Gérer de façon optimale les relations avec les clients
On peut être X‑Mines et finalement abandonner tout le confort des cabinets ministériels ou des états-majors de grands groupes pour partir s’installer à New York et créer sa start-up, VideoDesk rebaptisée Stryng lors d’un changement de version. Il s’agit d’un service de messagerie adapté aux relations clients.
Tu te lances dans la vidéo dès 2012. Était-ce visionnaire ?
L’idée est venue de mon associé, Igor Schlumberger, entrepreneur en série du monde du web. Depuis plus de vingt ans, il invente des solutions permettant aux commerçants en ligne de vendre plus facilement.
Stryng propose un service de messagerie client adapté aux nouveaux comportements des consommateurs et des vendeurs.
Mettre un vendeur à la disposition des internautes pour un dialogue vidéo nous a semblé une manière naturelle de recréer la relation humaine du magasin physique.
En 2013, Amazon lance une solution équivalente sur ses terminaux Kindle. En 2014, Microsoft nous contacte alors pour installer notre solution sur leur site de e‑commerce, sur lequel ils vendent des tablettes, des Xbox et des software.
En 2015, la CEO d’IBM cherche à faciliter la vente de solutions en ligne et s’enthousiasme devant une démonstration de notre solution. Donc, oui, il y avait bien là une vision partagée de l’avenir du commerce en ligne.
Qu’est-ce qui a changé en cinq ans dans ton secteur ?
En cinq ans, quasiment tout a changé. Le commerce électronique était exclusivement sur ordinateur, il est maintenant principalement sur mobile.
“ La France propose un environnement exceptionnel pour la R & D de start-up ”
Les principaux moyens de communication étaient le téléphone et l’e‑mail, c’est maintenant la messagerie, entre amis (WhatsApp, Facebook, Messenger, WeChat…) ou entre collègues (Slack…), qui a le vent en poupe.
Dès lors, les consommateurs ne cherchent plus en priorité à « parler » avec les vendeurs, mais préfèrent nettement la messagerie mobile : un court message texte, une photo du produit, des émoticônes, un rendez-vous vidéo si le sujet est compliqué. Les entreprises doivent s’adapter aux nouvelles habitudes de leurs clients.
Pourquoi être parti t’installer aux États-Unis ?
Parce que 95 % de notre chiffre d’affaires était aux USA. Les clients américains sont très ouverts à l’innovation du monde entier, donc il n’y a pas de frein « national » à choisir une technologie non américaine.
En revanche, la présence du CEO sur le sol américain crée de la confiance pour une relation de long terme. Nous sommes passés de contrats pour des opérations pilotes à des contrats pluriannuels une fois le déménagement réalisé.
N’est-ce pas difficile de conserver la R & D en France ?
La France propose un environnement humain et financier exceptionnel pour la R & D de start-up. La pression sur les salaires des développeurs est telle aux États-Unis que toutes les entreprises sous-traitent la R & D à l’étranger, en Israël, en Inde ou ailleurs.
Les conditions proposées aux start-up en France sont particulièrement favorables : CIR, CII, JEI, TEPA… Mais il faut être français pour comprendre ces sigles et ces mécanismes. Et les conditions deviennent beaucoup moins compétitives quand l’entreprise grossit.
Comment survivre dans le milieu de la technologie aujourd’hui ?
J’aimerais bien le savoir ! Le marché est immédiatement mondial, avec 4 milliards de consommateurs assez facilement accessibles. C’est sans précédent dans l’histoire.
Stryng combine SMS, e‑mail et Messenger, avec l’appui de l’intelligence artificielle.
Simultanément, les cycles sont très rapides, une technologie prometteuse peut disparaître en quelques mois. Airbus conçoit des avions pour vingt ou trente ans. Nokia (ex-Alcatel) conçoit des technologies mobiles pour trois à cinq ans. Google modifie Chrome tous les mois.
Et dans le domaine de la vidéo ?
Il y a cinq ans, nous avions fait le choix prudent de ne pas aller sur les terrains battus de la vidéoconférence où se trouvaient déjà Microsoft (Skype), Google (Hangouts), Apple (FaceTime), Cisco (WebEx) et de nombreux autres.
Au même moment, un ingénieur de San Francisco lançait Zoom, en concurrence frontale contre ces différents acteurs. Zoom vaut aujourd’hui 1 milliard de dollars. Avons-nous été trop prudents ?
Videodesk a changé de nom il y a un an pour devenir Stryng. Pourquoi ?
Pour lancer un nouveau produit de messagerie client adapté aux nouveaux comportements des consommateurs et des vendeurs : mobiles, sur smartphones, combinant SMS, e‑mail et Messenger, avec l’appui de l’intelligence artificielle pour faciliter la vie de tous.
Pour l’anecdote, Stryng n’est pas en anglais une tenue dénudée, mais une référence à la corde (the string), le lien, la relation.
Qu’est-ce qui t’a poussé à quitter un grand groupe pour créer ta société ?
Une multitude de raisons. En vrac : la rage de voir l’entreprise où je travaillais perdre pied dans la compétition mondiale et promise à une concentration douloureuse.
L’ambition de créer un nouveau produit. L’espoir de gagner de l’argent.
Qu’est-ce que cela change dans ton quotidien ?
À Matignon, je voyageais en première. Chez Alcatel, en business. Maintenant je suis en économique… Plus sérieusement, l’émigration aux États-Unis est un choix profond, évident pour moi sur un plan professionnel, mais très engageant sur un plan personnel, pour moi comme pour ma femme et nos enfants.
Nous sommes impressionnés par la qualité des rencontres, des études, des opportunités, mais la France est un beau pays chaleureux qui nous manque.
Et si c’était à refaire ?
La joie de monter une équipe, de créer un produit et de gagner des clients est immense, c’est une drogue dont je ne me lasse pas. J’ai fait beaucoup d’erreurs.
J’aimerais croire que j’en ferai moins aux prochaines aventures, mais je n’en suis même pas bien sûr.