Grandes infrastructures : quelles perspectives ?

Dossier : Dossier FFEMagazine N°719 Novembre 2016
Par Arnaud TROIZIER

UN ENVIRONNEMENT FINANCIER ET JURIDIQUE FAVORABLE

Il est cou­ram­ment admis que les condi­tions de finan­ce­ment des pro­jets d’infrastructures sont aujourd’hui favo­rables ou tout au moins qu’elles ne consti­tuent pas un frein à la réa­li­sa­tion des projets. 

La fai­blesse des taux, tout comme la mul­ti­pli­ca­tion des acteurs du finan­ce­ment ain­si que l’abondance et la varié­té des sources de finan­ce­ment et de refi­nan­ce­ment, consti­tuent des fac­teurs posi­tifs en vue de l’éclosion de pro­jets d’infrastructures.

Sur le plan juri­dique, les outils sont éga­le­ment dis­po­nibles. La réforme du droit de la com­mande publique, entrée en vigueur le 1er avril 2016, tra­duit plu­sieurs évo­lu­tions signi­fi­ca­tives qui actent une cer­taine matu­ri­té du mar­ché des pro­jets publics à (pré)financement pri­vé, matu­ri­té qui se tra­duit par une sim­pli­fi­ca­tion du droit, une sou­plesse accrue et, plus géné­ra­le­ment, un réa­lisme louable du législateur : 

  • La réforme de la com­mande publique a per­mis de sim­pli­fier le cadre juri­dique des pro­jets publics : deux séries de textes per­mettent désor­mais de cou­vrir la plu­part des pro­jets d’investissements publics pré­fi­nan­cés par le sec­teur privé.
    D’un côté, l’ordonnance du 23 juillet 2015 rela­tive aux mar­chés publics, dont la deuxième par­tie est consa­crée aux mar­chés de par­te­na­riat, et son décret d’application1 ;
    de l’autre, l’ordonnance du 29 jan­vier 2016 rela­tive aux contrats de conces­sion, com­plé­tée par le décret du 1er février 20162.
     
  • Ce nou­veau cadre juri­dique per­met d’offrir davan­tage de sou­plesse dans le choix de la figure contrac­tuelle des­ti­née à por­ter un pro­jet d’infrastructure. Deux exemples à ce titre :
    • le recours aux mar­chés de par­te­na­riat a été « libé­ra­li­sé » et, en quelque sorte, il se bana­lise – à la condi­tion tou­te­fois que le « bilan coûts/avantages » en soit favo­rable et que le mon­tant du pro­jet soit supé­rieur à cer­tains seuils3 ;
    • l’objet des contrats est doré­na­vant plus flexible : un mar­ché de par­te­na­riat peut por­ter, entre autres, sur une mis­sion de ser­vice public4 ; paral­lè­le­ment, l’autre grand type de contrat uti­li­sé pour la réa­li­sa­tion d’infrastructures pré­fi­nan­cées par le sec­teur pri­vé, la délé­ga­tion de ser­vice public (elle même issue du modèle de la conces­sion), s’est trans­for­mée puisque la conces­sion n’est plus sys­té­ma­ti­que­ment syno­nyme d’externalisation d’une mis­sion de ser­vice public5.
       
  • Enfin, le légis­la­teur a, sur plu­sieurs sujets sen­sibles, fait preuve d’un réa­lisme le plus sou­vent bienvenu :
    • La réforme de la com­mande publique a per­mis de trai­ter dans la loi les consé­quences d’une annu­la­tion juri­dic­tion­nelle d’un contrat (conces­sion ou mar­ché de par­te­na­riat) ; il s’agit là d’un sujet certes tech­nique, mais qui revêt une très grande impor­tance pour les bailleurs de fonds ; 
    • le régime des ave­nants dans les conces­sions a été expli­ci­té : le décret du 1er février 2016, appli­cable sur ce point aux contrats en cours, per­met de cla­ri­fier les condi­tions dans les­quelles des ave­nants peuvent être conclus sans mise en concur­rence préalable ; 
    • de manière plus sym­bo­lique, la loi auto­rise expres­sé­ment les per­sonnes publiques à prendre une par­ti­ci­pa­tion mino­ri­taire au capi­tal d’une socié­té de pro­jet titu­laire d’un mar­ché de par­te­na­riat. L’efficacité d’un tel méca­nisme pour­rait cepen­dant être assez faible, les pro­jets d’infrastructures étant finan­cés en très grande par­tie par de la dette, et non par des fonds propres. Il reste que la recon­nais­sance de cet outil finan­cier peut per­mettre d’offrir le cadre d’un par­te­na­riat plus abou­ti entre cocon­trac­tants public et pri­vé et contri­buer à favo­ri­ser l’éclosion de cer­tains projets. 

LES PROJETS LOCAUX ET INTERNATIONAUX : SEULES PISTES D’AVENIR ?

Force est pour­tant de consta­ter que, en pra­tique, les nou­veaux pro­jets, en par­ti­cu­lier ceux rele­vant de la com­pé­tence de l’État, se font rares : la vague des grands pro­jets éta­tiques lan­cés au début du mil­lé­naire (GSM‑R, Balard, LGV SEA, contour­ne­ment Nîmes-Mont­pel­lier, pri­sons…) est bien passée. 

De plus, les contraintes bud­gé­taires pesant sur les per­sonnes publiques sont tou­jours aus­si fortes et les besoins d’équipements d’envergure natio­nale peut-être moins criants. La période d’élections natio­nales n’est pas non plus la plus pro­pice à la mobi­li­sa­tion de l’État dans ce domaine. 

Il reste pour­tant pos­sible de des­si­ner quelques pers­pec­tives plus encou­ra­geantes pour les acteurs du mar­ché des infrastructures : 

  • Les pro­jets locaux : si l’État inves­tit moins, les besoins des admi­nis­trés demeurent et les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales se doivent donc de réa­li­ser les inves­tis­se­ments cor­res­pon­dants, qui appa­raissent éga­le­ment comme de forts vec­teurs de déve­lop­pe­ment éco­no­mique local. A l’heure actuelle, les pro­jets locaux sont, par­mi les nou­veaux pro­jets, les plus nom­breux et cette ten­dance devrait, sauf excep­tion, se poursuivre.
    De ce point de vue, plu­sieurs sec­teurs paraissent appe­lés à connaître une acti­vi­té crois­sante : les réseaux de fibre optique, dont plu­sieurs pro­jets sont en passe d’être lan­cés, le sec­teur de l’efficacité éner­gé­tique et de la valo­ri­sa­tion des patri­moines publics, et les équi­pe­ments de loi­sirs (y com­pris (i) en mobi­li­sant de manière plus construc­tive les actifs fon­ciers publics, de manière à dimi­nuer la charge des pro­jets sur les finances publiques, et (ii) en met­tant en place des méca­nismes plus fins de répar­ti­tion des risques, y com­pris côté privé).
     
  • EN BREF

    Le bureau parisien de Watson Farley & Williams exerce une activité dédiée dans les secteurs suivants : infrastructures et énergie, transports (maritime, aviation et ferroviaire), ressources naturelles, immobilier et télécommunications.
    L’équipe intervient sur des opérations domestiques ou internationales, de financement d’actifs et de projets d’acquisition et de cession, de joint ventures, de développement de projets, de marchés de capitaux et de restructuration.
    Elle est composée d’experts spécialisés en droit et contrats publics, financement, fiscalité, règlementation et régulation, droit immobilier, droit des sociétés, arbitrage et contentieux.
    Les avocats du bureau de Paris rassemblent des compétences tant en droit français qu’en droit anglais et disposent d’une bonne connaissance de l’Afrique francophone et des règles de l’OHADA.

    La restruc­tu­ra­tion de pro­jets : de nom­breux pro­jets arrivent aujourd’hui en phase d’exploitation ou sont exploi­tés depuis quelques années. Les condi­tions de finan­ce­ment étant favo­rables, on peut ima­gi­ner que des ces­sions de par­ti­ci­pa­tions au capi­tal de socié­tés de pro­jet (telles que celle concer­nant aujourd’hui la socié­té conces­sion­naire de l’autoroute A 63) tout comme des opé­ra­tions de refi­nan­ce­ment de pro­jets devraient être plus nom­breuses ; la clô­ture du refi­nan­ce­ment du pro­jet Balard pour­rait ain­si don­ner le signal du refi­nan­ce­ment de plu­sieurs autres pro­jets publics, natio­naux ou locaux (pri­son de la San­té, contour­ne­ment de Trois­se­reux, autoroutes…).
     

  • Le sec­teur de l’énergie paraît offrir des pers­pec­tives favo­rables : le récent rachat de Coriance tra­duit, dans le sec­teur des réseaux de cha­leur, l’appétit de nou­veaux acteurs pour des actifs pérennes, mais qui peuvent éga­le­ment être moder­ni­sés ou restructurés.
    De même, la sta­bi­li­sa­tion du régime du renou­vel­le­ment des conces­sions hydro­élec­triques devrait abou­tir à plu­sieurs mises en concur­rence, à une échéance peut-être plus loin­taine compte tenu de la com­plexi­té de ce sec­teur, mais en sachant tou­te­fois que l’Etat a cher­ché à orga­ni­ser, grâce à un méca­nisme de droit d’entrée, la neu­tra­li­té bud­gé­taire du renou­vel­le­ment des concessions.
     
  • Une diver­si­fi­ca­tion géo­gra­phique ? Pour les rai­sons évo­quées plus haut, les acteurs habi­tuels du mar­ché fran­çais trouvent depuis quelques années leurs relais de crois­sance hors de France, notam­ment en Afrique.
    Ce mou­ve­ment devrait se pour­suivre, en par­ti­cu­lier dans le sec­teur des éner­gies renou­ve­lables, les besoins du conti­nent afri­cain étant immenses dans ce domaine. 

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1. Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 rela­tif aux mar­chés publics.
2. Décret n° 2016–86 du 1er février 2016 rela­tif aux contrats de concession.
3. Article 75 de l’ordonnance n° 2015–899 du 23 juillet 2015 rela­tive aux mar­chés publics.
4. Article 67, I, 3° de l’ordonnance n° 2015–899 du 23 juillet 2015 rela­tive aux mar­chés publics.
5. Voir l’article 6, II de l’ordonnance du 29 jan­vier 2016.

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