Grandes infrastructures : quelles perspectives ?
UN ENVIRONNEMENT FINANCIER ET JURIDIQUE FAVORABLE
Il est couramment admis que les conditions de financement des projets d’infrastructures sont aujourd’hui favorables ou tout au moins qu’elles ne constituent pas un frein à la réalisation des projets.
La faiblesse des taux, tout comme la multiplication des acteurs du financement ainsi que l’abondance et la variété des sources de financement et de refinancement, constituent des facteurs positifs en vue de l’éclosion de projets d’infrastructures.
Sur le plan juridique, les outils sont également disponibles. La réforme du droit de la commande publique, entrée en vigueur le 1er avril 2016, traduit plusieurs évolutions significatives qui actent une certaine maturité du marché des projets publics à (pré)financement privé, maturité qui se traduit par une simplification du droit, une souplesse accrue et, plus généralement, un réalisme louable du législateur :
- La réforme de la commande publique a permis de simplifier le cadre juridique des projets publics : deux séries de textes permettent désormais de couvrir la plupart des projets d’investissements publics préfinancés par le secteur privé.
D’un côté, l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, dont la deuxième partie est consacrée aux marchés de partenariat, et son décret d’application1 ;
de l’autre, l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, complétée par le décret du 1er février 20162.
- Ce nouveau cadre juridique permet d’offrir davantage de souplesse dans le choix de la figure contractuelle destinée à porter un projet d’infrastructure. Deux exemples à ce titre :
- le recours aux marchés de partenariat a été « libéralisé » et, en quelque sorte, il se banalise – à la condition toutefois que le « bilan coûts/avantages » en soit favorable et que le montant du projet soit supérieur à certains seuils3 ;
- l’objet des contrats est dorénavant plus flexible : un marché de partenariat peut porter, entre autres, sur une mission de service public4 ; parallèlement, l’autre grand type de contrat utilisé pour la réalisation d’infrastructures préfinancées par le secteur privé, la délégation de service public (elle même issue du modèle de la concession), s’est transformée puisque la concession n’est plus systématiquement synonyme d’externalisation d’une mission de service public5.
- Enfin, le législateur a, sur plusieurs sujets sensibles, fait preuve d’un réalisme le plus souvent bienvenu :
- La réforme de la commande publique a permis de traiter dans la loi les conséquences d’une annulation juridictionnelle d’un contrat (concession ou marché de partenariat) ; il s’agit là d’un sujet certes technique, mais qui revêt une très grande importance pour les bailleurs de fonds ;
- le régime des avenants dans les concessions a été explicité : le décret du 1er février 2016, applicable sur ce point aux contrats en cours, permet de clarifier les conditions dans lesquelles des avenants peuvent être conclus sans mise en concurrence préalable ;
- de manière plus symbolique, la loi autorise expressément les personnes publiques à prendre une participation minoritaire au capital d’une société de projet titulaire d’un marché de partenariat. L’efficacité d’un tel mécanisme pourrait cependant être assez faible, les projets d’infrastructures étant financés en très grande partie par de la dette, et non par des fonds propres. Il reste que la reconnaissance de cet outil financier peut permettre d’offrir le cadre d’un partenariat plus abouti entre cocontractants public et privé et contribuer à favoriser l’éclosion de certains projets.
LES PROJETS LOCAUX ET INTERNATIONAUX : SEULES PISTES D’AVENIR ?
Force est pourtant de constater que, en pratique, les nouveaux projets, en particulier ceux relevant de la compétence de l’État, se font rares : la vague des grands projets étatiques lancés au début du millénaire (GSM‑R, Balard, LGV SEA, contournement Nîmes-Montpellier, prisons…) est bien passée.
De plus, les contraintes budgétaires pesant sur les personnes publiques sont toujours aussi fortes et les besoins d’équipements d’envergure nationale peut-être moins criants. La période d’élections nationales n’est pas non plus la plus propice à la mobilisation de l’État dans ce domaine.
Il reste pourtant possible de dessiner quelques perspectives plus encourageantes pour les acteurs du marché des infrastructures :
- Les projets locaux : si l’État investit moins, les besoins des administrés demeurent et les collectivités territoriales se doivent donc de réaliser les investissements correspondants, qui apparaissent également comme de forts vecteurs de développement économique local. A l’heure actuelle, les projets locaux sont, parmi les nouveaux projets, les plus nombreux et cette tendance devrait, sauf exception, se poursuivre.
De ce point de vue, plusieurs secteurs paraissent appelés à connaître une activité croissante : les réseaux de fibre optique, dont plusieurs projets sont en passe d’être lancés, le secteur de l’efficacité énergétique et de la valorisation des patrimoines publics, et les équipements de loisirs (y compris (i) en mobilisant de manière plus constructive les actifs fonciers publics, de manière à diminuer la charge des projets sur les finances publiques, et (ii) en mettant en place des mécanismes plus fins de répartition des risques, y compris côté privé).
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EN BREF
Le bureau parisien de Watson Farley & Williams exerce une activité dédiée dans les secteurs suivants : infrastructures et énergie, transports (maritime, aviation et ferroviaire), ressources naturelles, immobilier et télécommunications.
L’équipe intervient sur des opérations domestiques ou internationales, de financement d’actifs et de projets d’acquisition et de cession, de joint ventures, de développement de projets, de marchés de capitaux et de restructuration.
Elle est composée d’experts spécialisés en droit et contrats publics, financement, fiscalité, règlementation et régulation, droit immobilier, droit des sociétés, arbitrage et contentieux.
Les avocats du bureau de Paris rassemblent des compétences tant en droit français qu’en droit anglais et disposent d’une bonne connaissance de l’Afrique francophone et des règles de l’OHADA.
La restructuration de projets : de nombreux projets arrivent aujourd’hui en phase d’exploitation ou sont exploités depuis quelques années. Les conditions de financement étant favorables, on peut imaginer que des cessions de participations au capital de sociétés de projet (telles que celle concernant aujourd’hui la société concessionnaire de l’autoroute A 63) tout comme des opérations de refinancement de projets devraient être plus nombreuses ; la clôture du refinancement du projet Balard pourrait ainsi donner le signal du refinancement de plusieurs autres projets publics, nationaux ou locaux (prison de la Santé, contournement de Troissereux, autoroutes…).
- Le secteur de l’énergie paraît offrir des perspectives favorables : le récent rachat de Coriance traduit, dans le secteur des réseaux de chaleur, l’appétit de nouveaux acteurs pour des actifs pérennes, mais qui peuvent également être modernisés ou restructurés.
De même, la stabilisation du régime du renouvellement des concessions hydroélectriques devrait aboutir à plusieurs mises en concurrence, à une échéance peut-être plus lointaine compte tenu de la complexité de ce secteur, mais en sachant toutefois que l’Etat a cherché à organiser, grâce à un mécanisme de droit d’entrée, la neutralité budgétaire du renouvellement des concessions.
- Une diversification géographique ? Pour les raisons évoquées plus haut, les acteurs habituels du marché français trouvent depuis quelques années leurs relais de croissance hors de France, notamment en Afrique.
Ce mouvement devrait se poursuivre, en particulier dans le secteur des énergies renouvelables, les besoins du continent africain étant immenses dans ce domaine.
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1. Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
2. Décret n° 2016–86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession.
3. Article 75 de l’ordonnance n° 2015–899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.
4. Article 67, I, 3° de l’ordonnance n° 2015–899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.
5. Voir l’article 6, II de l’ordonnance du 29 janvier 2016.