Géostatistique appliquée à l’assainissement des sols et des structures de génie civil – KARTOTRAK
Introduction
Pour répondre aux questions qui se posent avant chaque assainissement, le CEA a développé une méthodologie décrite dans le logigramme ci-contre. C’est en 2004 que le CEA a développé Kartotrak, solution pour la maîtrise de l’état radiologique initial.
Basé sur une approche du traitement des données par géostatistique associée sur un système d’information géographique (SIG). Kartotrak, désormais industrialisée par la société Geovariances, permet en temps réel de centraliser les mesures des dispositifs permettant de caractériser quelques dizaines de mètres carrés à plusieurs hectares, voire plusieurs milliers d’hectares (VEgAS®, KRP®, KRT®).
Dans la plupart des cas, les polluants sont des émetteurs gamma dont le flux est mesurable avec des détecteurs usuels.
Mesures des sols en surface 2D et en 3D
Chaque dispositif de mesures délivre, chaque seconde, des mesures enregistrées et traitées par Kartotrak. Leur traitement permet d’obtenir en quasi temps réel des cartographies surfaciques 2D de la radioactivité des sols en surface.
Le CEA/FAR a établi en 2008 un retour d’expérience à partir des 90 sites évalués par la Section Assainissement du Site. L’objectif de ce REX consistait à identifier tous les sites dont le plan d’échantillonnage permettait d’utiliser la géostatistique pour le traitement de données en remplacement des approches statistiques usuellement appliquées.
À partir de ce REX, en complément des mesures réalisées sur les sols en surface, il est désormais aussi possible de dimensionner le nombre de sondages nécessaires à une évaluation radiologique pertinente des sols en profondeur. Cette étape permet d’implanter les sondages dans les aires où l’incertitude et la variabilité sont importantes, contrairement aux pratiques du passé, où presque tous les sondages étaient implantés dans les zones qui présentaient l’activité la plus importante.
Cartographie 3D de volumes contaminés.
Comme pour la réalisation des cartographies en 2D, la réalisation d’une cartographie tridimensionnelle utilise la géostatistique comme technique d’analyse des données et d’estimation des niveaux d’activité. Cette cartographie permet d’obtenir des épures basées notamment sur des probabilités de dépassement de niveau d’activité.
Ces résultats sont utilisés pour comparer différents scénarii de réhabilitation de la zone, envisageable d’un point de vue technique et financier en fonction des profondeurs à atteindre, associées à l’objectif d’impact possible à atteindre en fonction des profondeurs et de la dispersion de la pollution.
Le traitement de données par géostatistique
Plan de position et histogramme des mesures.
Cette technique utilisée initialement pour la caractérisation des filons miniers a été développée dans les années 50 par D. KRIGE, puis par G. MATHERON. La finalisation de leurs travaux et l’évolution de l’informatique ont ouvert le champ d’application aux données de la pollution chimique de site et plus récemment (2004) par le CEA/FAR, pour l’application dédiée aux sites et sols pollués radiologiquement.
Cette méthode consiste à prendre en compte la continuité spatiale du phénomène. La première étape, l’analyse exploratoire des données, permet d’obtenir un plan de position des données, capable d’identifier les zones de faibles et fortes activités et le niveau du bruit de fond.
Cette analyse est associée à une analyse statistique classique des valeurs (activités moyennes ou médianes, dispersion autour de cette tendance centrale, quantile, etc.). Durant cette phase exploratoire, il est intéressant d’étudier les relations entre les différents paramètres considérés, comme l’activité gamma, l’irradiation ambiante ou l’activité de plusieurs radionucléides afin d’identifier des zones singulières (contaminations multiples, changement de matrice, variations de l’ambiance …).
L’étape suivante consiste en l’analyse de la structure spaciale des données
Variogramme et ajustement.
L’intérêt de l’utilisation de la géostatistique se base sur la continuité spatiale du phénomène : intuitivement pour un phénomène non aléatoire dans l’espace, deux mesures proches auront des valeurs semblables alors que l’écart entre les valeurs de deux mesures plus éloignées sera plus variable. Pour évaluer cette continuité spatiale de façon expérimentale, un variogramme est tracé à partir de la distance des points de mesure et de la variance des valeurs.
Celui-ci fait ensuite l’objet d’un ajustement à l’aide d’un modèle mathématique qui permettra de réaliser les calculs d’estimation. L’ajustement du variogramme est une étape importante. Elle permet de distinguer l’importance de la variabilité à courte distance et de déterminer si des mesures complémentaires doivent être ou non réalisées.
La troisième étape concerne la réalisation de l’interpolation des données par la méthode de krigeage. Le krigeage se différencie des autres interpolateurs, par la prise en compte, entre les données et la cible, des distances séparant les données entre elles et de la structure spatiale du phénomène (par l’intermédiaire du variogramme).
L’interpolateur garantit le non-biais de l’estimation et minimiser la variance de l’erreur d’estimation et il peut être estimé par la variance statistique de la différence entre deux points, c’est le variogramme expérimental.
La géostatistique permet de quantifier les incertitudes associées à l’interpolation, mais également établir des cartes de probabilité de dépasser un niveau d’activité donné.
Pourquoi l’analyse de risque ?
Les cartographies d’incertitudes renseignent la qualité de l’estimation et peuvent indiquer des investigations complémentaires dans les zones sous-échantillonnées ou à forte variabilité.
Utilisation et principe de fonctionnement des simulations géostatistiques
La géostatistique fournit une solution lorsque l’on utilise des opérateurs non linéaires comme l’application d’une valeur cible ou le calcul d’une surface exposée à un dépassement de celle-ci.
Parmi les méthodes utilisables, les simulations sont les plus souples. Elles donnent la possibilité de simuler en chaque point de l’espace un scénario pour la variable étudiée de telle façon, que la distribution statistique de la variable, mise en évidence par l’histogramme, et des caractéristiques de la variabilité spatiale, prises en charge par le variogramme, soient reproduites.
Une simulation est ainsi vue comme une image possible du phénomène alors que le krigeage s’intéresse à fournir l’image la plus probable. Le krigeage lisse le phénomène étudié tandis qu’une simulation en reproduit toute la variabilité. La simulation est dite conditionnelle lorsqu’elle est calée aux données et retrouve les valeurs des mesures en ces points (il est possible d’utiliser d’autres techniques de simulation appelée l’anamorphose gaussienne).
Analyses locales du risque et estimations globales
Les simulations consistent à calculer un grand nombre de scénarios, permettant de faire des raisonnements selon des probabilités. En chaque point du maillage, on dispose d’un histogramme des valeurs possibles, dont la moyenne converge vers le krigeage. En calculant point à point la proportion de réalisations dépassant en chaque point l’objectif de qualité, on obtient une carte de la probabilité de dépassement de ce seuil.
De la même manière, en faisant intervenir plusieurs points simulés en même temps, la probabilité de dépassement du niveau fixé peut être estimée sur un support de plus grande taille (contraintes techniques pour l’assainissement, surface minimale). D’autres cartes d’analyse de risque (quantile, intervalle de confiance…) peuvent être utiles pour le positionnement de mesures complémentaires.
Les simulations apportent donc une information permettant de calculer des grandeurs globales telle que la surface totale dépassant un niveau d’activité, la surface est déterminée pour chaque simulation et permet d’en estimer les caractéristiques statistiques (post-traitement) : moyenne, médiane, variance, intervalle de confiance.
La mise en place de simulations permet donc de décider des zones à assainir en fonction des objectifs retenus et des niveaux de confiance souhaités, d’estimer la production des déchets par catégorie, et donc de prévoir la durée, le coût et la logistique associés.
Conclusion
Le traitement des données par géostatistique est donc une approche incontournable pour la caractérisation d’un phénomène structuré en y associant une incertitude et en particulier des probabilités.
Dans le domaine de l’assainissement/démantèlement, la géostatistique permet d’envisager, dès qu’elle est utilisée en amont des projets, la maîtrise de l’état radiologique initial définissant ainsi les différents niveaux de contamination, leurs étendues et les volumes associés selon les trois dimensions et donc une optimisation des assainissements et des productions de déchets par nature et par types afin de garantir le respect des coûts et des plannings.
La maîtrise de nos coûts liés à un assainissement/démantèlement optimisé est l’unique solution pour garantir l’expansion de la filière nucléaire française dans le respect d’un développement durable.