Général Louis Decharme (1900)
» Bon sang ne saurait mentir « , c’est ce qui vient naturellement en regardant les origines familiales de Louis Decharme qui rejoint 1’X en 1900 à la suite de son père le général Albert Decharme (X 1859), ancien commandant en second de l’École en 1890 et plus tard commandant du 12e corps d’armée.
C’est aussi à la suite de son grand-père paternel Théodore Decharme (X 1827), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et de son grand-père maternel Nicolas Le Gros (X 1838), ingénieur général des Ponts et Chaussées et des Travaux de la marine que Louis Decharme intégrera cette école » familiale « .
Louis Decharme compte enfin parmi ses proches aïeux Antoine Bouchet, officier d’artillerie aux opinions réformatrices qui contribua activement aux guerres de la République. De quoi tracer un évident destin de soldat.
Sorti dans l’artillerie, il rejoint l’école d’application de Fontainebleau puis de Saumur où il est officier instructeur. Louis Decharme y fait la connaissance de Maxime Weygand, futur Généralissime en 1940, qui restera son fidèle ami1.
À la déclaration de guerre en 1914, Louis Decharme commande une batterie du 25e régiment d’artillerie où il se distingue lors de l’attaque des Éparges et dans les durs engagements de Haute-Meuse.
En 1915 il participe aux combats de Champagne et de la tranchée de Calonne. Il est nommé Chevalier de la Légion d’honneur sur le champ de bataille. Intoxiqué par les gaz pendant la bataille de Verdun il est évacué et, de retour sur le front en 1917 au Chemin des Dames et aux combats de la Malmaison, commande un groupe lourd.
Louis Decharme, chef d’escadron, termine la guerre avec trois blessures et quatre citations2.
Après l’armistice, il passe en 1919 au Secrétariat d’Alexandre Millerand, futur Président de la République, alors Haut-Commissaire d’Alsace-Lorraine nouvellement revenue à la France, et de 1922 à 1924 au Cabinet d’André Maginot, ministre de la Guerre.
Détaché au service technique de l’Artillerie, Louis Decharme participe de 1925 à 1927 à la mission militaire française envoyée à Athènes par la France afin d’assurer le perfectionnement des cadres militaires grecs.
Promu colonel en 1930, il prend le commandement du 25e régiment d’artillerie dont il organise la motorisation.
Commandant la 35e division d’infanterie pendant la bataille de France en mai 19403, Louis Decharme mène » la division Decharme » qui s’illustre sur le front de l’Aisne, des Ardennes et de la Meuse4 et par une résistance qui tient en échec un ennemi mordant et très supérieur en nombre avec » mission de sacrifice demandant de tenir sans relève « .
La 35e DI subissant la pression allemande et de lourdes pertes (deux colonels tués sur trois), Louis Decharme est contraint de diriger la retraite de son unité protégeant le repli du 21e corps et » sauvant la mise de la 2e armée « 5.
Prisonnier de guerre en juin 1940, il est interné en Saxe dans la forteresse de Koenigstein, » la citadelle aux cent généraux » avec les généraux Giraud, qui évadé rejoindra Alger comme chef de l’Afrique française avant de Gaulle en 1942, Olry ancien commandant en chef de l’armée des Alpes6 et Misserey, ancien commandant du 13e corps d’armée, tous les deux ses camarades de promotion à Polytechnique.
Très touché par sa captivité, Louis Decharme est rapatrié en mai 1941 en raison de son mauvais état de santé.
Le gouvernement de la France agit dorénavant sous tutelle allemande.
Suivant la tradition militaire, Louis Decharme reprend le combat, entretenant alors à Paris des contacts avec les cadres de l’armée, alimentant des réseaux de renseignements en informations et travaux clandestins en vue d’une revanche future7.
Ses actions discrètes et opérantes lui valent d’être convié par le général de Gaulle à l’accompagner lors de la célèbre marche des Champs-Élysées conduite avec les généraux Leclerc, Kœnig et Juin le 26 août 1944 pour se rendre au Te Deum célébré à Notre-Dame pour la libération de Paris.
Louis Decharme est rappelé à l’activité en septembre 1944 comme commandant de l’École polytechnique dont il est chargé de la réorganisation et de la remilitarisation8.
Le 4 décembre 1946, le général Bloch-Dassault (X 1901), Grand Chancelier de la Légion d’honneur, remet à Louis Decharme les insignes de Grand Officier de la Légion d’honneur dans la cour de l’École9.
Après onze années passées comme administrateur de différentes sociétés10, associations et comités, Louis Decharme est décédé à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce le 15 juillet 1956.
________________________________
1. Lequel devant l’étendue de l’effondrement de la France en juin 1940 doit se résoudre à recommander l’armistice avant de reprendre le combat en Afrique du Nord.
2. Dont une à l’ordre de la République (Journal officiel du 24 octobre 1914).
3. 21e corps d’armée, général Dubuisson ; 2e armée, général Hutzinger.
4. Le général allemand Guderian lance sur cette ligne 7 de ses 10 divisions blindées.
5. Général Flavigny, commandant le 21e CA ; citation à l’ordre de l’Armée du 4 novembre 1946.
6. Un des très rares vainqueurs d’une armée de l’Axe en stoppant l’offensive italienne.
7. En particulier avec les généraux Olry, Frère, Keller et Delestraint, en liaison avec l’ORA (Organisation de la résistance de l’armée). Cf. B. Destremeau, Weygand, éd. Perrin 1990.
8. En annulation des actes, dits décrets des 27 octobre et 22 décembre 1940.
9. Décret signé Bidault, président du CNR (Conseil national de la Résistance).
10. Dont les Forges et Aciéries de Pont-à-Mousson à la demande d’André Grandpierre (X 1912), leur président, son camarade de combat en 1915.