GreenGo, l’alternative française et écoresponsable à Booking et Airbnb
En 2021, Guillaume Jouffre (X12) a cofondé GreenGo, qui propose une solution concrète pour réconcilier voyage et environnement. La société sélectionne des hébergements de qualité, de l’authenticité, du charme, chez des hôtes responsables qui font attention à leur impact. Le tout à un prix équitable.
Quelle est l’activité de GreenGo ?
GreenGo est une alternative française et éco-responsable à Booking et Airbnb. Nous sélectionnons des logements sympas en France, chez des hôtes engagés dans une démarche de durabilité, pour donner envie de voyager plus local. Nous avons aussi un modèle de commission équitable, pour une juste rémunération des hôtes et un juste prix voyageur. Notre raison d’être, plus généralement, est de construire un tourisme plus durable ; nous sommes d’ailleurs une entreprise à mission. Au-delà de l’hébergement, l’ambition à cinq ans est de construire le leader du voyage bas carbone en France puis en Europe.
Visitez le site Internet de GreenGo : https://www.greengo.voyage/
Quel est le parcours des fondateurs ?
Nous sommes quatre fondateurs, dont 3 X de la promotion 2012, Félix, Antoine et moi-même, et un profil commercial, Mathieu. Des parcours très différents ! À la suite de l’X, Félix est resté quatre ans chez Theodo, en tant que développeur full stack et lead architect. Antoine, quant à lui, a appris le développement sur le tard, en montant une boîte de frigos connectés, tout ça après Sciences Po et un doctorat en macro-économie. Atypique ! Quant à moi, j’ai fait quatre ans de conseil en stratégie sur des thématiques plutôt business. Nous nous sommes tous réunis en 2020 pour lancer GreenGo, animés par la même envie de contribuer positivement à notre bien commun.
Comment t’est venue l’idée ?
Tout est parti d’une prise de conscience climatique : rapports du GIEC, Jancovici, etc. Comme un sentiment d’urgence qui appelle à l’action, afin de garder le contrôle de notre avenir. On est parti du CO2, on a étudié les impacts de diverses industries, en se demandant ce que l’on pouvait transitionner rapidement. Le tourisme nous a tout de suite frappés : 8 % de l’empreinte carbone mondiale, dont les 3⁄4 liés au transport. Des impacts unitaires assez fous sur l’aviation notamment, dont on n’a pas forcément conscience. On s’est dit que c’était dommage d’aller au bout du monde constamment, avec tant d’impact, malgré tant de trésors si proches, accessibles à une si faible empreinte carbone. On s’est demandé ce que l’on pouvait faire dans cette thématique du « voyager moins loin et mieux ». C’est vraiment parti d’une raison d’être et d’une mission, en fait. Et on en est arrivé à GreenGo de fil en aiguille, en cherchant le concept et le modèle économique.
Qui sont les concurrents ?
Les grosses plateformes de réservation bien sûr, comme Booking, Airbnb, Abritel… Il y a aussi de plus petits acteurs, moins connus du grand public. Pour l’instant nous ne faisons que de l’hébergement, mais nous allons développer des fonctionnalités plus larges autour des transports, dans les prochains mois.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Premièrement la réflexion, constituer l’équipe fondatrice, le concept… S’est ensuivi un dur travail pour développer un « produit minimum » et le lancer, en février 2021. Nous avons ensuite développé un peu le volet commercial et grossi notre offre de logements, continuellement amélioré notre produit. Nous avons sécurisé une levée de fonds de 1,5 M€ il y a quelques mois ; l’agenda est désormais au passage à l’échelle, mais aussi à l’innovation, pour aller plus loin dans notre démarche de tourisme bas carbone.
Le tourisme durable, quand il s’agit de tourisme de masse, n’est-ce pas un oxymore ?
Oui et non ! 95 % des touristes se rendent sur moins de 5 % de la planète aujourd’hui. C’est délirant ! Le premier enjeu consiste à orienter le flux de la « masse » de manière beaucoup plus diffuse sur les territoires. C’est un des gros sujets du tourisme durable. Mais l’enjeu du tourisme durable est aussi d’éduquer et d’inciter l’ensemble des voyageurs à des voyages plus locaux, avec des modes de transport moins carbonés, dans des endroits plus respectueux de l’environnement, avec des pratiques moins impactantes sur place. Se cantonner à une niche n’aurait qu’un impact limité dans l’ensemble sur tous ces aspects ; il est nécessaire d’entraîner l’ensemble des voyageurs pour un impact significatif au global. Il s’agit aussi de réinventer les imaginaires, de mon point de vue, autour du voyage local, du temps plus long, de la simplicité…
Avoir une approche locale, cela signifie-t-il tourner le dos à l’international ?
Pas forcément. Pour amorcer la transition du secteur, il est surtout nécessaire d’intégrer les externalités négatives, notamment l’empreinte carbone, dans le choix des voyageurs. Cela étant dit, voyager bas carbone depuis Paris peut mener à d’innombrables destinations grâce au réseau ferré européen, aujourd’hui : Espagne, Italie, Écosse, Europe de l’Est… Des destinations accessibles à seulement quelques kilos de CO2, contre plusieurs tonnes pour du voyage lointain en avion. Donc l’international est compatible, mais pas n’importe où, car les moyens de transport type avion resteront encore fortement carbonés dans les prochaines années, avec une rupture technologique « bas carbone » peu probable à ce stade, d’après les experts.
La crise Covid, finalement, a dû être un accélérateur plus qu’un frein pour ton activité ?
Un accélérateur certainement, car la crise a eu au moins deux effets positifs en rapport avec le tourisme durable. Premièrement, une prise de conscience écologique qui a été catalysée durant cette période, où beaucoup d’entre nous ont eu le temps de prendre du recul et de s’éveiller sur ces sujets. Deuxièmement, les voyages locaux étant « forcés » avec la fermeture des frontières, beaucoup de voyageurs se sont rendu compte que l’on pouvait passer d’excellentes vacances pas loin, sans aller au bout du monde. Cela a éveillé les esprits, concernant le type d’offres que l’on peut proposer chez GreenGo typiquement.
Plus que Booking ou Airbnb, votre concurrent n’est-il pas Leboncoin ?
La concurrence est protéiforme ; on peut aussi citer Gîtes de France par exemple, même si je vois ce type de réseau comme des partenaires plutôt que comme des concurrents à moyen terme. Mais la concurrence que j’ai envie d’avoir et les parts de marché que nous souhaitons grappiller sont surtout chez Booking et Airbnb. Car, au-delà du volet écologique, le volet souveraineté est très important pour nous. Nous sommes le premier pays touristique au monde, le tourisme représente 8 % du PIB en France. Et la majeure partie des flux économiques transitent via des acteurs américains, notamment… C’est un enjeu de souveraineté majeur. Nous devons récupérer des parts de marché avec des acteurs français et surtout européens.
Et n’y aurait-il pas de la place pour un Rocket internet à la signature plus verte ?
Un Rocket Internet ? pourquoi pas ? mais plus largement ; il faut un plan d’investissement massif. Un plan Marshall pour le climat et la durabilité plus globalement, pour développer une économie sobre, durable et souveraine. C’est d’ailleurs ce que recommandait notre camarade Alain Grandjean (X75) dans son livre Agir sans attendre. Aujourd’hui, quand on est une start-up à impact, une « vraie », pilotée à l’impact et à la mission, l’accès au financement est (trop) difficile. Il y a d’innombrables barrières, bien plus que pour des start-up traditionnelles pilotées uniquement à la rentabilité financière. L’impact positif n’est que trop peu valorisé par les investisseurs traditionnels de type venture capital, de mon expérience. Il est urgent de créer un écosystème vertueux avec un modèle sain, de long terme, dans lequel nous investissons massivement.