition entre systèmes militaires et civils alors que la question se situe plus vraisemblablement au niveau d’une opposition entre systèmes sécurisés et non sécurisés ;
- sur le plan politique, en mettant en exergue la difficulté d’un contrôle politique du système par une Europe à 25 nations et la présence de Nations non membres de l’OTAN au sein de l’Union européenne, ils s’interrogent sur la réactivité et la capacité de l’Europe à pouvoir dénier efficacement l’accès au système à des utilisateurs mal intentionnés. L’annonce récente de l’arrivée prochaine dans le programme de la Chine n’a fait que renforcer leurs craintes, même si le projet d’accord Union européenne-Chine exclut a priori toute participation chinoise aux aspects liés à la sécurité du système, et notamment au PRS ;
- sur le plan économique, car un signal PRS fiable, permanent et aussi protégé que le Code M, gage du bon niveau de sécurisation de l’ensemble du système, représente un marché potentiel pour des centaines de familles d’utilisateurs et donc une concurrence sérieuse et directe pour l’ensemble du système américain.
L’argumentation de l’Union européenne puise sa légitimité dans sa capacité réelle et sa volonté d’obtenir un niveau de sécurisation du système au moins égal à celui du GPS de troisième génération, rendant la superposition des signaux parfaitement compatible avec le concept NAVWAR, le problème ne devant pas être celui d’une opposition entre systèmes civils et militaires, mais bien celui d’une discrimination entre signaux de navigation sécurisés et non sécurisés.
Dans l’immédiat, un accord entre les États-Unis et la Communauté européenne est en cours de négociation afin, notamment, de régler cette question.
À plus long terme, Galileo pourrait devenir un outil au service de la politique étrangère de l’Union européenne…
Le contrôle d’un système de radionavigation par satellite est un enjeu stratégique. Les États-Unis, la Fédération de Russie, l’Europe et la Chine l’ont bien compris et ont investi de manière plus ou moins importante dans ce domaine : la Chine, avec son système Beidou composé (seulement) de trois satellites, n’a pas encore atteint le niveau de développement suffisant pour assurer une autonomie complète dans le domaine du positionnement précis, d’où son récent partenariat avec l’Europe sur Galileo.
Par ailleurs, des pays souhaitant jouer un rôle sur la scène internationale, tels que l’Inde ou Israël, frappent à la porte de l’Europe pour eux aussi participer au programme.
Ces partenariats, par lesquels l’Europe peut recueillir des fonds supplémentaires aux siens pour financer la réalisation, la mise à poste et l’exploitation du système Galileo, posent cependant des questions stratégiques essentielles telles que celle du niveau de participation de ces États tiers à l’Union européenne et à l’Agence spatiale européenne à un programme européen dépassant le » simple » périmètre de la politique des transports ou des services à valeur ajoutée.
En effet, le niveau d’intégration de ces États tiers au programme de Galileo aura des conséquences importantes sur le niveau de contrôle qu’aura l’Europe sur son système. Pour illustrer ce point, différents niveaux d’intégration, classés par ordre croissant d’implication, peuvent être distingués : utilisateur des signaux » grand public » de Galileo, utilisateur du signal sécurisé PRS ou membre à part entière dans la structure qui contrôlera ce système.
Pour ne traiter que le deuxième exemple, l’utilisation du signal sécurisé PRS par un État tiers à l’Union européenne, qui conférera à ce dernier une capacité de positionnement accrue, sera le résultat d’une volonté européenne forte d’établir des liens stratégiques étroits avec ce partenaire privilégié. Il en sera de même, le jour où, inversement, pour des raisons géopolitiques particulières, il sera nécessaire de » faire marche arrière » et de couper à un pays son accès au signal PRS.
Conclusion
Ces exemples soulignent clairement que les enjeux soulevés par le programme Galileo dépassent ceux relevant de la politique communautaire du domaine des transports pour toucher à des questions relevant des politiques intergouvernementales de l’Union européenne des affaires étrangères, de la sécurité et de la défense. Galileo est un » programme civil sous contrôle civil » du premier pilier de l’Union aux problématiques » transpiliers « .
En pratique, cet aspect » transpilier » de Galileo a eu et aura pour quelques années encore du mal à s’imposer. Les raisons sont multiples et, très certainement, trouvent leur fondement dans les mécanismes politiques et organisationnels de la Communauté européenne, les ambitions divergentes des États membres vis-à-vis de l’intégration de l’Union, l’influence des relations transatlantiques ou encore l’absence d’une participation financière des défenses européennes au projet.
L’une des causes des difficultés rencontrées dans la genèse de ce programme et de son organisation réside dans le fait qu’il s’agit du premier programme construit ex nihilo5 dans un contexte européen et sous l’égide de l’Union européenne, de surcroît en phase d’élargissement, alors que toutes les grandes réalisations européennes antérieures (lanceurs par exemple) s’appuyaient sur un ou plusieurs savoir-faire nationaux avancés. Le choix, par ailleurs logique, de l’ESA comme pilote du programme rend cette mise en place complexe du fait d’une part que certains pays sont membres de l’ESA mais pas de l’Union européenne, et vice versa, d’autre part que la conduite d’un programme par l’ESA comportant un certain nombre d’enjeux et de données classifiées et devant donc faire l’objet d’une protection particulière va à l’encontre du rôle de » disséminateur technologique » de l’ESA6.
Dans l’immédiat, la mise en place des structures organisationnelles devant gérer les aspects de sécurité du système Galileo tant du point de vue politique qu’opérationnel va permettre d’avancer vers une clarification de ce débat et, espérons-le, d’œuvrer vers un peu plus de cohérence.
Car s’il est un enjeu sur lequel l’Europe doit démontrer sa crédibilité notamment vis-à-vis de son partenaire américain, c’est dans sa capacité à savoir gérer la question cruciale de l’utilisation hostile voire terroriste de l’information précise de positionnement que délivrera le système Galileo.
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1. Public Regulated Service.
2. La liste des services à embarquer n’est pas arrêtée à ce jour.
3. Missile Technology Control Regime.
4. UIT : Union internationale des télécommunications.
5. Aucun pays n’ayant une véritable expérience en matière de système de navigation par satellite.
6. Ce dernier doit pour cela se doter d’un règlement en matière de sécurité qui n’avait aucune raison d’être auparavant.