Giuseppe VERDI : Macbeth
Les soirées du Met sont toujours de très bonne qualité, naturellement. Et on y trouve régulièrement des grandes stars, et, même si cela peut paraître trop conformiste à certains, des décors somptueux et des mises en scènes intéressantes et fidèles à l’œuvre, contrairement à Paris trop souvent.
Mais cette soirée au Metropolitan Opera de New York est vraiment exceptionnelle, comme si plusieurs bonnes fées s’étaient penchées dessus.
Macbeth (1847) est le plus réussi des seize opéras de Verdi qui ont précédé Rigoletto (1851), cette période qu’il appelait ses années de galère.
Le drame shakespearien absolu lui a inspiré une musique riche, variée, dramatique, colorée, inventive, magnifique.
Pour sa première de ses trois adaptations de Shakespeare (son projet du Roi Lear ne verra jamais le jour), il s’est attaché à travailler musicalement la personnalité de tous les principaux personnages, Macbeth et sa Lady bien sûr, mais aussi Banquo, Macduff, Malcolm, et le groupe des sorcières.
Et tout le Verdi de la maturité est là, avec son style, ses tournures reconnaissables, sa science du chant et le dramatisme de la musique qui transforme littéralement l’héritage de Bellini et Donizetti.
On reconnaît même l’esquisse du Lacrymosa du Requiem, de trente ans postérieur, dans le chœur qui pleure avec MacDuff ses enfants assassinés.
La reine de la soirée est la soprano russe Anna Netrebko, toujours formidable mais, ce soir-là, étourdissante. Avec une voix expressive, agile mais en même temps chaude, émouvante et envoûtante, elle fait de Lady Macbeth le personnage dont on souhaite qu’il revienne le plus souvent alors qu’il est le plus odieux.
À force de dire régulièrement du bien de Netrebko, je vais être accusé de subjectivité. Alors je persiste et signe, je prédis qu’on parlera dans cinquante ans de Netrebko comme on parle aujourd’hui de Callas, et que les amateurs et connaisseurs se commenteront ses enregistrements et ses représentations filmées avec la même passion.
Voyez son air où elle lit la lettre de la prédiction des sorcières et où elle décide avec ambition de provoquer le régicide, et osez soutenir que vous résistez à l’élan qu’elle suscite d’aller assassiner le roi d’Écosse ! Et quand elle demande la tête de Banquo lors de son troisième air, incroyable. On est à la fois amoureux et effrayé par cette Lady, comme l’est Macbeth.
Ses partenaires sont également parfaits, dont le très beau ténor Calleja en Macduff, le rôle qui l’a lancé, et René Pape en Banquo, qu’il chante depuis plus de vingt-cinq ans, distribution luxueuse d’avoir une basse de cette classe pour un rôle qui meurt au bout d’une heure et seulement deux airs.
Et les chœurs du Met sont très marquants, très sollicités car ils représentent les sorcières, les assassins de Banquo, les soldats puis les courtisans du roi, le peuple qui pleure les méfaits de Macbeth et les troupes de Macduff.
Ce spectacle est aussi le succès incontestable du chef d’orchestre Fabio Luisi, nouveau chef du Met après avoir succédé au grand James Levine qui a dû, empêché par la maladie, abandonner son fauteuil après quarante ans à la tête du Met et plus de 2 500 représentations.
Mise en scène, on l’a dit, intéressante et fidèle, même si elle est transposée dans le temps et l’espace. Le metteur en scène n’a par exemple pas résisté, comme nous sommes à New York, à représenter les sorcières comme des ménagères possédées, rappelant les sorcières de Salem. Très bien filmé et enregistré, c’est un de mes plus beaux DVD d’opéra.