Gestion des risques et adaptation aux enjeux météo-climatiques en Nouvelle-Calédonie

Dossier : La météorologie partie 2Magazine N°748 Octobre 2019
Par Hugues RAVENEL (92)
Par Alain MARC

Expo­sée à des phé­no­mènes météo­ro­lo­giques extrêmes comme les cyclones ou la séche­resse, la Nou­velle-Calé­do­nie est « météo-sen­sible » : la per­for­mance de sec­teurs éco­no­miques calé­do­niens impor­tants dépend des condi­tions cli­ma­tiques (trans­ports aériens et mari­times, mines, tou­risme, agri­cul­ture…). La pré­vi­sion météo­ro­lo­gique et la connais­sance du cli­mat sont essen­tielles pour y pré­ser­ver la sécu­ri­té des per­sonnes et des biens ain­si que pour mettre en œuvre le déve­lop­pe­ment durable.

La loi orga­nique de 1999 rela­tive à la Nou­velle-Calé­do­nie pré­cise que la Nou­velle-Calé­do­nie est com­pé­tente en matière de météo­ro­lo­gie. Météo-France apporte son concours pour l’exercice de cette com­pé­tence grâce à la direc­tion inter­ré­gio­nale de Nou­velle-Calé­do­nie et de Wal­lis et Futu­na (DIRNC), dont le rôle est pré­ci­sé dans une conven­tion avec le gou­ver­ne­ment de la Nou­velle-Calé­do­nie. La DIRNC béné­fi­cie de moyens humains et finan­ciers de Météo-France et de la Nou­velle-Calé­do­nie et d’appuis tech­niques des direc­tions cen­trales de Météo-France. Compte tenu de la forte météo-sen­si­bi­li­té de la Nou­velle-Calé­do­nie, la DIRNC tra­vaille en étroite inter­ac­tion avec plu­sieurs enti­tés calé­do­niennes comme les direc­tions char­gées de la sécu­ri­té civile, de l’aviation civile, de l’agriculture, de l’eau et de la santé.


REPÈRES

La Nou­velle-Calé­do­nie est un ter­ri­toire fran­çais d’outre-mer situé à 17 000 km de la France. Sa popu­la­tion est de près de 270 000 habi­tants, sa super­fi­cie de 18 577 km2. Au plan mari­time, elle est entou­rée d’un lagon
de 24 000 km2 et est au centre d’une zone éco­no­mique exclu­sive de plus de 1,4 mil­lion de kilo­mètres car­rés. Le cli­mat y est de type tro­pi­cal chaud et humide avec des cyclones fré­quents et dévastateurs.


Contribuer à la sécurité des biens et des personnes

La pre­mière des mis­sions de la DIRNC, comme en métro­pole et dans tous les ter­ri­toires ultra­ma­rins, consiste à contri­buer à la sécu­ri­té des per­sonnes et des biens, en lien étroit avec la sécu­ri­té civile. Cette mis­sion est assu­rée par une veille per­ma­nente du temps, l’élaboration et la dif­fu­sion de pré­vi­sions ain­si que par l’étude et le sui­vi du cli­mat. Elle se tra­duit entre autres par la mise en œuvre des dis­po­si­tifs de vigi­lance météo­ro­lo­gique et Pré­vi­feu pour les feux de forêt ain­si que la par­ti­ci­pa­tion au sys­tème d’alerte cyclonique.

La double insu­la­ri­té du ter­ri­toire rend les pro­blé­ma­tiques aéro­nau­tiques très sen­sibles. L’assistance météo­ro­lo­gique à l’aéronautique se tra­duit par diverses pres­ta­tions telles que l’installation et la main­te­nance des sys­tèmes d’observation et la four­ni­ture d’observations et de pré­vi­sions météorologiques.

Aube sur la mine de Poro et le lagon. Éco­no­mie, éner­gie, mais aus­si envi­ron­ne­ment sont au cœur des déci­sions prises pour gérer de telles ins­tal­la­tions en lien avec les condi­tions et les pré­vi­sions météo­ro­lo­giques. © Ber­trand Poirier

Minimiser l’impact des cyclones

Compte tenu, entre autres, des infra­struc­tures de la Nou­velle-Calé­do­nie (usines métal­lur­giques, hôtels, hôpi­taux, routes…), les dégâts poten­tiels d’un cyclone pour­raient être de plu­sieurs mil­liards de francs Paci­fique (CFP, 1 euro vaut près de 120 francs Paci­fique). Le cyclone Pam qui a dévas­té le Vanua­tu en 2015 est pas­sé à quelques dizaines de kilo­mètres de la Nou­velle-Calé­do­nie. Des cyclones de moindre inten­si­té occa­sionnent aus­si des dégâts signi­fi­ca­tifs : en 2019, les effets du cyclone Oma ont don­né lieu à des indem­ni­tés pour les agri­cul­teurs à hau­teur de 323 mil­lions de francs Pacifique.

La météo­ro­lo­gie et la cli­ma­to­lo­gie per­mettent de mini­mi­ser les impacts des cyclones sur la Nou­velle-Calé­do­nie. Les pré­vi­sions de tra­jec­toires éclairent les auto­ri­tés qui peuvent déci­der des niveaux per­ti­nents d’alerte pour garan­tir la sécu­ri­té en inter­di­sant la cir­cu­la­tion lors du pas­sage du cyclone et mini­mi­ser la durée de l’arrêt des acti­vi­tés. Par ailleurs, grâce à la cli­ma­to­lo­gie des cyclones des qua­rante der­nières années, il a été pos­sible de mieux cer­ner le risque cyclo­nique pour mettre à jour les normes de construc­tion en Nou­velle-Calé­do­nie en pré­ci­sant la valeur de vent de réfé­rence pour les constructions.

Ain­si les citoyens, les entre­prises et les admi­nis­tra­tions peuvent se pré­pa­rer au mieux et prendre des mesures qui réduisent l’impact néga­tif des cyclones.

“Les dégâts potentiels d’un cyclone pourraient être
de plusieurs milliards de francs Pacifique”

Optimiser la gestion des mines

L’industrie du nickel, avec l’exploitation de nom­breuses mines sur la Grande Terre et trois usines métal­lur­giques de trans­for­ma­tion, est un des piliers essen­tiels de l’économie calé­do­nienne – de 5 à 10 % sui­vant les années et le cours du mine­rai. Ces acti­vi­tés sont sou­mises à une concur­rence inter­na­tio­nale féroce et dépendent des condi­tions cli­ma­tiques de plu­sieurs manières.

La pro­duc­ti­vi­té d’une mine dépend de la météo­ro­lo­gie. Elle est alté­rée signi­fi­ca­ti­ve­ment par les intem­pé­ries, même non excep­tion­nelles. Lorsque la pluie est trop intense, il n’est pas pos­sible de tra­vailler dans les mines. Les pré­vi­sions servent ain­si à opti­mi­ser la ges­tion des mines.

L’usine métal­lur­gique de Doniam­bo à Nou­méa dépend éga­le­ment étroi­te­ment des condi­tions atmo­sphé­riques. Le lien entre le fonc­tion­ne­ment de l’installation et la météo­ro­lo­gie est com­plexe, essen­tiel­le­ment lié à la consom­ma­tion élec­trique : il implique à la fois le taux de rem­plis­sage du bar­rage hydro­élec­trique de Yaté, la situa­tion météo (en par­ti­cu­lier le vent) et les enjeux de pol­lu­tion atmo­sphé­rique sur Nou­méa. Par vent d’est, il est pos­sible d’utiliser du fuel lourd, moins cher, dans la cen­trale élec­trique ali­men­tant l’usine – le vent pousse les par­ti­cules vers des zones non habi­tées. En l’absence de vent ou par vent d’ouest, il faut exploi­ter au maxi­mum l’hydroélectricité du bar­rage et uti­li­ser du fuel léger, plus cher, pour mini­mi­ser la pol­lu­tion de l’air.

Aider l’agriculture

La Nou­velle-Calé­do­nie sou­haite amé­lio­rer le taux de cou­ver­ture de ses besoins ali­men­taires. Cela passe par une agri­cul­ture per­for­mante, mais qui se révèle très sen­sible aux condi­tions météo­ro­lo­giques, avec une dépen­dance exa­cer­bée lors des séche­resses ou des inon­da­tions. En dehors de ces évé­ne­ments extrêmes, une meilleure connais­sance de la cli­ma­to­lo­gie et des pré­vi­sions sai­son­nières, en lien avec les varia­tions cli­ma­tiques majeures que connaît l’océan Paci­fique (notam­ment El Niño – oscil­la­tion aus­trale), peut per­mettre des choix plus per­ti­nents de culture. Les pré­vi­sions météo à quelques jours sont indis­pen­sables pour opti­mi­ser l’irrigation et les trai­te­ments phytosanitaires.

Dis­tri­bu­tion de sor­gho aux bovins pen­dant la séche­resse de 2004. La DIRNC fait régu­liè­re­ment des points sur les épi­sodes de séche­resse. © Jérôme Ugolini

Trois leviers d’action pour demain

Ces quelques exemples illus­trent com­bien l’économie calé­do­nienne dépend de la météo­ro­lo­gie et de la varia­bi­li­té cli­ma­tique. Comme pour tous les ter­ri­toires et les col­lec­ti­vi­tés, trois leviers d’action prin­ci­paux per­mettent de réduire la météo-sen­si­bi­li­té et d’améliorer la com­pé­ti­ti­vi­té éco­no­mique tout en pré­ser­vant l’environnement et des condi­tions de vie durables aux popu­la­tions : pri­mo, amé­lio­rer les ser­vices météo­ro­lo­giques et cli­ma­tiques ; secun­do, mieux prendre en compte, en amont des choix éco­no­miques ou poli­tiques, les carac­té­ris­tiques cli­ma­tiques locales ; enfin, édu­quer, com­mu­ni­quer et infor­mer sur les risques actuels et les évo­lu­tions cli­ma­tiques que connaî­tront les ter­ri­toires du Paci­fique Sud-Ouest.

Un atout déterminant

La DIRNC s’attache ain­si à aug­men­ter les inter­ac­tions entre les spé­cia­listes de météo et cli­mat, en lien avec les cher­cheurs de l’Institut de recherche pour le déve­lop­pe­ment (IRD), et les déci­deurs, auto­ri­tés et acteurs des sec­teurs météo-sen­sibles. C’est dans cet esprit que les Assises de la météo­ro­lo­gie ont été orga­ni­sées en 2016. Elles ont per­mis des pro­grès dans le sec­teur aérien et dans le domaine de l’eau, et accru la com­pré­hen­sion des enjeux des évo­lu­tions cli­ma­tiques en cours. En Nou­velle-Calé­do­nie aus­si, les enjeux com­bi­nés de l’eau, l’énergie, l’alimentation, sans même évo­quer de poten­tiels nou­veaux risques, sont un défi collectif.

L’action et le rôle de la DIRNC consti­tuent un atout déter­mi­nant pour le gou­ver­ne­ment de la Nou­velle-Calé­do­nie et plus par­ti­cu­liè­re­ment pour la conduite de poli­tiques publiques adap­tées. Le sou­tien et l’expertise de l’État, à tra­vers son éta­blis­se­ment public Météo-France, sont appré­ciés, et repré­sentent pour le ter­ri­toire un apport de très grande qualité.

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