Grands vins de Pomerol
Avec 730 hectares, Pomerol est la plus petite des grandes régions viticoles du Bordelais et n’a jamais connu de classement, ce dont les principaux producteurs s’accommodent d’ailleurs fort bien, car il existe une classification officieuse fondée sur la qualité, les réussites passées et les prix, en général élevés, en raison de la rareté et d’une forte demande. Comme Saint-Émilion, Pomerol fut en effet superbement ignoré par les courtiers de Bordeaux qui réalisèrent le classement de 1855, dont on sait qu’il ne concerne pour les vins rouges que le seul Médoc, avec l’unique et prestigieuse exception de Haut-Brion.
En fait, les vins de Pomerol n’ont vraiment commencé à connaître le succès et la renommée qu’après la Deuxième Guerre mondiale. Cette obscurité historique s’explique par les faibles dimensions de la région et par son relatif isolement. Les principales propriétés ne comptent en général que quelques hectares, avec une faible production de bouteilles en comparaison avec le Médoc ou même les Graves. La séduction exercée par les vins de Pomerol tient à leur caractère aimable, sensuel, souple et fruité, largement dû au cépage qui représente au moins 75% de leur production, le merlot, lequel donne des vins très charmeurs, onctueux, au bouquet intense de fruits rouges, de truffe et de moka ; des vins qui sont agréables jeunes mais se bonifient en vieillissant.
Pomerol, c’est vraiment la rencontre d’un cépage et d’un terroir, car nulle part au monde le merlot n’exprime aussi bien son potentiel que sur ce petit terroir de 4 kilomètres de long et de 3 kilomètres de large qui constitue un ensemble géologique unique. C’est en effet la combinaison d’un microclimat exceptionnel avec des graves de surface et un sous-sol d’argile intégrant des oxydes de fer qui en fait un terroir exceptionnel, le lieu privilégié d’expression du cépage merlot. À Pomerol, le roi merlot est sur ses terres. Les plus grands châteaux de l’appellation ont une production qui est une remarquable illustration de l’éclat et de la vitalité de ces très grands vins de merlot.
Château Petrus est un des plus célèbres vins de Bordeaux et sans conteste le plus célèbre des Pomerol dont il représente bien l’archétype : c’est un vin séveux, rond et velouté avec des arômes de cassis, de violette et de truffe. Petrus, c’est l’histoire d’une passion ou plutôt de deux passions, celle de Mme Loubat d’abord, “ La grande dame de Pomerol ” qui fut propriétaire du château jusqu’à sa mort en 1961 et qui “ inventa ” Petrus. Celle de Jean-Pierre Moueix ensuite, qui racheta en 1965 les parts d’un héritier de Mme Loubat et sut maintenir et développer la réputation du domaine. Petrus est actuellement dirigé par Christian Moueix, le fils de Jean-Pierre Moueix et vinifié par Jean-Claude Berrouet.
Les raisons de la qualité exceptionnelle de Petrus sont au nombre de quatre : c’est le seul vignoble de Pomerol entièrement constitué d’argile, y compris dans ses couches supérieures. Sa situation sur le sommet du plateau de Pomerol lui permet de recevoir les rayons du soleil pendant toute la journée. L’âge moyen des vignes est supérieur à 35 ans. L’encépagement est constitué à 95% de merlot et 5% de cabernet franc et il arrive très souvent qu’on n’utilise que le merlot pour faire Petrus. Petrus n’a qu’un défaut : la superficie limitée de la propriété (11,42 ha), l’âge élevé des vignes ne permet de faire que 40 000 bouteilles par an de ce vin que le monde entier s’arrache…
Comme son nom l’indique, Château Lafleur-Petrus se situe entre Lafleur et Petrus. Comme ses deux prestigieux voisins, il compte parmi les meilleurs crus de Pomerol. C’est un vin qui a beaucoup de classe et de finesse mais moins de puissance que Petrus car il n’est pas situé sur un terroir de marnes argileuses mais sur un terroir de graves. L’encépagement n’est pas non plus identique : on compte 80 % de merlot et 20 % de cabernet franc. À la barre de cette belle propriété de 13 hectares (production annuelle 50 000 bouteilles), achetée en 1952 par Jean-Pierre Moueix, on retrouve l’équipe de Petrus : Christian Moueix et Jean-Claude Berrouet. Lafleur- Petrus est un vin délicat sensuel et flatteur, un vin de plaisir…
L’origine du Château Gazin remonte au XVe siècle. La propriété aurait appartenu aux Chevaliers de Malte avant de passer dans la famille de Bailliencourt, qui en est toujours propriétaire. Descendants des seigneurs de Landas, les Bailliencourt sont issus d’une très vieille famille d’Artois et portent le surnom “Courcol ” donné par Philippe- Auguste en 1214 à leur aïeul, qui avait accompli des prodiges lors de la bataille de Bouvines. Le vignoble de Gazin se trouve au nord-est de l’appellation Pomerol ; c’est un vignoble d’un seul tenant, d’une superficie de 23 hectares. Il jouxte Petrus, L’Évangile et Lafleur, trois prestigieux voisinages.
Au demeurant les Bailliencourt ont vendu en 1969 cinq hectares de Gazin à Petrus. Depuis plus de vingt-cinq ans ces cinq hectares font un excellent Petrus, ce qui en dit long sur la qualité du terroir de Gazin. L’encépagement compte 80 % de merlot, 15% de cabernet franc et 5 % de cabernet sauvignon. La propriété produit chaque année 120 000 bouteilles de Château Gazin et d’un excellent second vin, L’Hospitalet de Gazin.
Le Château La Conseillante est une belle propriété de 12 hectares, qui a comme voisins Cheval Blanc, L’Évangile, Petrus, Vieux-Château Certan et Petit Village. L’encépagement compte 65% de merlot, 30% de cabernet franc et 5% de malbec. Le terroir est superbe : les pièces de vigne complantées en merlot sont situées près des vignes de Petrus et celles complantées en cabernet franc sont situées près de celles de Cheval Blanc.
L’origine du nom “La Conseillante ” vient de la première propriétaire connue Catherine Conseillant, qui lorsqu’elle légua la propriété à ses neveux mit comme condition à la vente qu’on donne à la propriété le nom de “Conseillante ” pour que l’on conserve son souvenir. La devise du domaine est “ faire peu, mais faire bon”, et il faut reconnaître que les vins de La Conseillante comptent parmi les meilleurs pomerol.
Un cran en dessous des quatre prestigieux crus que nous venons de citer, mais aussi beaucoup moins cher, le Château Bourgneuf-Vayron produit d’excellents vins, puissants et concentrés qui vieillissent bien, un pomerol corpulent et coloré, avec des arômes de prune et de chêne vanillé, un bon vin de gastronomie à un prix qui reste abordable.