Giuseppe VERDI : Un bal masqué
L’Opéra de Leipzig a la chance d’avoir dans sa fosse un des meilleurs orchestres du monde, l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, souvent vanté ici, au même titre que les grands orchestres européens d’Amsterdam, de Dresde, de Berlin et de Vienne.
Dirigé depuis cette année-là par Riccardo Chailly (après seize ans passés à la tête du fameux Concertgebouw d’Amsterdam), l’orchestre illumine cette captation de 2005 du Bal masqué de Verdi.
D’une façon générale ce DVD est superbement enregistré, l’orchestre sonne magnifiquement, et les chœurs et les voix ont également une présence très naturelle.
Adaptant un livret qu’Eugène Scribe avait écrit pour Auber (Gustave III ou le Bal masqué, rarement représenté ; nous avons en tête la production courageuse à Compiègne du regretté Pierre Jourdan), le librettiste de Verdi transpose l’action sur la Côte Est américaine. Cette histoire de roi assassiné a ainsi mieux passé les fourches de la censure, délocalisée outre-Atlantique.
L’intrigue du Bal masqué regroupe beaucoup des stéréotypes de l’opéra italien de l’époque : complot et meurtre, roi séducteur, amour contrarié, sorcières. Le scandale de ce gouverneur de Boston mêlant vie publique et vie privée a dû faire lui aussi les choux gras de la presse people de l’époque.
Le mari à qui on dérobe l’épouse est le baryton verdien par excellence, l’amante Amelia (comme dans Simon Boccanegra deux ans avant) la soprano verdienne typique, magnifiquement émouvante dans l’air où elle propose de mourir. Et le dirigeant politique séducteur, comme le duc de Mantoue de Rigoletto, caractéristique ténor verdien comme lui.
Un bal masqué (1859) fait partie des opéras de la maturité de Verdi, qui, après de nombreux opéras de jeunesse composés pendant ses « années de galère », trouva son style à l’occasion de la « trilogie populaire » composée de La Traviata, Rigoletto et Le Trouvère. Après ces trois opéras, nous n’avons que des chefs‑d’œuvre, dont Simon Boccanegra, Un bal masqué, Don Carlos, Aida, avant les prophétiques Otello et Falstaff.
Le style est moins prévisible, plus libéré. On assiste là sous nos yeux à la transition entre le bel canto et le vérisme.
Cet opéra a d’ailleurs été un succès public, le premier à l’occasion duquel les partisans de Verdi ont scandé « Viva V.E.R.D.I. », le cri de ralliement de l’unification italienne sous le leadership de Vittorio Emanuele Re D’Italia.
Musicalement c’est magnifique. Quel orchestre, quel chœur ! Tous les ensembles, duos, trios, finales, sont parfaitement réglés. Les chanteurs, principalement italiens, sont idéaux. La direction de Chailly est très souple, rendant l’accompagnement orchestral très intéressant, alors que l’accompagnement peut parfois être très stéréotypé dans le bel canto, et même caricatural dans le Verdi plus jeune.
La mise en scène et les décors, modernes mais pas déplacés, participent à faire de cette production une réussite. L’image, surtout de cette qualité, est indispensable pour profiter d’un tel opéra.
En Haute Définition, on se croit bien assis à l’Opéra, pour ce qui a été un spectacle d’une qualité musicale difficilement envisageable à Paris.