Portrait de Gilles Bloch par Laurent Simon

Gilles Bloch (X81), de l’X au Muséum en passant par la médecine

Dossier : TrajectoiresMagazine N°792 Février 2024
Par Jérôme BASTIANELLI (X90)

C’est à la pré­si­dence du MNHN qu’on trouve actuel­le­ment Gilles Bloch, mais quel par­cours pour en arri­ver là ! La varié­té des fonc­tions exer­cées et donc des com­pé­tences prou­vées donne le tour­nis. La pas­sion pour la recherche aura été le fil direc­teur de cette remar­quable carrière.

Gilles Bloch nous pré­vient d’emblée : depuis qu’en 2017, alors qu’il pré­si­dait l’Université Paris-Saclay, il n’a pas réus­si à inté­grer l’X dans le regrou­pe­ment fran­ci­lien d’établis­sements et de grandes écoles qu’il avait pour mis­sion de bâtir, il conserve avec la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne des rela­tions pru­dentes. Alors, écrire son por­trait dans La Jaune et la Rouge… On le ras­sure cepen­dant, il ne s’agit pas de rejouer la bataille d’Hernani qui a pu se dérou­ler dans les plaines de l’Essonne, mais bien de faire la connais­sance du tout nou­veau pré­sident du Muséum natio­nal d’Histoire natu­relle. Cela étant posé, la dis­cus­sion peut débu­ter, dans un enthou­siasme gourmand.

Polytechnicien…

Lorsqu’il était ado­les­cent, à Taver­ny, notre cama­rade se voyait méde­cin, et plus par­ti­cu­liè­re­ment neu­ro­chi­rur­gien, « pour tri­tu­rer les cer­veaux ». Mais la décou­verte de la phi­lo­so­phie, en ter­mi­nale, auprès d’un cha­ris­ma­tique pro­fes­seur, le fait hési­ter : pour­quoi ne pas enta­mer des études lit­té­raires ? Fina­le­ment, écou­tant plu­sieurs conseils conver­gents, le jeune homme entre en classes pré­pa­ra­toires… scien­ti­fiques, au lycée Saint-Louis, et intègre l’X en 1981.

Par goût pour la culture ger­ma­nique (un goût qui lui fait pla­cer, par exemple, Le Jeu des perles de verre, de Her­mann Hesse, au som­met de son pan­théon lit­té­raire), il effec­tue son ser­vice mili­taire dans un régi­ment d’infanterie basé en Alle­magne, à Vil­lin­gen. Mais, reve­nu à l’École, voi­là que l’appel d’Esculape le charme à nou­veau ; dès la deuxième année de sco­la­ri­té, il s’inscrit en paral­lèle à la facul­té de méde­cine et, à Palai­seau, il « se laisse flot­ter » pour avoir le temps de tra­vailler les cours d’anatomie aux­quels il ne peut pas tou­jours assister.

… et médecin

Le pro­verbe dit qu’à cou­rir deux lièvres on n’en attrape aucun, mais Gilles Bloch le fait men­tir, en réus­sis­sant à la fois ses études d’ingénieur et celles de méde­cin. Après l’X, il conti­nue d’ailleurs cette double vie, pré­pa­rant une thèse de bio­phy­sique molé­cu­laire paral­lè­le­ment à son par­cours de cara­bin. « Je jon­glais beau­coup d’un endroit à l’autre », avoue celui qui, aujourd’hui, conti­nue de cou­rir… mais par pas­sion pour le tennis.

Il renonce tou­te­fois à pré­pa­rer l’internat de méde­cine pour consa­crer davan­tage de temps aux tra­vaux de spec­tro­mé­trie RMN in vivo qu’André Syro­ta, alors chef du ser­vice hos­pi­ta­lier Fré­dé­ric-Joliot du CEA à Orsay, lui pro­pose de mener. Il y pas­se­ra dix années pas­sion­nantes (ponc­tuées d’un pas­sage à Yale, tou­jours pour y tra­vailler sur la spec­tro­mé­trie), avant de com­men­cer une autre car­rière : celle d’administrateur de la recherche.

“Participer à la diffusion de la culture scientifique.”

Du CEA à la présidence de Paris-Saclay

On le voit d’abord à la direc­tion des sciences du vivant du CEA, adjoint de Syro­ta, puis celui-ci, lui for­çant un peu la main, glisse son nom lorsque Clau­die Hai­gne­ré, nom­mée ministre en 2002, consti­tue son cabi­net. La spa­tio­naute le recrute et, auprès d’elle, il s’occupe notam­ment de la loi sur la bioé­thique, tra­vaille ensuite auprès de Fran­çois d’Aubert à la pré­fi­gu­ra­tion de l’Agence natio­nale de la recherche puis en prend, fort logi­que­ment, la direction. 

En 2006, se plai­gnant peut-être un peu trop vigou­reu­se­ment de ses dif­fi­cul­tés rela­tion­nelles avec son auto­ri­té de tutelle, le nou­veau ministre de la Recherche, Fran­çois Gou­lard, lui pro­pose… de venir diri­ger celle-ci, ce qu’il accepte, quit­tant donc l’ANR pour rejoindre la toute nou­velle direc­tion géné­rale de la recherche et de l’innovation.

Trois années passent, avant un retour au CEA, en 2009, comme direc­teur des sciences du vivant, puis l’aventure de la pré­si­dence de l’Université de Paris-Saclay cen­sée agglo­mé­rer dix-huit struc­tures plus ou moins moti­vées, une expé­rience que Gilles Bloch com­pare aujourd’hui à celle consis­tant à « faire paître un trou­peau de chats », mais on voit bien que, disant cela, l’actuel direc­teur de la ména­ge­rie du Jar­din des Plantes pense à des félins plus sau­vages, d’autant qu’il évoque pudi­que­ment des « tra­hi­sons » et autres « rela­tions difficiles ». 

L’Inserm et enfin le Muséum

Pour tour­ner cette page, il pré­sente sa can­di­da­ture à la pré­si­dence de l’Inserm, où il est nom­mé en 2019, mais là, c’est une autre dif­fi­cul­té de taille qui sur­git : l’épidémie de coro­na­vi­rus. On attend de son Ins­ti­tut qu’il trouve au plus vite un vac­cin miracle, l’ambiance tourne à « l’hystérie col­lec­tive », aux espoirs déçus, aux épreuves insur­mon­tables. Il en fera les frais, en n’étant pas rete­nu pour un second mandat.

Mais, après quelques mois à nou­veau pas­sés au CEA, un autre beau poste lui est pro­po­sé : pré­sident du Muséum. Ce man­dat cor­res­pond par­fai­te­ment à l’une de ses envies, celle de par­ti­ci­per à la dif­fu­sion de la culture scien­ti­fique, à un moment où les ques­tions envi­ron­ne­men­tales sus­citent les vives inquié­tudes que l’on sait. Reste que dans cette « belle bou­tique », comme il le dit lui-même, deux défis de taille l’attendent : gérer un patri­moine immo­bi­lier sen­si­ble­ment dégra­dé et orga­ni­ser le réfé­ren­ce­ment de mil­lions de spé­ci­mens conser­vés en réserves mais non inventoriés.

En quit­tant son bureau don­nant sur le Jar­din des Plantes, on jette un der­nier regard au beau meuble XVIIIe siècle qui, nous dit-il, appar­tint à Buf­fon. L’information nous conduit, sur le che­min du retour, à révi­ser nos connais­sances sur le natu­ra­liste des Lumières : on découvre qu’il avait com­men­cé des études de mathé­matiques et de phy­sique avant de s’intéresser à la méde­cine et à la botanique.

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