Grands bourgognes blancs
Les rares et mythiques grands chardonnays de Bourgogne ont la réputation d’être les meilleurs vins blancs secs du monde. Au sommet, on trouve les grands crus de la Côte de Beaune : cinq d’entre eux (Montrachet, Chevalier-Montrachet, Bâtard-Montrachet, Bienvenues-Bâtard-Montrachet, Criots-Bâtard-Montrachet) forment un bloc de 33 hectares sur les communes de Puligny et de Chassagne. Le sixième étant le Corton-Charlemagne, dont nous reparlerons bientôt.
Le Montrachet correspond à une parcelle de 8 hectares, 14 ares et 11 centiares, plantée en chardonnay. Les frontières du Montrachet, situé, comme le disait l’abbé Arnoux en 1728, sur « une veine de terre qui rend son terrain unique en son espèce », ont été définitivement fixées en 1921, date à laquelle une partie du lieu-dit les Dents de Chien (sur Chassagne) fut rattachée à l’ensemble par décision de justice. 16 propriétaires possèdent des vignes de Montrachet dont le domaine de la Romanée-Conti et le domaine Leflaive. Les trois principaux propriétaires sont le marquis de Laguiche (2 ha 06 a), le baron Thénard (1 ha 80 a) et Bouchard Père & Fils (0,9 ha). Le Montrachet bénéficie d’une pente douce (10 %), d’une altitude (255 à 270 mètres) et d’une orientation idéales (du sud à l’est).
Le sol calcaire, avec une forte proportion d’argile, est de faible épaisseur (50 cm environ) avant d’atteindre la roche. Les conditions naturelles sont tout à fait exceptionnelles pour la Bourgogne, comme en atteste la présence de nombreuses plantes de climats chauds et secs (Aubert de Villaine, cogérant du Domaine de la Romanée-Conti, dit du Montrachet que « c’est une belle fille blonde avec des yeux noirs »). C’est un des rares vins blancs secs capables de vieillir plusieurs dizaines d’années.
En dégustation, c’est un vin merveilleux de profondeur, avec de sublimes arômes de miel d’acacia et d’amandes grillées. Il est volumineux et long en bouche sans jamais être lourd. C’est aussi un vin souvent réservé. Il ne s’offre pas, il faut l’analyser pour apprécier sa superbe palette aromatique. Comme le dit très bien Marc Colin « Il est comme une belle dame que l’on n’aperçoit que lorsqu’on s’en va, que l’on a oubliée parce qu’elle était discrète et qu’elle n’était pas une extravagante, par laquelle les hommes sont souvent attirés, qui n’est peut-être pas la plus belle. » La maison Bouchard possède dans ses caves du Château de Beaune plusieurs vieux millésimes de Montrachet qui se dégustent très bien. C’est ainsi qu’un 1870 ouvert récemment révélait « une très belle couleur or brillant, un nez complexe, intense, à dominante de truffe et d’amande grillées, une bouche ample et puissante, avec beaucoup de soyeux ».
La partie « historique » du Chevalier-Montrachet est une bande de 4 hectares de vignes située juste au-dessus (à l’ouest) du Montrachet. Il faut y ajouter les Chevalier-Montrachet Les Demoiselles de Jadot et Latour ainsi que des plantations faites dans le haut du coteau, et une parcelle de Montrachet reclassée par la Maison Bouchard en 1989 en Chevalier-Montrachet « La Cabotte », à la suite d’une modification du cadastre de Puligny, ce qui donne maintenant un total de 7,5 ha. Les vignes sont plantées sur un sol pauvre, dénudé, très mince, sur une pente fortement inclinée (20 %) qui s’étale de 265 à 300 mètres d’altitude. C’est un terroir très sec car très bien drainé, très calcaire et exposé est-sud-est. Dans sa jeunesse, le Chevalier-Montrachet est souvent sec et nerveux, avec des arômes de type fougère, il s’épanouit en vieillissant et gagne alors de délicieuses notes miellées. Les vignes du Chevalier-Montrachet sont sur la seule commune de Puligny.
Avec près de 12 hectares et une trentaine de propriétaires, entre Puligny et Chassagne, le Bâtard-Montrachet est le plus vaste des grands crus blancs de Bourgogne, après le Corton-Charlemagne. La partie haute du Bâtard (mieux drainée) est considérée comme meilleure que la partie basse, comme au Clos de Vougeot, mais certains font de très grands vins dans cette même partie basse, comme Ramonet ou Marc Colin. Ce sont des vins massifs, gras et opulents dans leur jeunesse, qui s’affinent avec le temps.
Les Bienvenues étaient à l’origine une parcelle de 6 ha formant la partie nord du Bâtard-Montrachet. À la fin des années trente, la partie haute de cette parcelle a été rattachée aux vignes de Bâtard-Montrachet et la partie basse (3,7 ha) forme, sur Puligny, les Bienvenues-Bâtard-Montrachet. Il y a donc une grande ressemblance entre les deux appellations : ce sont des vins riches, massifs et opulents. Les meilleurs domaines (Leflaive, Ramonet…) sont présents sur cette appellation.
Comme le Bienvenues-Bâtard-Montrachet, le Criots-Bâtard-Montrachet est né dans les années trente, au moment de la délimitation des grands crus. Exposé au sud, sur une pente très douce, en contrebas du Bâtard-Montrachet, le grand cru Criots-Bâtard-Montrachet couvre 1 ha 57 a sur la commune de Chassagne. C’est le plus petit grand cru blanc de Bourgogne. C’est peut-être le moins puissant des cinq grands crus de Chassagne et Puligny, mais il a beaucoup de finesse et s’ouvre vite.