Gérard BRUNSCHWIG (43)
Gérard Brunschwig est né à Paris le 18 août 1924. Après de solides études à l’École polytechnique (promo 43), d’où il sort dans le Corps des Ponts et Chaussées, puis à l’École nationale des ponts et chaussées, il est nommé ingénieur ordinaire en Lozère (arrondissement de Mende), puis est affecté à l’arrondissement ouest du service ordinaire d’Alençon. C’est là qu’il rencontre Robert David, qui était un ardent promoteur des matériaux enrobés. Alors que les revêtements routiers étaient à cette époque généralement constitués par des enduits superficiels au goudron ou en bitume, est-ce à son contact que Gérard Brunschwig s’intéresse à ces matériaux nouveaux ? Quoi qu’il en soit, lorsque le Laboratoire central créa la section revêtements hydrocarbonés en 1958 pour décharger la section de chimie, on fit appel à Gérard Brunschwig pour la diriger. Peu de temps après, il fut nommé maître de conférences en cette spécialité à l’École nationale des ponts et chaussées.
Promu ingénieur en chef en 1967, il fut, en sus de ses attributions au LCPC, chargé de mission auprès du directeur de l’École nationale des TPE pour y occuper les fonctions de directeur des études. Pendant les vingt-quatre ans (1958−1982) de son séjour au LCPC, il poursuivit ses recherches dans les domaines de rhéologie des matériaux enrobés hydrocarbonés, nucléodensimétrie appliquée aux revêtements routiers hydrocarbonés, bitumes caoutchouc, applications du calcul des probabilités et méthodes statistiques. Grâce à la compétence acquise en ces domaines, il publia divers articles et prononça plusieurs conférences (par exemple à l’ITBTP en 1969 sur les matériaux enrobés hydrocarbonés). Il accomplit des missions à l’étranger et fut chargé de l’intérim de la direction des programmes dans les années 1970. Par ailleurs, pendant de longues années, il a été président de la Commission technique » Statistiques » de l’ISO (Organisation internationale de normalisation) ainsi que de la Commission générale » Statistiques « de l’Afnor. Il a beaucoup œuvré à l’ISO pour ramener les mondes des statistiques à se coordonner avec la CEI (Communauté électrotechnique internationale) 56 sur la sûreté de fonctionnement et le TC 176 de l’ISO » Qualité « .
En 1982, il fut affecté au Conseil général des Ponts et Chaussées en qualité de secrétaire de la troisième section (Économie et Transport), tout en demeurant chargé de la coopération technique auprès du directeur du LCPC. À ce dernier titre, il accueillait les ingénieurs et chercheurs de haut niveau qui étaient en relation avec le LCPC.
Ainsi ses travaux présentent une remarquable unité sur l’étude des liants hydrocarbonés dans ses différents aspects : recherche, expérimentation, enseignement, coopération technique. Il savait en faire profiter tous ceux qui s’adressaient à lui pour des avis et des conseils qu’il donnait avec sa gentillesse habituelle. Aussi ne laissa-t-il que des amis au LCPC où il a accompli la plus grande partie de sa carrière. Pour ce faire, il avait d’autant plus de mérite que les soucis et les souffrances ne lui furent pas épargnés. De santé fragile, il dut interrompre ses activités à plusieurs reprises. Mais à chaque fois, dès qu’il était rétabli, il reprenait ses travaux avec courage et détermination.
Promu ingénieur général en 1984, il fut déchargé de ses fonctions de secrétaire de la troisième section du CGPC en 1986 et acheva sa carrière comme membre du Conseil.
Au temps de la retraite, il ne reste pas inactif et participe à la création de l’Association » X‑Résistance « . Son retour sur l’époque où il était dans le maquis s’est inséré dans les travaux de mémoire dont s’est chargée » X‑Résistance « . Il a été l’initiateur et l’animateur de l’exposition » Des polytechniciens dans la Résistance « , et il a pu l’accompagner dans les divers sites où elle a été présentée, notamment à Besançon, Bordeaux, Chamalières, Montpellier, Strasbourg, et il a rédigé ponctuellement le compte rendu de ces réunions.
Pour terminer cette trop courte notice, je ne dois pas omettre son attachement à sa vie familiale, ses enfants et son épouse. Cette dernière étant affectée d’un handicap des membres inférieurs, il fallait voir avec quelle tendre sollicitude il l’aidait à se déplacer.
Un juste nous a quittés, la communauté polytechnicienne ne l’oublie pas.
André PASQUET (39),
vice-président honoraire du Conseil général
des Ponts et Chaussées
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Gérard et moi nous nous sommes connus à Marseille à l’automne 1940, dans un contexte mouvementé, aggravé pour Gérard par la mort de son père X‑Mines (promotion 14) peu de temps avant. Beaucoup de choses nous rapprochaient : tous les deux Parisiens, mais lui par sa mère avait une longue filiation provençale ; nous réagissions de la même manière aux événements ; nous aimions les maths. On a ainsi fait ensemble la terminale sciences et la prépa.
Mais fin 1942 les Allemands occupent la zone Sud : avec deux amis, Paul Cousseran et Henri Blanc, nous adhérons à un groupe de résistance : nous distribuons des tracts, accompagnons des jeunes refusant le service du travail obligatoire des Allemands, organisons le ravitaillement des maquis, ce qui nous amène un jour au Vercors en y transportant un vieux fusil-mitrailleur.
Nos deux amis sont arrêtés et déportés et nous nous dispersons. Gérard part à Dieulefit, puis rejoint le maquis du Plan de la Vache dans le massif de Belledonne. Là, sous le nom de Batignolles, il assiste à un parachutage, participe avec succès à l’attaque d’un poste de guet allemand, et termine sur le Front des Alpes. Tous les gens qu’il a rencontrés à cette époque lui ont laissé un souvenir suffisamment vif pour qu’il les décrive avec humour et sympathie dans un petit récit écrit à l’intention de sa famille.
On se retrouve à l’automne 1945 à l’X. Une longue maladie le décale d’une année dans ses études, ce qui nous permet de nous retrouver à l’École des ponts, car entre-temps, j’avais passé une année aux États-Unis. Et de nouveau, en 1948, du fait de nos affectations en province, nos trajectoires se séparent.
Heureusement, sa grande fidélité en amitié nous permet de nous retrouver à Paris quelques années plus tard avec nos deux amis revenus de déportation. Nos activités ont peu de points communs, mais nous avons toujours grand plaisir à nous retrouver. Les années passent. Il perd sa femme en 1985. Il passe parfois par des phases de découragement, mais sa faculté de rebondissement fait l’admiration et la surprise de ses proches. Il redevient curieux des choses et des gens, aimant nouer et entretenir des contacts avec les personnes les plus diverses, leur parler et leur écrire.
À sa retraite, il se consacre alors avec passion à l’exposition qui a révélé le rôle des X dans la Résistance, comme me l’a rapporté Bernard Lévi (41). Au cours de ses dernières années, il a eu la joie de la voir se concrétiser. Elle a d’abord été présentée à l’Assemblée nationale. Il l’a ensuite accompagnée dans plusieurs villes de France qui s’étaient illustrées dans la Résistance.
Et il disparaît sans bruit. Il nous laisse le souvenir d’un homme très modeste, à la fois loquace et pudique, très cultivé et surtout très musicien, grâce à sa mère dont l’amie très proche était la grande musicienne Yvonne Lefébure ; rigoureux, entièrement dévoué au service public au point de m’en vouloir un peu paraît-il d’avoir » pantouflé « . Pasquet nous a décrit sa vie professionnelle bien remplie consacrée surtout à la recherche et à l’enseignement. Il laisse sa famille proche très attachée à son souvenir. Nous ne l’oublierons pas.