Georg Friedrich Haendel : Jules César
Festival de Glyndebourne, Sarah Connolly, Angelika Kirchshlager, Danielle de Niese
mise en scène David McVicar, Dir. William Christie
2 DVD ou Blu-ray Opus Arte
Les opéras de Haendel sont trop peu connus, mais ils sont souvent merveilleux. Saxon ayant appris le chant en Italie, Haendel installé en Angleterre s’est obstiné pendant quarante ans à composer pour les Anglais de la musique italienne. C’est ce qui fait que ses opéras, faisant succéder airs et ensembles brillants et des morceaux très émouvants, sont aussi attrayants et accessibles. Lorsque la production associe chanteurs de premier plan et mise en scène inventive et respectueuse, le spectacle est mémorable. C’était le cas des productions d’Alcina présentées ici en avril 2018, et c’est aussi le cas de ce formidable Jules César.
Commençons par parler de la mise en scène. Sir David McVicar est un magicien de l’opéra, ses mises en scène chaque fois différentes mais toujours pertinentes, belles et prenantes, font toujours merveille au Royaume-Uni. Nous voyons enfin son travail en France en 2020, au Théâtre des Champs-Élysées (Roberto Devereux de Donizetti, initialement programmé en mars) et à l’Opéra Bastille (Adrienne Lecouvreur de Cilea, initialement prévue en mai, dans une mise en scène de 2010).
Souvenons-nous aussi comment il faisait se dérouler les Noces de Figaro dans un paysage de Fragonard (La Jaune et la Rouge de décembre 2008) ou bien la tragédie de Salomé dans un palais d’Hérode plus vrai que nature (La Jaune et la Rouge de mai 2009). Ici, pour l’Égypte ptolémaïque envahie par les Romains, McVicar nous transporte dans les colonies britanniques du XIXe siècle, les Romains étant habillés en Anglais coloniaux. Les costumes et décors sont beaux et inventifs, et rendent le spectacle magnifique à regarder, constamment vivant et donc passionnant.
Mais la production de Glyndebourne en 2005 est réussie car elle est également musicalement sublime. Tout d’abord il s’agit d’un des meilleurs, et des plus connus, opéras de Haendel (1723). Les rivalités entre César et Pompée à Rome, entre Cléopâtre VII et son frère (et époux !) Ptolémée XIII en Égypte, donnent le prétexte à un livret dramatique riche et une musique formidable. Ses airs et ensembles sont tous dignes d’être des tubes, et d’ailleurs les musiciens nous jouent absolument toutes les reprises et tous les da capo, ce qui fait un spectacle de près de quatre heures de magnifique musique. Les trois chanteuses principales réunies ce soir-là forment une distribution vertigineuse. La grande Sarah Connolly (la Didon de notre rubrique de mai 2012) campe un César majestueux, noble, fort et torturé. Angelika Kirchschlager est émouvante dans le rôle du fils de Pompée qu’il (elle) doit venger.
Mais c’est l’Australienne Danielle de Niese qui crève l’écran et dont on se souviendra longtemps. Celle que le New York Times a qualifiée de opera’s coolest soprano interprète un rôle de Cléopâtre rendu impressionnant par le fait que la plupart de ses airs sont chorégraphiés. Dansant et chantant, Cléopâtre change de tenue (toutes plus élégantes les unes que les autres) et de perruque constamment. Sa voix, son jeu de scène, son énergie font de l’incarnation qu’elle offre à Cléopâtre une réussite comme on en voit rarement. Citons notamment un Piangero à faire pleurer une statue et un Da Tempeste à réveiller les morts. Et le duo final avec le César de Connolly, le clou du spectacle, est évidemment magnifique.
La direction de William Christie est inventive, vive et colorée, tout en sachant être lyrique et émouvante, et son orchestre est magnifiquement enregistré.