Giuseppe VERDI : Simon Boccanegra
Simon Boccanegra est un opéra trop méconnu de la maturité de Verdi. Après I due Foscari, un opéra de jeunesse qui mettait en scène une dynastie de doges de Venise, Simon Boccanegra raconte le règne du premier doge de Gênes, au XIVe siècle.
Ancien corsaire, ce doge devra composer avec les représentants de la plèbe et les patriciens (soutenant les guelfes contre les gibelins, plutôt soutenus par les plébéiens). Un opéra plein de complot, de guerre de succession, d’empoisonnement et d’enfants cachés. Et un opéra réellement historique, avec des personnages ayant vraiment existé, dont Gabriele Adorno qui succédera à Simon sur le trône de Gênes, pour sept ans, et la famille Grimaldi qui élève la fille du doge, famille partisane des guelfes, et déjà à l’époque une des plus importantes de la côte méditerranéenne.
La distribution est réellement très bonne, avec la fille de Simon jouée par la grande soprano allemande Anja Harteros, et Fiesco le guelfe leader des patriciens chanté par Ferruccio Furlanetto.
Mais le prix de cette production vient du rôle-titre joué par Placido Domingo, après une longue interruption pour une grave opération, et l’extraordinaire direction de Daniel Barenboïm.
Placido Domingo aura été un des tout premiers ténors de ces cinquante dernières années. Avec plus de 100 rôles de ténor à son répertoire, il a récemment décidé, sa voix brunissant, de chanter régulièrement le rôle plus grave de baryton de Simon Boccanegra.
Et la réussite est totale, car l’éclat et le brillant de sa voix sont toujours là, mais désormais pour faire rayonner la chaude tessiture du baryton verdien. On a entendu dans ce rôle de grands barytons à la voix émouvante (dont notamment Thomas Hampson à Vienne), mais aucun dont la voix sombre était paradoxalement aussi lumineuse.
Le croisement d’une voix de baryton et du timbre, ici si reconnaissable, du ténor. On adore.
Le chef Daniel Barenboïm est pour beaucoup, lui aussi, dans le succès de cette production de 2010 que l’on a bien fait d’éditer (c’est le second DVD disponible de Simon Boccanegra avec Domingo). On entend parfaitement l’orchestre, très bien enregistré, et restitué (notamment grâce au codage 24 bits en Blu-Ray), dirigé debout (contrairement à ses Wagner) par le pianiste-chef israélien.
Cet orchestre, dont tous les vents, cuivres et bois, sont irréprochables, nous fait espérer retrouver un jour une telle qualité dans nos opéras parisiens.
Écoutez par exemple la finesse des cordes et des bois lors de l’ouverture de l’acte I, figurant les vingt-cinq ans qui viennent de se passer depuis le prologue.
Cet opéra mérite vraiment d’être mieux connu. Des airs magnifiques, des mouvements de foules (émeutes, rivalités au Conseil entre patriciens et plébéiens), un prologue monumental entièrement avec des voix graves de barytons et de basses, la seule femme présente étant morte, ce que l’on réalise après vingt minutes d’opéra.
Et voici la meilleure façon de découvrir cet opéra.