Giesecke+Devrient : « Nouvelles technologies : la diversité à cœur ouvert »
Depuis sa sortie des Mines de Paris, Gabrielle Bugat a su relever des défis majeurs à l’international, dans le domaine de la sécurité digitale. Aujourd’hui, elle gère l’activité cartes et paiements digitaux de Giesecke+Devrient (G+D). Retour sur son parcours, et sur sa vision de la diversité.
Quelles ont été les étapes les plus structurantes de votre parcours ?
En 21 ans de carrière, je n’ai eu que deux employeurs : d’abord embauchée par Schlumberger, dans la division carte à puce devenue indépendante en 2004 puis cotée (Gemalto), j’ai ensuite rejoint G+D en 2017.
La culture Schlumberger est une référence en matière de management et de diversité, permettant à tout élément prometteur de rapidement gagner en expérience. Ainsi, dès 26 ans, j’ai obtenu mes premiers galons de manager, comme directrice technique en Amérique latine. Pour répondre à la forte demande du marché télécom, j’ai recruté nombre de jeunes ingénieurs, tout juste sortis des universités du Mexique, du Brésil, d’Argentine ou de Colombie. J’ai appris à composer avec leur créativité, puis à les accompagner dans leurs choix de carrière.
De retour en France, j’ai basculé vers une responsabilité P&L (“profit & loss”), avec la gestion du business « banque » sur l’Europe de l’ouest et l’Afrique, puis celle, mondiale, des services bancaires. Que nos pratiques en matière de paiement sont différentes, de la Chine aux Etats-Unis, du Nigéria à la Suède ! Ce constat m’a amenée à privilégier des équipes produits très diversifiées et multisites.
En 2017, j’ai rejoint G+D, acteur majeur du paiement tout-terrain : tous pays et tous formats, du billet à la carte, du mobile à la monnaie digitale. Cette paytech de 170 ans est une entreprise familiale allemande, spécialiste des technologies de la sécurité, diversifiée dans la connectivité, les identités et les infrastructures digitales.
J’y dirige aujourd’hui près de 4 000 collaborateurs, en poste dans une vingtaine de pays : à notre siège munichois où se prennent les décisions stratégiques d’investissement, sur nos nombreux sites industriels, dans nos centres de R&D, et au plus près de nos clients pour les commerciaux et les équipes d’intégration projet. Je suis également membre du Comex de Giesecke+Devrient.
Aujourd’hui, quelle est votre feuille de route ? Quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent dans le cadre de vos fonctions ?
Mon secteur d’activité est d’un incroyable intérêt ! On y côtoie banques pluri-centenaires, fintechs et géants mondiaux. On réinvente et on innove, tant dans les technologies que dans l’expérience utilisateur.
Dans ce contexte, Giesecke+Devrient doit rester un partenaire de confiance incontournable pour sécuriser les paiements : l’axe principal de notre feuille de route est le développement d’une offre adaptée aux nouveaux usages. En voici un aperçu.
Authentification et identification : la relation à la banque a bien changé, puisque 2 milliards de clients accèdent aux services bancaires en ligne et attendent une relation personnalisée à distance.
Protection des transactions : avec l’essor du e‑commerce, l’infrastructure de paiement par carte se renforce, grâce à la tokenisation et aux solutions 3DS (“3 Domain Secure”), protocoles de sécurité visant à prévenir la fraude dans les transactions en ligne.
Eco-responsabilité : il faut plus de développement durable, avec des cartes en plastique recyclé, en plastique des océans, des offres dématérialisées et une transparence carbone.
Lien émotionnel : 200 millions de consommateurs ont recours aux néo-banques sans agence physique, pour lesquelles la carte est devenu un marqueur essentiel et qui ont ouvert la voie à plus de design – cartes en métal, en céramique, avec effet 3D…
Phygital : physique ou digital, en magasin ou en ligne, avec une carte ou un mobile – ce n’est pas l´un ou l’autre, mais l’un et l’autre. Tout combiner est un défi d’intégration de système.
Giesecke+Devrient propose ces produits, ces solutions et ces projets au secteur bancaire, fournissant un service de proximité qui s’appuie sur un maillage industriel global.
Au quotidien, nous sommes confrontés aux pénuries (semi-conducteurs, papier…), aux vagues de Covid-19, à l’explosion des coûts, aux contraintes géopolitiques qui modifient nos chaînes d’approvisionnement, à la difficulté à pourvoir nos postes col bleu et col blanc. Nous gérons ces crises tout en construisant l’avenir, et j’encourage mes équipes à toujours plus de rapidité d’adaptation, de persévérance à se transformer en profondeur et d’humilité technologique.
Quel regard portez-vous sur la mixité dans votre secteur d’activité ?
Nos métiers sont très ouverts à la diversité – les banques ont d’ailleurs été précurseurs quant à la féminisation de leurs équipes. Nul doute que chacune peut s’épanouir professionnellement dans la tech. Regardez la variété des sujets qui m’occupent : logiciel, matériau, usine, management, il y en a pour tous les goûts et pour toutes les carrières. Au passage, quand tout évolue vite, la formation d’ingénieur généraliste à la française est une grande force, et une chance.
Pour continuer à innover de façon pertinente et efficace, je suis persuadée que diversité et intelligence collective sont nos meilleurs atouts : notre proposition est plus forte quand des équipes mixtes en genres, nationalités ou expériences collaborent dans une organisation fluide qui favorise les échanges et permet à chacun d’apporter sa touche personnelle.
Nous accueillons les ingénieures à bras ouverts. Étant à la croisée entre informatique et industrie, sur des métiers techniques, nous sommes confrontés aux problématiques bien connues des écoles d’ingénieurs : la difficulté à attirer les femmes. Continuons à déployer des efforts pour féminiser ces filières !
Comment les sujets de mixité, diversité et inclusion sont-ils appréhendés dans votre entreprise ?
La diversité est une ambition affichée de Giesecke+Devrient, traduite en objectifs et en mesures précises. Aujourd’hui nous comptons plus de 70 nationalités dans nos effectifs, à tous les niveaux de l’organisation – par exemple 7 dans ma première ligne. Un quart de nos managers sont des femmes, y compris sur des postes techniques, comme dans mes équipes : directrice projet Amériques, patronne R&D Asie ou cheffe monde de l’offre matériaux.
Nos programmes de développement de talents font ainsi la place belle aux femmes, aux internationaux et… aux jeunes.
En effet, la question de l’attractivité du secteur pour les jeunes générations et la capacité à attirer, mais également à fidéliser les talents de demain, se pose…
La diversité générationnelle, pour un leader de la tech, est indispensable pour réinventer outils et process et pour répondre aux nouvelles demandes, comme celles de payer des « skins dans le metaverse avec son avatar » ou de stocker des NFT (non-fungible token) sur support physique. Les nouvelles générations nous surprennent dans leur rapport au travail et à l’entreprise qui les emploie. Alors nous développons les possibilités de travail hybride, entre bureau et domicile. Nous permettons une rotation plus rapide entre deux missions techniques. Nous encourageons la mobilité fonctionnelle ou géographique, faisant confiance à la capacité d’apprentissage agile de nos collaborateurs. Nous présentons enfin une attention authentique à un modèle de développement équilibré, étant une entreprise familiale depuis 7 générations.
Et, pour conclure, un mot à adresser à nos lecteurs et lectrices ?
Je suis souvent amenée à témoigner qu’il est possible pour une femme de réussir une carrière internationale, et de s’épanouir sur le plan personnel – je suis mariée, j’ai deux enfants. J’assume avec un grand sourire d’être un « role-model ». Aussi conclurai-je simplement avec ce proverbe japonais : pour traverser la rivière, tu dois te mouiller ou construire un pont.