Les systèmes de positionnement par satellite

Galileo, un système de navigation par satellite, à la mesure de l’industrie spatiale européenne

Dossier : Navigation par satelliteMagazine N°594 Avril 2004
Par Jean-Claude HUSSON (57)
Par Alain BORIES (76)

Gali­leo, le futur sys­tème civil glo­bal de navi­ga­tion par satel­lite est un enjeu majeur pour l’Eu­rope, sou­cieuse d’of­frir un ser­vice fiable et indé­pen­dant des sys­tèmes GPS et Glo­nass, tou­jours sous contrôle mili­taire. Son indus­trie a la capa­ci­té de le construire.

Introduction

L’in­dus­trie euro­péenne déploie des efforts impor­tants, aux côtés de l’U­nion euro­péenne et de l’E­SA (Agence spa­tiale euro­péenne), pour mener à terme le pro­jet de sys­tème euro­péen de navi­ga­tion par satel­lite : Gali­leo, qui devrait être opé­ra­tion­nel à par­tir de 2008. Celui-ci appor­te­ra aux uti­li­sa­teurs civils une mul­ti­tude de ser­vices de posi­tion­ne­ment et de data­tion avec toutes les garan­ties d’in­té­gri­té et de dis­po­ni­bi­li­té sou­hai­tables. Ce pro­gramme ambi­tieux, lan­cé à l’i­ni­tia­tive de l’U­nion euro­péenne, libé­re­ra l’Eu­rope de sa dépen­dance actuelle à l’é­gard des sys­tèmes mili­taires amé­ri­cain GPS (Glo­bal Posi­tio­ning Sys­tem) et russe Glo­nass. Il sera aus­si un fac­teur de déve­lop­pe­ment éco­no­mique puis­qu’il ouvri­ra le mar­ché des équi­pe­ments et des ser­vices à de nom­breuses entre­prises européennes.

Des enjeux qui engagent l’avenir de l’Europe

Les enjeux de sécurité et de souveraineté

Bien que sous contrôle mili­taire et des­ti­nés à l’o­ri­gine à l’u­sage exclu­sif des armées russe et amé­ri­caine, les sys­tèmes exis­tants, Glo­nass et sur­tout GPS, per­mettent à des mil­lions d’u­ti­li­sa­teurs de par le monde de connaître ins­tan­ta­né­ment leur posi­tion, presque à tout moment et en tout lieu. Par ailleurs, de nom­breuses appli­ca­tions uti­lisent la fonc­tion de data­tion. Néan­moins, l’u­ti­li­sa­teur ne béné­fi­cie des ser­vices de GPS et Glo­nass que partiellement :

  • le GPS (constel­la­tion de 24 satel­lites MEO – Medium Earth Orbit – répar­tis sur six orbites cir­cu­laires à 20 000 km d’al­ti­tude) pré­sente des contraintes d’u­ti­li­sa­tion telles que l’OA­CI (Orga­ni­sa­tion de l’a­via­tion civile inter­na­tio­nale) n’ac­cepte pas qu’il puisse être, à terme, le moyen unique de navi­ga­tion par satellite :
    — ses per­for­mances tech­niques peuvent être inten­tion­nel­le­ment dégra­dées (pré­ci­sion de l’ordre de 100 mètres en hori­zon­tal) : même si le dépar­te­ment de la Défense amé­ri­cain a ouvert depuis mai 2000 l’ac­cès au ser­vice pré­cis pour les appli­ca­tions civiles, GPS conser­ve­ra, à l’ho­ri­zon 2008, une capa­ci­té de brouillage incom­pa­tible avec les appli­ca­tions à haut niveau de sécurité ;
    — il n’existe aucune garan­tie de services ;
    — il n’y a pas de mes­sage don­nant l’é­tat du sys­tème et son intégrité ;
  • le sys­tème Glo­nass (constel­la­tion de 24 satel­lites répar­tis sur trois orbites à 19 100 km d’al­ti­tude), qui doit déli­vrer en prin­cipe un ser­vice iden­tique à celui du GPS, subit les consé­quences des dif­fi­cul­tés éco­no­miques de la Rus­sie. Faute de moyens finan­ciers suf­fi­sants, le rem­pla­ce­ment des satel­lites n’est pas assu­ré. Une dizaine sont opé­ra­tion­nels. Des lan­ce­ments réa­li­sés en 2003 montrent l’in­ten­tion russe de rendre opé­ra­tion­nel Glo­nass. Celui-ci res­te­ra, comme GPS, sous contrôle militaire.

L’Eu­rope ne peut res­ter tri­bu­taire de cette situa­tion, d’au­tant que diverses caté­go­ries d’u­ti­li­sa­teurs attendent éga­le­ment beau­coup des ser­vices de navi­ga­tion et de data­tion par satellite :

  • le trans­port rou­tier (ges­tion de flottes de véhi­cules, assistance/dépannage ou, à l’a­ve­nir, les auto­routes automatiques),
  • le trans­port mari­time et flu­vial (cir­cu­la­tion dans les ports ou dans les zones à risques – la Manche par temps de brouillard, secours maritime),
  • le trans­port fer­ro­viaire (ges­tion des trains, sui­vi des wagons…).

La data­tion est éga­le­ment un enjeu consi­dé­rable : syn­chro­ni­sa­tion des com­mu­ni­ca­tions (en par­ti­cu­lier mobiles), opé­ra­tions ban­caires, etc. La double néces­si­té de sécu­ri­té et d’in­dé­pen­dance se tra­duit par les exi­gences sui­vantes pour le futur sys­tème Galileo :

  • inté­gri­té,
  • dis­po­ni­bi­li­té et conti­nui­té du service,
  • pré­ci­sion (pour des uti­li­sa­teurs spécifiques),
  • contrôle par une auto­ri­té civile internationale.

Les enjeux économiques

Les entre­prises euro­péennes doivent par­ti­ci­per à un mar­ché en très forte crois­sance, mar­ché engen­dré par la mul­ti­tude des appli­ca­tions que la navi­ga­tion par satel­lite rend pos­sible. Cela concerne les équi­pe­ments des uti­li­sa­teurs ter­restres, mari­times, aériens, voire spa­tiaux et les ser­vices à valeur ajoutée.

Les esti­ma­tions actuelles font état, pour le seul péri­mètre euro­péen, et sur les dix-huit pre­mières années de fonc­tion­ne­ment de Gali­leo, d’un mar­ché poten­tiel de 120 mil­liards d’eu­ros pour les équi­pe­ments (essen­tiel­le­ment les récep­teurs) et de 110 mil­liards d’eu­ros pour les ser­vices. Le mar­ché à l’ex­por­ta­tion est esti­mé à 50 mil­liards d’eu­ros. Le poten­tiel de crois­sance devrait être com­pa­rable à celui du télé­phone mobile. En regard, le mon­tant de l’in­ves­tis­se­ment dans l’in­fra­struc­ture spa­tiale, soit trois mil­liards d’eu­ros, est (rela­ti­ve­ment) modeste.

Ces chiffres colos­saux portent en eux une indi­ca­tion dont les gou­ver­ne­ments euro­péens ont conscience : il s’a­git, non pas d’un mar­ché qui pro­fi­te­rait avant tout à l’in­dus­trie spa­tiale – bien que les retom­bées indus­trielles n’y soient pas négli­geables -, mais de nou­veaux débou­chés pour nombre de petites entre­prises et four­nis­seurs de ser­vices locaux. On estime que, sur la période dési­gnée, plus de 100 000 emplois pour­raient être créés sur le Vieux Conti­nent grâce à Galileo.

Vers de nouvelles applications

Contrai­re­ment à ce que d’au­cuns pour­raient pen­ser, la part de ce mar­ché occu­pée par le sec­teur aéro­nau­tique est très faible : de l’ordre de 5 %, les appli­ca­tions ter­restres et mari­times en repré­sen­tant près de 95 %. Les besoins du sec­teur aéro­nau­tique sont par contre déter­mi­nants pour la spé­ci­fi­ca­tion des per­for­mances de Galileo.

Le trans­port rou­tier est de loin le plus gros consom­ma­teur de don­nées de posi­tion­ne­ment. Les taxis, par exemple, sont loca­li­sés grâce au GPS et peuvent être gérés en fonc­tion des demandes en opti­mi­sant la proxi­mi­té du véhi­cule par rap­port au client. Les construc­teurs auto­mo­biles intègrent de plus en plus sou­vent dans leurs voi­tures, et de plus en plus sou­vent en série, un équi­pe­ment d’aide à la navi­ga­tion basé sur le GPS. Le conduc­teur peut choi­sir son iti­né­raire en fonc­tion des condi­tions de cir­cu­la­tion, connaître le temps qu’il met­tra pour arri­ver à des­ti­na­tion et, en cas d’ac­ci­dent ou de panne, être secou­ru très vite : le sys­tème trans­met auto­ma­ti­que­ment la posi­tion du véhi­cule aux ser­vices de secours. Le garage peut, de son côté, diag­nos­ti­quer à dis­tance la défaillance tech­nique et com­man­der immé­dia­te­ment les pièces néces­saires. L’ar­ri­vée de Gali­leo per­met­tra de dimi­nuer le coût de ces équi­pe­ments, grâce à la plus grande dis­po­ni­bi­li­té du signal liée à la pré­sence des deux constel­la­tions satel­lites (ce qui per­met de dimi­nuer le recours à des méca­nismes com­plexes pour pal­lier les phé­no­mènes de mas­quage dans les » canyons » urbains).

Le cou­plage navi­ga­tion par satellite/télécommunications est por­teur d’a­ve­nir. L’in­té­gra­tion de puces GPS – ou Gali­leo – dans les nou­velles géné­ra­tions de télé­phones por­tables don­ne­ra nais­sance à une pro­fu­sion de nou­velles appli­ca­tions, comme les besoins liés aux situa­tions d’ur­gence. Le com­bi­né don­ne­ra auto­ma­ti­que­ment les coor­don­nées en trois dimen­sions (lati­tude, lon­gi­tude, alti­tude) de la per­sonne en dan­ger. Mais il pour­ra aus­si infor­mer l’u­ti­li­sa­teur des par­kings libres, de la météo dans la région ou de l’a­dresse de la phar­ma­cie de garde la plus proche.

Galileo, objet de la volonté européenne

Pour toutes ces rai­sons, éco­no­miques, stra­té­giques et poli­tiques, les ins­ti­tu­tions euro­péennes ont posé les bases de la créa­tion d’un sys­tème civil euro­péen glo­bal de navi­ga­tion par satel­lite dit de seconde géné­ra­tion (GNSS2), par oppo­si­tion à la pre­mière géné­ra­tion basée sur GPS et Glo­nass, Egnos (Euro­pean Geo­sta­tio­na­ry Navi­ga­tion Over­lay System).

Si l’i­dée d’un sys­tème euro­péen de posi­tion­ne­ment et de data­tion par satel­lite, indé­pen­dant du GPS et de Glo­nass mais com­pa­tible, a pris corps depuis quelques années seule­ment, les inves­tis­se­ments réa­li­sés dans Egnos avaient en effet déjà mis l’Eu­rope sur la voie. En effet, l’a­dop­tion par l’OA­CI en 1991 du concept CNS/ATM (Com­mu­ni­ca­tion navi­ga­tion surveillance/Air traf­fic mana­ge­ment), ensemble de normes de fia­bi­li­té et de pré­ci­sion appli­cables à la ges­tion du tra­fic aérien, a entraî­né la déci­sion de com­plé­ter le GPS et Glo­nass par de nou­veaux seg­ments sol pour en amé­lio­rer la pré­ci­sion, l’in­té­gri­té et la dis­po­ni­bi­li­té. La réa­li­sa­tion de trois com­plé­ments régio­naux a été enga­gée : le WAAS (Wide Area Aug­men­ta­tion Sys­tem) par les États-Unis, le MSAS (Mul­ti-Trans­port Satel­lite based Aug­men­ta­tion Sys­tem) par le Japon et Egnos (Euro­pean Geo­sta­tio­na­ry Navi­ga­tion Over­lay Sys­tem) par l’Eu­rope. L’en­semble de ces sys­tèmes d’aug­men­ta­tion forme le sys­tème glo­bal civil de navi­ga­tion par satel­lite de pre­mière géné­ra­tion (GNSS1).

Egnos est une pre­mière étape vers le sys­tème Gali­leo, per­met­tant de mettre en œuvre un cer­tain nombre de ser­vices de posi­tion­ne­ment en anti­ci­pa­tion de Gali­leo, et en par­ti­cu­lier de com­men­cer les opé­ra­tions de cer­ti­fi­ca­tion pour les appli­ca­tions à haut niveau de sécu­ri­té comme l’a­via­tion civile.

Pour mettre en place un sys­tème indé­pen­dant de GPS et Glo­nass, la Confé­rence de juin 1999 des ministres euro­péens des Trans­ports a enga­gé l’en­semble des par­ties pre­nantes sur la phase de défi­ni­tion de GNSS2, dénom­mé alors Gali­leo. Plu­sieurs som­mets des chefs d’é­tat euro­péens (Cologne, Fei­ra, Nice, Stock­holm et Lae­ken) ont confir­mé l’im­por­tance stra­té­gique du pro­gramme, le lan­ce­ment effec­tif pou­vant être daté de mars 2002, quand le Conseil a déci­dé de l’en­semble des méca­nismes ins­ti­tu­tion­nels et financiers :

  • un finan­ce­ment de la phase de déve­lop­pe­ment et de vali­da­tion (jus­qu’au lan­ce­ment effec­tif de 3 ou 4 satel­lites pro­to­types) par­ta­gé entre l’A­gence spa­tiale euro­péenne et la Com­mis­sion, de 550 mil­lions d’eu­ros cha­cun, au tra­vers d’une » Entre­prise com­mune « , enti­té défi­nie par l’ar­ticle 171 du trai­té de Maastricht ;
  • un finan­ce­ment sous forme de Conces­sion pour la phase de déploie­ment et d’o­pé­ra­tions des 30 satel­lites de la constel­la­tion (envi­ron 2,2 mil­liards d’eu­ros) ; le conces­sion­naire devant être sélec­tion­né après une pro­cé­dure d’ap­pel d’offres conduite par l’En­tre­prise commune.

L’A­gence spa­tiale euro­péenne a lan­cé la sous­crip­tion auprès de ses États membres pour sa part de 550 mil­lions d’eu­ros. Il y a eu, pour la pre­mière fois dans l’his­toire de l’E­SA, sur­sous­crip­tion à presque 150 %, et ce ne sont pas les pays les plus réti­cents à Gali­leo qui ont été les moins moti­vés à payer ! Par contre, compte tenu des règles de l’E­SA, cette sur­sous­crip­tion devant être rame­née à 100 %, il a fal­lu un an de négo­cia­tions entre les États pour par­ve­nir à un accord, avec des périodes de ten­sion très fortes, en par­ti­cu­lier entre l’Al­le­magne et l’I­ta­lie où le conflit a été jus­qu’aux chefs de gou­ver­ne­ment ! L’ac­cord final est inter­ve­nu en mai 2003, ouvrant ain­si la voie à la créa­tion effec­tive de l’En­tre­prise com­mune (juillet 2003), au lan­ce­ment du début de la phase de déve­lop­pe­ment et au lan­ce­ment de l’ap­pel d’offres pour la concession.

Galileo : des choix et des questions

Les services

Le sys­tème Gali­leo com­porte trois com­po­santes cor­res­pon­dant à des niveaux de per­for­mance différents :

  • glo­bale, donc à cou­ver­ture mondiale,
  • régio­nale, typi­que­ment la zone Europe,
  • locale, typi­que­ment les zones aéro­por­tuaires ou urbaines.

Par ailleurs, cinq types de ser­vices sont à ce jour définis :

  • le ser­vice ouvert OS (Open Ser­vice), ser­vice gra­tuit grand public offert à tous les uti­li­sa­teurs civils,
  • le ser­vice com­mer­cial CS, ser­vice payant à accès contrô­lé et garan­tie de ser­vices pour les appli­ca­tions commerciales,
  • le ser­vice » Safe­ty of Life « , ser­vice payant à accès contrô­lé pour des appli­ca­tions met­tant en jeu la sécu­ri­té des personnes ;
  • le ser­vice gou­ver­ne­men­tal (PRS, Public Regu­la­ted Ser­vice), à accès contrô­lé et pro­té­gé vis-à-vis des brouillages pour les appli­ca­tions gou­ver­ne­men­tales (en par­ti­cu­lier militaires) ;
  • le ser­vice SAR (Search and Rescue) est par­ti­cu­lier, c’est un com­plé­ment du sys­tème COSPAS-SARSAT actuel pour iden­ti­fier et loca­li­ser les signaux de détresse.

La pré­ci­sion sera meilleure que 10 mètres pour tout type d’u­ti­li­sa­tion, soit la pré­ci­sion envi­sa­gée par les États-Unis pour la com­po­sante civile du futur GPS/2F, le suc­ces­seur du GPS actuel. Le ser­vice Safe­ty of Life répon­dra aux cri­tères fixés pour l’at­ter­ris­sage tous temps.

L’architecture

La constel­la­tion sera com­po­sée de 30 satel­lites en orbite moyenne (MEO Medium Earth Orbit), sur trois plans incli­nés à 56 degrés, à 23 616 kilo­mètres. La constel­la­tion de Wal­ker est opti­mi­sée pour cou­vrir, mieux que ne le fait le sys­tème GPS, l’Eu­rope et les pays de hautes latitudes.

Les satel­lites devraient avoir une masse d’en­vi­ron 700 kilo­grammes, pour une puis­sance de 1,5 kilo­watt. Cela per­met de déli­vrer un signal au sol plus puis­sant que le signal GPS actuel, ce qui per­met d’être plus résis­tant au brouillage.

L’ar­chi­tec­ture envi­sa­gée par­tage la com­plexi­té tech­no­lo­gique entre le bord et le sol.

Le prin­ci­pal défi concerne la data­tion, c’est-à-dire la syn­chro­ni­sa­tion de l’heure. Gali­leo uti­li­se­ra des hor­loges ato­miques au césium ins­tal­lées au sol alors que le GPS les embarque. À bord, les satel­lites seront équi­pés de 2 hor­loges au rubi­dium et de 2 hor­loges à Maser à hydro­gène pas­sif, ce qui per­met une data­tion à quelques nano­se­condes. Le cal­cul d’or­bite se fera au sol.

L’interopérabilité avec le GPS et Glonass

Pour rendre les trois sys­tèmes inter­opé­rables, il faut une com­pa­ti­bi­li­té radio­élec­trique : les émis­sions de Gali­leo ne doivent pas créer des inter­fé­rences de nature à dégra­der la per­for­mance d’un récep­teur GPS et inver­se­ment. Une coor­di­na­tion adé­quate au niveau des fré­quences et des puis­sances trans­mises a donc été mise en place lors des confé­rences mon­diales des radio­com­mu­ni­ca­tions de 2000 et 2003. Cela sup­pose éga­le­ment la fabri­ca­tion de récep­teurs bi-mode (ou tri-mode) capables de prendre en compte l’é­cart de » temps sys­tème » entre le GPS et Gali­leo et fonc­tion­nant avec des réfé­rences géo­dé­siques compatibles.

Les fréquences

Gali­leo entraîne des besoins en bandes de fré­quence (bande L) pour les liai­sons des­cen­dantes et les liai­sons mon­tantes. Deux lar­geurs de bande sont actuel­le­ment allouées à la navi­ga­tion par satel­lite : la bande L1 (1 559–1 610 MHz) et la bande L2 (1 215–1 260 MHz), uti­li­sées en grande par­tie par le GPS et Glo­nass. Les fré­quences pré­vues pour Gali­leo per­met­tront d’é­mettre 10 signaux de navi­ga­tion dans les bandes E5A/E5B (1 164 MHz‑1 215 MHz), E6 (1 260 MHz‑1 300 MHz), E2 (1 559–1 563 MHz) et E1 (1 587 MHz‑1 591 MHz). La bande 5 010–5 030 MHz pour­ra être uti­li­sée. La com­bi­nai­son de signaux sur ces diverses fré­quences per­met d’ob­te­nir les ser­vices décrits ci-dessus.

La coopération internationale

La coopé­ra­tion inter­na­tio­nale s’im­pose au moins pour deux raisons :

les néces­saires com­pa­ti­bi­li­té et inter­opé­ra­bi­li­té des sys­tèmes pour répondre aux besoins des uti­li­sa­teurs, ce qui implique des dis­cus­sions appro­fon­dies avec les États-Unis,
. l’u­ti­li­sa­tion de Gali­leo dans les pays hors Europe ; c’est la rai­son pour laquelle aujourd’­hui la Com­mis­sion euro­péenne a signé un accord avec la Chine, et s’ap­prête à le faire avec l’Inde, Israël et le Brésil.

Le financement

La gra­tui­té du ser­vice GPS ali­mente les débats sur le finan­ce­ment de Gali­leo : l’Eu­rope ne peut envi­sa­ger de fac­tu­rer, sauf pour cer­taines caté­go­ries d’u­ti­li­sa­teurs, un ser­vice actuel­le­ment four­ni gra­tui­te­ment par le GPS. Dans ces condi­tions, le futur sys­tème euro­péen doit être finan­cé, au moins par­tiel­le­ment, sur fonds publics.

Plu­sieurs sché­mas de finan­ce­ment dits de par­te­na­riat public-pri­vé (PPP) sont pos­sibles : déci­sions régle­men­taires, taxes sur les récep­teurs, contraintes régle­men­taires pour les appli­ca­tions sécu­ri­taires, etc.

En tout état de cause, il fau­dra donc que les pou­voirs publics euro­péens sécu­risent une par­tie du finan­ce­ment. De son côté, le sec­teur pri­vé (indus­triels, banques, opé­ra­teurs, uti­li­sa­teurs) pren­drait en charge les com­plé­ments néces­saires aux ser­vices à valeur ajou­tée. C’est l’ap­pel d’offres pour le choix d’un conces­sion­naire qui per­met­tra d’af­fi­ner ces questions.

Galileo : une organisation industrielle à la hauteur de l’enjeu

Gali­leo est un sys­tème com­plexe aux tech­no­lo­gies avan­cées que l’Eu­rope veut déployer en cinq ans. Par com­pa­rai­son les États-Unis comme la Rus­sie ont mis plus d’une dizaine d’an­nées pour déployer GPS ou pour mettre en place une par­tie de Glo­nass. Il faut noter que les études pré­li­mi­naires en Europe se déroulent depuis de nom­breuses années.

Cette pos­si­bi­li­té de déploie­ment rapide par l’Eu­rope tient à la matu­ri­té et aux capa­ci­tés de son indus­trie spa­tiale répar­ties dans toute l’Europe.

Que faut-il construire et mettre en place ?

Le sys­tème Gali­leo néces­site la construc­tion et la mise en place d’une constel­la­tion de 30 satel­lites, la réa­li­sa­tion d’ins­tal­la­tions au sol impor­tantes pour assu­rer le contrôle des satel­lites et per­mettre d’as­su­rer la mis­sion, enfin la pro­duc­tion de ter­mi­naux pour les uti­li­sa­teurs de Galileo.

Les satel­lites sont très sophis­ti­qués en par­ti­cu­lier la charge utile qui com­porte des hor­loges ato­miques et des équi­pe­ments de trai­te­ment du signal qui per­met­tront d’as­su­rer des syn­chro­ni­sa­tions à quelques nanosecondes.

Les satel­lites devront être lan­cés en grappe sur une orbite haute d’où la néces­si­té de fusées puissantes.

L’industrie spatiale européenne

L’in­dus­trie spa­tiale euro­péenne dis­pose de grands maîtres d’œuvre indus­triels, d’é­qui­pe­men­tiers qui ont depuis une qua­ran­taine d’an­nées construit des satel­lites de toute nature, scien­ti­fiques comme la der­nière sonde Mars Express ou le satel­lite océa­no­gra­phique Jason, d’ob­ser­va­tion comme Spot, ERS, Helios, de météo­ro­lo­gie comme Meteo­sat, de télécommunications.

Il y a actuel­le­ment trois maîtres d’œuvre de satellites :

  • Alca­tel Space, qui dis­pose d’é­ta­blis­se­ments indus­triels en France, les plus impor­tants étant à Tou­louse et Cannes mais aus­si en Bel­gique, en Espagne ;
  • Astrium, filiale d’EADS, avec des éta­blis­se­ments en France à Tou­louse mais aus­si au Royaume-Uni, en Alle­magne, en Espagne ;
  • Ale­nia Spaz­zio, du groupe Fin­mec­ca­nic­ca qui dis­pose d’é­ta­blis­se­ments indus­triels à Rome, Turin, Milan pour les principaux.

Dans le domaine des lan­ceurs, Aria­nes­pace assure le déve­lop­pe­ment, la pro­duc­tion et la com­mer­cia­li­sa­tion d’A­riane 5, en s’ap­puyant sur toute l’in­dus­trie euro­péeenne et en par­ti­cu­lier EADS, Snec­ma, SNPE.

Il faut aus­si noter la coopé­ra­tion avec la Rus­sie pour le lan­ceur Soyouz. Au moment des pre­miers lan­ce­ments de Gali­leo ces deux lan­ceurs pour­ront être tirés depuis Kourou.

Dans le domaine des ins­tal­la­tions au sol, il faut noter la capa­ci­té des maîtres d’œuvre satel­lites à les réa­li­ser. C’est ain­si qu’Al­ca­tel Space est maître d’œuvre d’E­gnos, pre­mière com­po­sante du GNSS.

Il faut y ajou­ter la capa­ci­té de Thales mais aus­si de nom­breuses socié­tés de ser­vice en informatique.

Dans le domaine des ter­mi­naux, Thales dis­pose de toutes les com­pé­tences et capa­ci­tés. Elles sont déjà mises en œuvre pour GPS et Glo­nass. En outre, vu l’im­por­tance de Gali­leo pour le contrôle de la navi­ga­tion aérienne, Thales apporte toutes ses com­pé­tences et capa­ci­tés sys­tèmes dans le domaine de la navi­ga­tion aérienne tant pour les ins­tal­la­tions au sol qu’embarquées.

Capacité de l’industrie européenne dans la réalisation de constellations

L’in­dus­trie euro­péenne a par­ti­ci­pé à la construc­tion de la constel­la­tion Glo­bal­star. Il a fal­lu construire une soixan­taine de satel­lites en coopé­ra­tion avec l’in­dus­triel amé­ri­cain Loral. Cela a impli­qué Ale­nia qui assem­blait les satel­lites dans une usine spé­cia­li­sée à Rome, Alca­tel Space qui réa­li­sait les charges utiles à Tou­louse et les struc­tures à Cannes, Astrium qui réa­li­sait le sys­tème de pro­pul­sion en Alle­magne. Cette constel­la­tion à laquelle l’in­dus­trie euro­péenne a par­ti­ci­pé à 60 % fonc­tionne en orbite. L’in­dus­trie euro­péenne a mon­tré sa capa­ci­té à pro­duire en série des satellites.

Les équipementiers

Les grands maîtres d’œuvre satel­lites sont aus­si des équi­pe­men­tiers. Il y a aus­si à côté des maîtres d’œuvre des équi­pe­men­tiers qui inter­viennent dans dif­fé­rents domaines comme l’a­li­men­ta­tion en éner­gie avec SAFT, les sen­seurs avec Sodern, les gyros, les oscil­la­teurs, les hor­loges ato­miques. Les hor­loges ato­miques pour­raient être réa­li­sées en Suisse.

Galileo Industries

Dès 1999, un consor­tium indus­triel, Gali­leo Indus­tries, s’est for­mé en socié­té de droit belge pour agré­ger l’en­semble des com­pé­tences spa­tiales néces­saires à la réus­site d’un pro­jet de cette ampleur. Com­pre­nant à l’o­ri­gine Alca­tel Space, DASA/Dornier (main­te­nant Astrium Alle­magne), Matra Mar­co­ni Space UK (main­te­nant Astrium UK) et Ale­nia Spaz­zio, il s’est élar­gi en 2003 à GSS (Gali­leo Sis­te­mas y Ser­vi­cios, consor­tium repré­sen­tant les inté­rêts indus­triels espa­gnols) et à Thales.

Gali­leo Indus­tries est aujourd’­hui en charge de la majeure par­tie des tra­vaux d’in­fra­struc­ture, c’est-à-dire les satel­lites et le seg­ment sol asso­cié com­po­sant le sys­tème. La Direc­tion géné­rale est ins­tal­lée à Munich.

Par ailleurs, l’in­dus­trie des équi­pe­ments pour les uti­li­sa­teurs, des appli­ca­tions et des ser­vices, inté­res­sée à ce que le mar­ché Gali­leo se déve­loppe dès la mise en place de la constel­la­tion, s’est fédé­rée en créant une asso­cia­tion loi de 1901, Gali­leo Services.

Cette asso­cia­tion a pour objet d’in­fluer en phase de concep­tion du sys­tème pour qu’il réponde aux attentes du mar­ché aval, de contri­buer à la stan­dar­di­sa­tion et à l’in­te­ro­pé­ra­bi­li­té, et de pré­pa­rer les pro­duits et ser­vices en anti­ci­pant via les pro­grammes de R & D de l’U­nion européenne.

Conclusion

Gali­leo est un pré­cur­seur à plus d’un titre de ce que peut faire l’Eu­rope pour asseoir son influence :

  • c’est un pro­gramme tech­no­lo­gique de grande enver­gure avec des retom­bées éco­no­miques considérables ;
  • c’est un exemple de coopé­ra­tion entre l’U­nion euro­péenne et l’A­gence spa­tiale euro­péenne qui pré­fi­gure la mise en place d’une Poli­tique spa­tiale ambi­tieuse, y com­pris dans le domaine militaire ;
  • c’est la pre­mière fois que les Euro­péens seront confron­tés à la mise en pra­tique d’une poli­tique étran­gère com­mune, puis­qu’il fau­dra bien défi­nir à tout moment qui a accès au signal gou­ver­ne­men­tal protégé.

Commentaire

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EMPISrépondre
12 décembre 2016 à 16 h 19 min

Coût de l’a­bon­ne­ment!!!
Je suis un ancien géo­mètre (retrai­té).
Très sou­vent des copains me demandent de leur retrou­ver leurs limites cadas­trales et par­ti­cu­liè­re­ment dans les bois.
Pour le moment, je fais ça avec le sys­tème amé­ri­cain GPS. Mais il est vrai que la pré­ci­sion laisse à désirer.
Vous par­lez pour Gali­leo d’une pré­ci­sion de l’ordre du mètre pour les pro­fes­sion­nels et avec un abonnement.
Ceci me séduit bien enten­du. Mais vais-je pou­voir accé­der à cette option ? Et sur­tout avez-vous une idée du prix de cet abonnement ?
Merci

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