GRIEG : Concerto pour piano-SAËNS : pour violon n°3
On connaît la jeune Julia Fischer comme une des toutes premières violonistes de sa génération. On sait moins qu’elle est aussi une pianiste de niveau international, ce que le public découvre grâce à ce disque événement maintenant disponible également en images grâce au DVD.
Si on connaît des pianistes (beaucoup) ou des violonistes (moins) qui associent des carrières de soliste et de chef d’orchestre, si quelques violonistes passent régulièrement du violon à l’alto, je n’ai pas souvenir d’un enregistrement d’un artiste associant deux instruments aussi différents à un tel niveau de qualité artistique. Ce DVD est donc exceptionnel, réellement.
C’est après le gain du prix Menuhin, justement avec le Concerto de Saint- Saëns qu’on voit sur ce DVD, que cette jeune Allemande de moins de trente ans s’est orientée vers la carrière de violoniste. Après déjà plus de quinze ans de carrière, elle s’est distinguée par de nombreux enregistrements très souvent primés. C’est en revanche en 2008 qu’elle se produit pour la première fois comme pianiste, lors d’un concert à Francfort où elle joua le même soir les deux oeuvres qui figurent sur ce DVD.
Le célèbre Concerto de Grieg, en la mineur comme celui de Schumann, en trois mouvements lui aussi, est un pilier du répertoire, composé en 1868.
En revanche le Troisième Concerto pour violon de Saint-Saëns est beaucoup moins connu, joué et enregistré. Naturellement, le répertoire des concertos pour violon est plus restreint que celui des concertos pour piano (à titre d’exemple chez Beethoven et Mozart, il y a cinq fois moins de concertos pour violon que pour piano). Ce répertoire regorge pourtant de vrais chefs‑d’œuvre méconnus, comme les Second et Troisième Concertos de Bruch qu’on ne joue jamais, ou les concertos de Saint-Saëns, dont le Troisième est toutefois le plus célèbre.
Il est difficile d’imaginer styles d’interprétation plus différents que ce que nous montre Julia Fischer dans ces deux oeuvres romantiques. Sans l’image, ce serait dur de croire qu’il s’agit de la même artiste. Et même avec l’image, ce que l’on voit montre en fait deux personnalités très différentes. La pianiste est très appliquée, avec un port du corps très droit et presque rigide, une tenue assez stricte, une technique modèle, une virtuosité, indispensable dans Grieg, maîtrisée. La violoniste en revanche joue avec son corps, d’ailleurs dans une robe bien plus sensuelle, avec une virtuosité naturelle, un son superbement coloré, générant une émotion continue. Ne nous méprenons pas, la performance pianistique est sans tache, et à niveau artistique international. Mais nous avons là une violoniste d’exception, qui réussit la prouesse d’une très bonne interprétation au piano, et non le contraire.
La qualité du son est remarquable, et toute la sensualité, la couleur du violon de Julia Fischer sont restituées magnifiquement. La réalisation est très intéressante, fine, variée, nous montrant bien les détails importants, et à un rythme qui ne gêne pas l’écoute. L’image nous montre un orchestre de jeunes (tous plus jeunes que la soliste, dirigés par l’excellent Matthias Pintscher, également compositeur, qui a composé un concerto pour Julia Fischer), et le premier rang des violons étant tenu par de jeunes femmes blondes également, nous voyons souvent à l’écran la soliste entourée d’autres violonistes lui ressemblant quelque peu, assez étonnant. Et entre autres, le premier violon, une élève de Julia Fischer.
On l’a compris, pour le programme et l’événement exceptionnel que constitue cet enregistrement, nous le recommandons chaudement.