Gilles Bloch (X81), de l’X au Muséum en passant par la médecine
C’est à la présidence du MNHN qu’on trouve actuellement Gilles Bloch, mais quel parcours pour en arriver là ! La variété des fonctions exercées et donc des compétences prouvées donne le tournis. La passion pour la recherche aura été le fil directeur de cette remarquable carrière.
Gilles Bloch nous prévient d’emblée : depuis qu’en 2017, alors qu’il présidait l’Université Paris-Saclay, il n’a pas réussi à intégrer l’X dans le regroupement francilien d’établissements et de grandes écoles qu’il avait pour mission de bâtir, il conserve avec la communauté polytechnicienne des relations prudentes. Alors, écrire son portrait dans La Jaune et la Rouge… On le rassure cependant, il ne s’agit pas de rejouer la bataille d’Hernani qui a pu se dérouler dans les plaines de l’Essonne, mais bien de faire la connaissance du tout nouveau président du Muséum national d’Histoire naturelle. Cela étant posé, la discussion peut débuter, dans un enthousiasme gourmand.
Polytechnicien…
Lorsqu’il était adolescent, à Taverny, notre camarade se voyait médecin, et plus particulièrement neurochirurgien, « pour triturer les cerveaux ». Mais la découverte de la philosophie, en terminale, auprès d’un charismatique professeur, le fait hésiter : pourquoi ne pas entamer des études littéraires ? Finalement, écoutant plusieurs conseils convergents, le jeune homme entre en classes préparatoires… scientifiques, au lycée Saint-Louis, et intègre l’X en 1981.
Par goût pour la culture germanique (un goût qui lui fait placer, par exemple, Le Jeu des perles de verre, de Hermann Hesse, au sommet de son panthéon littéraire), il effectue son service militaire dans un régiment d’infanterie basé en Allemagne, à Villingen. Mais, revenu à l’École, voilà que l’appel d’Esculape le charme à nouveau ; dès la deuxième année de scolarité, il s’inscrit en parallèle à la faculté de médecine et, à Palaiseau, il « se laisse flotter » pour avoir le temps de travailler les cours d’anatomie auxquels il ne peut pas toujours assister.
… et médecin
Le proverbe dit qu’à courir deux lièvres on n’en attrape aucun, mais Gilles Bloch le fait mentir, en réussissant à la fois ses études d’ingénieur et celles de médecin. Après l’X, il continue d’ailleurs cette double vie, préparant une thèse de biophysique moléculaire parallèlement à son parcours de carabin. « Je jonglais beaucoup d’un endroit à l’autre », avoue celui qui, aujourd’hui, continue de courir… mais par passion pour le tennis.
Il renonce toutefois à préparer l’internat de médecine pour consacrer davantage de temps aux travaux de spectrométrie RMN in vivo qu’André Syrota, alors chef du service hospitalier Frédéric-Joliot du CEA à Orsay, lui propose de mener. Il y passera dix années passionnantes (ponctuées d’un passage à Yale, toujours pour y travailler sur la spectrométrie), avant de commencer une autre carrière : celle d’administrateur de la recherche.
“Participer à la diffusion de la culture scientifique.”
Du CEA à la présidence de Paris-Saclay
On le voit d’abord à la direction des sciences du vivant du CEA, adjoint de Syrota, puis celui-ci, lui forçant un peu la main, glisse son nom lorsque Claudie Haigneré, nommée ministre en 2002, constitue son cabinet. La spationaute le recrute et, auprès d’elle, il s’occupe notamment de la loi sur la bioéthique, travaille ensuite auprès de François d’Aubert à la préfiguration de l’Agence nationale de la recherche puis en prend, fort logiquement, la direction.
En 2006, se plaignant peut-être un peu trop vigoureusement de ses difficultés relationnelles avec son autorité de tutelle, le nouveau ministre de la Recherche, François Goulard, lui propose… de venir diriger celle-ci, ce qu’il accepte, quittant donc l’ANR pour rejoindre la toute nouvelle direction générale de la recherche et de l’innovation.
Trois années passent, avant un retour au CEA, en 2009, comme directeur des sciences du vivant, puis l’aventure de la présidence de l’Université de Paris-Saclay censée agglomérer dix-huit structures plus ou moins motivées, une expérience que Gilles Bloch compare aujourd’hui à celle consistant à « faire paître un troupeau de chats », mais on voit bien que, disant cela, l’actuel directeur de la ménagerie du Jardin des Plantes pense à des félins plus sauvages, d’autant qu’il évoque pudiquement des « trahisons » et autres « relations difficiles ».
L’Inserm et enfin le Muséum
Pour tourner cette page, il présente sa candidature à la présidence de l’Inserm, où il est nommé en 2019, mais là, c’est une autre difficulté de taille qui surgit : l’épidémie de coronavirus. On attend de son Institut qu’il trouve au plus vite un vaccin miracle, l’ambiance tourne à « l’hystérie collective », aux espoirs déçus, aux épreuves insurmontables. Il en fera les frais, en n’étant pas retenu pour un second mandat.
Mais, après quelques mois à nouveau passés au CEA, un autre beau poste lui est proposé : président du Muséum. Ce mandat correspond parfaitement à l’une de ses envies, celle de participer à la diffusion de la culture scientifique, à un moment où les questions environnementales suscitent les vives inquiétudes que l’on sait. Reste que dans cette « belle boutique », comme il le dit lui-même, deux défis de taille l’attendent : gérer un patrimoine immobilier sensiblement dégradé et organiser le référencement de millions de spécimens conservés en réserves mais non inventoriés.
En quittant son bureau donnant sur le Jardin des Plantes, on jette un dernier regard au beau meuble XVIIIe siècle qui, nous dit-il, appartint à Buffon. L’information nous conduit, sur le chemin du retour, à réviser nos connaissances sur le naturaliste des Lumières : on découvre qu’il avait commencé des études de mathématiques et de physique avant de s’intéresser à la médecine et à la botanique.