Grands pianistes, violonistes et violoncellistes du XXe siècle
Deux Blu-Ray, chacun avec quinze heures de documents d’archives des plus importants artistes du XXe siècle
Il faudrait dix fois plus d’espace à cette rubrique pour rendre hommage à cette édition de documents d’archives des plus importants artistes du XXe siècle. En effet, chaque Blu-Ray renferme plus de quinze heures de documents d’archives mémorables, tournés pour la télévision dès ses débuts, par les plus grands.
Tous ces monstres sacrés que l’on écoute religieusement au disque sont là, en image et donc vivants devant nous.
Remercions Euroarts de cette initiative, car en réunissant en longs Blu-Ray ces documents (souvent d’origine INA) qui étaient parus individuellement en DVD chez EMI (un DVD de plus d’une heure par artiste, donc dix fois plus encombrant et dix fois plus cher), il les rend accessibles au plus grand nombre.
La collection Classic Archive contient également un Blu-Ray consacré aux chefs d’orchestre (Karajan, Munch, Giulini, Klemperer, etc.), et un autre aux chanteurs (Schwarzkopf, Fischer-Dieskau, Berganza, Christoff, etc.).
Mais concentrons- nous ici sur les Blu- Ray consacrés aux pianistes et aux violonistes et violoncellistes.
Le bouquet de pianistes est parfait, mais bien sûr on pourrait discuter du choix des dix artistes sélectionnés (pas de Richter, par exemple).
La section Glenn Gould adjoint un enregistrement célèbre de la Sixième Partita de Bach au film de Bruno Monsaingeon Gould l’alchimiste. Il faut voir jouer Glenn Gould, sur la chaise défoncée de son enfance, voûté et chantonnant en jouant, pour (re)-découvrir une composante du musicien qu’on n’imagine pas toujours en écoutant ses enregistrements.
Il faut l’entendre commenter la musique, déclarer par exemple que le musicien qu’il respecte le plus est le virginaliste Orlando Gibbons (1583−1625), puis le voir improviser sur des ouvertures de Wagner dont il connaît par cœur les opéras, pour comprendre, partiellement, la complexité de ce personnage hors norme.
Les Préludes de Debussy par Arturo Benedetti Michelangeli sont une référence en compact disc. Ils sont ici avec l’image (en couleur), qui est très enrichissante.
Le programme Liszt et Chopin de Georges Cziffra, filmé à Paris après son évasion de la Hongrie totalitaire, est fidèle aux disques que l’on connaît (notamment une 6e Rhapsodie hongroise diabolique).
Superbes programmes de Kempff (trois sonates de Beethoven et deux longs cycles de Schumann), d’Aldo Ciccolini, de Byron Janis (concertos de Rachmaninov, naturellement), du grand Emil Gilels (le concerto de Tchaïkovski) et d’Alfred Brendel (la Hammerklavier de Beethoven), seul pianiste encore vivant de cette anthologie (retiré depuis 2008).
Les deux heures filmées à Paris dans les années 1960 consacrées à Samson François sont une merveille : les deux concertos de Ravel (ce sont ses interprétations qui font encore référence au disque), le concerto de Grieg et le premier de Chopin, avec en bis des pièces de Debussy.
Mais le trésor de ce Blu-Ray de pianistes sont les deux heures consacrées au pianiste chilien Claudio Arrau, selon moi un des plus grands, peut-être le plus grand. Citons dans ce programme un Carnaval de Schumann incroyable, et la dernière sonate de Beethoven, la 32e, qu’Arrau a toujours réussie.
Le Blu-Ray consacré aux violonistes et violoncellistes est de la même veine. Sans tout citer, mentionnons Rostropovitch interprétant les concertos de Prokofiev et de Chostakovitch, dont il est le dédicataire.
Ainsi que l’heure consacrée à Paul Tortelier, où on le voit jouer en famille, son fils, son épouse et sa fille étant également des artistes de classe internationale, et où il montre le lien entre Chostakovitch et Bach.
Et le programme de Nathan Milstein, avec la grande Chaconne de Bach (dont on chérit la version au disque).
L’apogée de cet ensemble est le programme de Christian Ferras, avec la sonate de Franck (encore une référence au disque) et surtout le concerto de Sibelius, en concert public, constamment en prise de risque et sur le fil du rasoir, encore plus impressionnant que le disque officiel enregistré avec Karajan.
Bien entendu il s’agit de documents d’archives, qui n’ont rien à voir avec le confort sonore et visuel des productions récentes en haute définition. Pour autant, la qualité est satisfaisante compte tenu de l’âge de ces productions (certaines prises, par exemple Rostropovitch, Isaac Stern, Brendel et Benedetti Michelangeli, sont même en couleur).
La télévision française s’honorait, à l’époque de la chaîne unique, de filmer et diffuser de tels trésors d’art et de culture.