George GERSHWIN : Rhapsody in blue, Un américain à Paris, Concerto en fa
Les concerts que le Philharmonique de Berlin donne à la Waldbühne, lieu de concerts en plein air, sont un succès populaire, auxquels les Berlinois en famille se retrouvent à plus de vingt mille chaque année.
Comme en 1993, le maître d’œuvre de la soirée en 2003 (qui commence en fin d’après-midi, la nuit tombe sur le concert) est Seiji Ozawa, protégé de Karajan et qu’on donnait dans les années quatre-vingt comme un des prétendants les plus sérieux à la succession du maestro.
Ozawa a choisi un programme tout Gershwin. Il a pour cela convaincu le jazzman Marcus Roberts, qu’il avait fait jouer à Boston quelques années auparavant, d’en être le soliste, en lui proposant d’être accompagné de son trio (percussion et contrebasse) et d’improviser au cours des œuvres.
Cela nous donne des versions de la célébrissime Rhapsody in Blue et du trop méconnu Concerto en fa qui sont proprement inouïes. C’est déjà impressionnant et passionnant de voir les vents du Philharmonique de Berlin jouer avec la couleur nécessaire aux effets jazzy de Gershwin (mentions spéciales pour les trompettes et clarinettes), mais il est époustouflant de voir ce trio de jazz s’intégrer au milieu du flux orchestral d’un des plus vieux orchestres du monde.
Marcus Roberts est un pianiste de jazz assez original. J’ai dû voir ce concert une dizaine de fois (en DVD d’abord, avant sa parution en Blu-ray) sans réaliser que ce pianiste est aveugle depuis l’âge de cinq ans. Avec des doigts gigantesques, il se joue de la partition de Gershwin et peut ainsi improviser constamment sur les œuvres, attitude que n’aurait pas désapprouvée le compositeur.
Gershwin est le père du jazz symphonique, a composé à la fois revues, comédies musicales, opérettes, concertos et un opéra. Sa musique est influencée par les mélodies juives « klezmer » (les frères George et Ira Gershwin sont nés Jacob et Israël Gershowitz à Brooklyn, d’une famille juive originaire de Saint- Pétersbourg), les mélodies et styles du jazz noir américain, et les compositeurs classiques qu’il a côtoyés (Ravel, Stravinski…).
Ses plus grands succès sont joués lors de ce concert (Un Américain à Paris a été composé après la visite de Gershwin à Paris pour y voir jouer son Concerto en fa). Gershwin aurait été ravi d’un tel concert en plein air, lui qui jouait parfois sa musique devant près de 20 000 spectateurs dans un stade à New York.
Ozawa est le lien entre les deux mondes, celui de la Philharmonie de Berlin et celui de Gershwin. Admiré de Karajan, qui lui a proposé de diriger le Philharmonique dès 1966 (!), il est aussi un élève de Leonard Bernstein et a passé quarante ans aux États-Unis.
Sa souplesse, son énergie sont communicatives à l’orchestre. Le succès de ce concert est le sien !