Grande mission pour petit cabinet
Un petit cabinet sait d’abord écouter et comprendre, conditions essentielles pour créer la confiance. Celle-ci obtenue, les meilleurs atouts d’une petite structure s’appellent pragmatisme, disponibilité et aisance à se mouvoir dans des milieux de cultures différentes.
Comme toute PME, notre cabinet de conseil intervient dans un marché concurrentiel, face à des concurrents bien plus grands et reconnus. La différenciation de l’offre est cruciale. Pour notre part, elle prend ses sources dans les origines de la société et de notre aventure entrepreneuriale. Une mission réalisée récemment permet d’illustrer un positionnement où les qualités humaines des consultants permettent de compenser une notoriété et une capacité financière moindres.
Jean-Noël LEFEBVRE a créé Faber Consultants (Faber Consultants LLNR Conseil.) en 2000 avec quelques autres professionnels issus des « Big 5 ». Ils interviennent pour de grands groupes des secteurs industriels et des services sur des missions de réorganisation et de refonte des systèmes d’information.
Auparavant il a été consultant, senior consultant puis manager chez Peat Marwick Consultants et a réalisé de multiples missions dans l’industrie (aéronautique, automobile, hautes technologies, ingénierie) et les services sur des problématiques de gestion de projets et de développement de nouveaux produits.
Il est président fondateur d’Intermines-Asie qu’il a fondé en 1996 et administrateur de l’Association amicale des anciens élèves des Mines de Paris depuis 2002.
Écouter et comprendre
Le client est en l’occurrence leader mondial sur des biens de grande consommation et des équipements industriels. Une logique de course à la taille et aux parts de marchés a conduit à de multiples acquisitions puis à une situation financière critique. Sur le terrain, réorganisations, fermetures de sites et modes d’organisation contradictoires démoralisent les collaborateurs et déboussolent les clients.
Appelés à la rescousse, plusieurs grands cabinets interviennent. Dans un environnement très incertain, des projets phares portant sur les achats et la mise en place d’un centre de services partagés dérivent dangereusement vers un fonctionnement en autarcie, avant de tourner court faute d’avoir mobilisé les opérationnels, harmonisé les modes de fonctionnement et produit les gains promis. Un nouveau round de restructuration commence..
C’est dans ce contexte inquiétant qu’un consultant indépendant et ancien collègue nous appelle pour aider son client, directeur des systèmes d’information (DSI) Europe, à mettre sous contrôle une multitude de projets menés dans quatorze pays en Europe. Face à nous, des cabinets bien connus dans la gestion de projets. Par simple effet de taille, ils affichent d’impressionnantes listes de références contre lesquelles nous ne pouvons raisonnablement lutter de manière frontale.
Mon confrère et une conversation téléphonique ont permis de qualifier notre offre et d’obtenir un rendez-vous. Mon objectif n’est pas de faire une belle présentation et de prêcher la bonne parole. Je suis là pour écouter, comprendre et initier une relation de travail.
Assez rapidement, je sens que mon client est réceptif à cette approche. L’entretien se transforme en réunion de cadrage : nous échangeons sur les détails concrets de la mise en place d’une gestion de projet pour l’Europe.
Faire acheter plutôt que vendre
Notre proposition est un compte rendu de cette réunion qui détaille les prochaines étapes mais aussi les modalités pratiques : charge prévisionnelle (la nôtre et celle de l’équipe cliente) et budget.
Mes concurrents ont de leur côté mis en avant des discours commerciaux très packagés.
De notre côté au contraire, nous axons notre offre sur la compréhension du contexte, la personnalisation de la démarche et la qualité de nos profils.
Le client hésite puis nous sélectionne rapidement.
Le fait que nous ayons travaillé chez les » grands » du conseil il y a quelques années a indéniablement contribué à la décision en notre faveur : il rassure sur la qualité technique de notre travail.
Comme me le confiait récemment un client, la plupart des problèmes qu’il a à résoudre ne sont pas techniques (ses équipes le font généralement bien) mais surtout liés à l’organisation et au management.
De ce point de vue, une petite structure, synonyme de réactivité et d’esprit d’entreprise ainsi que la certitude de travailler avec la même personne que celle vue en rendez-vous commercial sont des atouts. Nous gagnons ainsi le marché sans pour autant avoir été les moins chers.
Bâtir la confiance
Les premiers jours de mission sont clés pour renforcer notre client dans son choix : il trouve nos livrables clairs et bien présentés. La forme (90 % d’un message) vient souligner le fond (10%) : une approche bureaucratique de la gestion de projets est totalement inadaptée.
Dicter les changements, privilégier les connaissances externes, transformer le benchmarking en « pourquoi n’êtes-vous pas aussi bons que vos collègues », tirer les changements par la logique… sont en effet autant de moyens d’aboutir à un rejet.
Révéler les bonnes idées, amplifier l’expérience interne par l’expertise externe, tirer le changement par l’action et la formation sont nos leviers pour intégrer l’autoréplication dans le projet et faciliter le changement de culture.
Au jour le jour, nous accompagnons les chefs de projet sur les projets critiques. Notre confrère indépendant travaille ainsi à nos côtés sur un projet de système d’information des ressources humaines.
Premiers choix et premiers résultats : le DSI Europe réussit à regrouper des projets en incitant les directions opérationnelles à commencer l’harmonisation de leurs procédures. Cela n’a guère été fait au cours des années d’acquisitions. C’est désormais indispensable pour atteindre l’objectif de réduction de coûts informatiques (25 % sur trois ans) assigné par la direction générale.
Partager un même pragmatisme
Les mois qui suivent voient un renforcement de notre rôle, notamment pour défendre auprès de l’état-major américain les projets menés en Europe. Un jour un nouveau directeur des systèmes d’information Monde est fourni par intérim par un cabinet américain spécialisé dans les restructurations. Il trouve dans un premier temps suspecte la complexité qu’il découvre en Europe.
Les choses prennent initialement mauvaise tournure pour notre client DSI Europe.
Il organise un rendez-vous avec son chef : à charge pour nous d’expliquer l’historique, ses conséquences et de montrer où nous allons. Le stress est perceptible.
L’entretien se passe très bien : nous partageons le même pragmatisme que le DSI Monde. Mieux, il nous demande de mettre en place un « Program Management Office » (PMO) mondial.
Une tâche en entraînant une autre, nous devenons ses hommes de confiance à lui aussi.
Passer au coaching opérationnel
Si notre périmètre évolue c’est que nous transférons progressivement nos rôles et responsabilités à des opérationnels. Le PMO Monde est transmis avec succès à un cadre basé à Chicago. Nous lui donnons les clés des procédures et de l’outil mis en oeuvre, puis inlassablement nous répondons à ses questions et interrogations parfois tardives : les 7 heures de décalage horaire sont un élément de management à ne pas négliger.
À la même époque, le DSI Europe nous demande de participer puis d’animer la refonte des processus vente, logistique et service après vente sur la moitié de l’activité du groupe en Europe. Les enjeux sont de taille ; les opérationnels assignés au projet en sont parfaitement conscients.
Là encore, nous formons aux techniques de base de l’analyse des processus et allons ensemble sur des sites un peu partout en Europe pour comprendre ce qui se passe réellement et identifier des solutions correctives à court et moyen terme. Notre rôle évolue de consultant animateur à consultant coach ; nous ne participons qu’aux réunions où notre présence est indispensable.
Les opérationnels de l’équipe projet s’approprient ainsi pleinement et présentent eux-mêmes les plans d’actions à court terme (changements de transporteurs, développements informatiques, formations…) et les » business cases » pour promouvoir des changements de plus grande envergure.
Nous sommes bien loin du consultant vendant de la méthodologie générique, disponible dans n’importe quel livre de référence du domaine. Un responsable logistique me remercie très chaleureusement pour mon soutien sans faille et me déclare n’avoir jamais vu de consultants aussi bien intégrés dans une entreprise, tout en ayant conservé leur » mordant « .
Le coaching ne se limite pas aux opérationnels : notre client DSI Europe nous trouve décidément bien têtus, pour nous gratifier aussitôt d’un large sourire…
S’adapter à un nouveau management
La restructuration de l’entreprise se poursuit, amenant un nouveau Directeur financier, qui recrute bientôt un nouveau DSI Monde. Ce dernier ne s’entend guère avec le DSI Europe. La rupture devient inévitable ; le DSI Europe démissionne.
Sur la recommandation de son ex DSI Europe, le DSI Monde décide néanmoins de continuer de travailler avec nous pour accompagner de profondes modifications dans l’organisation de l’informatique : certaines fonctions deviennent mondiales de même que les serveurs informatiques désormais tous regroupés dans un « data center » unique.
Asseoir une crédibilité internationale
Jusqu’ici, un facteur clé de notre succès en Europe a tenu à notre aisance à intervenir dans des cultures très différentes (anglo-saxonnes, allemandes, latines, nordiques…). Personnellement, me voilà maintenant « challengé » à manager une petite équipe basée dans le Sud-Est des États-Unis. Au même moment, la guerre en Irak fait rage. J’évite avec succès les travers du français théoricien et arrogant et me fais reconnaître comme un interlocuteur fiable.
Par rapport au début de la mission, notre périmètre a été multiplié par 4 ou 5 et je fais connaissance de nouveaux collègues. Pour ceux qui ont également des rôles mondiaux, je les aide à comprendre la situation en Europe et à y intervenir efficacement. Chacun anime un comité de sélection et de pilotage des projets. Certains membres sont communs ; les liens entre la logistique et le commercial sont particulièrement étroits. C’est notamment le cas avec le RFID (Radio Frequency IDentification) qu’exigent les clients majeurs que sont Walmart et le DoD (Department of Defense).
Mon équipe se renforce d’un de mes consultants afin de mener à bien la spécification des besoins en Europe et en Amérique du Nord et les appels d’offres auprès des éditeurs de solutions de CRM (Customer Relation Management). Notre client s’oriente vers des systèmes vendus en ASP (Application Service Provider) pour lesquels un abonnement est dû par utilisateur et par mois.
La raison de ce choix est de tirer partie d’un coût variable que l’on fait croître au fur et à mesure que l’on convainc les opérationnels plutôt que de faire le pari d’un investissement lourd auquel tout le monde est censé adhérer dès le début. Le maître mot de notre action n’a pas changé : « convaincre par l’exemple ».
L’étendre sur les grands projets
En parallèle, j’ai travaillé avec le DSI Monde sur le schéma directeur à cinq ans des systèmes d’information. La situation de l’entreprise s’améliorant, nous envisageons de remplacer le système d’information en Europe : il ne paraît pas raisonnable de continuer avec trente environnements dans un ERP (Enterprise Resource Planning) vieillissant pour ne pas dire obsolète.
Les coûts de maintenance ont explosé à mesure que se sont rajoutés couche après couche des développements spécifiques et autres programmes correctifs. Ce phénomène s’accompagne d’une perte des connaissances due aux départs à la retraite de quelques développeurs et à une documentation insuffisante de la configuration technique.
Nous en arrivons à envisager avec le client le remplacement complet de cet ensemble. Il est temps de répondre efficacement aux nouvelles demandes du marché, d’unifier et d’accélérer les processus de l’entreprise. Nous sommes à l’extrême limite de ce que peut accomplir une politique de petits pas. Seul un changement radical peut amener des résultats durables.
Dans ce contexte, je participe activement à la définition des business cases. Ce qui est important c’est la motivation et la mobilisation des directeurs opérationnels. Nous obtenons qu’ils s’engagent sur leurs chiffres et leurs objectifs pour ce projet. En parallèle, nous menons ensemble avec le DSI la consultation des principaux éditeurs d’ERP.
Nous nous positionnons sur l’analyse des besoins fonctionnels et de l’assistance maîtrise d’ouvrage, rôle que nous jouons chez d’autres clients avec succès.
Savoir rester disponible
Un remaniement a lieu au niveau de la Direction générale et le projet d’ERP est mis en pause jusqu’à l’arrivée d’un nouveau président-directeur général. Ce dernier décide finalement de le reporter.
Tout au long de cette mission, nous avons fait apprécier à notre client les atouts traditionnels des petites structures : réactivité, compréhension fine du contexte et des enjeux, personnalisation de la prestation, bref une volonté farouche de réussir car pour nous chaque mission est très importante.
Nous avons aussi su développer quelques spécificités propres, généralement réservées aux grandes firmes : capacité d’agir à l’international, prise en compte de processus dans leur globalité.
Enfin, nous avons su gérer notre disponibilité pour suivre les demandes de notre client chaque fois que c’était nécessaire. Ce dernier point est délicat à piloter en interne mais capital pour obtenir durablement la confiance de grands clients
Tous nos contacts chez ce client sont de véritables références, qui nous permettent, lettres de recommandation à l’appui, de convaincre avec succès de notre capacité à intervenir sur ce type de projets.
Le marché est manifestement favorable à cette approche. Les grands clients ont de moins en moins besoin de méthodologie ; ils l’ont en interne. Ils cherchent autre chose chez leurs consultants. Notre ambition est de les satisfaire.