Guerre économique et nouvelle mondialisation
Nous vivons depuis les années 60 en état de guerre économique. La conquête des marchés a désormais remplacé celle des territoires. À l’heure de la nouvelle mondialisation, Bernard Esambert, créateur du concept, analyse les évolutions de cette guerre : de nouvelles armes, de nouvelles tactiques en changent le visage. De nouveaux enjeux planétaires la transforment.
REPÈRES
« Actuellement, l’échelle a changé : ce sont les nations tout entières qui se font une guerre économique au-dessus des frontières, et l’accélération du rythme des réajustements monétaires en est un indice. Chaque entreprise participe aujourd’hui à cette grande guerre internationale. »
Bernard Esambert, in Les informations, octobre 1971
En décembre 1990, le secrétaire d’État James Baker, s’adressant à un club d’industriels et décideurs politiques des États-Unis et du Japon, déclarait :
« Nous vivons désormais dans une économie mondialisée, sans frontières, aux industries multinationales, étroitement imbriquées, aux monnaies interdépendantes. Je sais quelle a été l’erreur de mon pays en 1930 lorsque le Congrès a voté la funeste loi protectionniste. Ce monde est aussi fragile qu’il est créateur. »
Pourquoi parler de guerre économique mondiale ?
Une nouvelle carte du monde, celle de la compétitivité, de la participation aux échanges internationaux, de la richesse par habitant a émergé. Ce ne sont plus les avions, les missiles qui comptent, et de moins en moins les idéologies, mais la conquête des marchés extérieurs et le poids économique.
Ainsi donnai-je dans le Troisième conflit mondial, paru en 1994, quelques illustrations du nouveau et grand conflit des temps modernes. En réalité, c’est dès octobre 1971 que, dans un article paru dans Les informations, j’évoquais la nouvelle dimension de la compétition entre les nations : « Actuellement, l’échelle a changé : ce sont les nations tout entières qui se font une guerre économique au-dessus des frontières, et l’accélération du rythme des réajustements monétaires en est un indice. Chaque entreprise participe aujourd’hui à cette grande guerre internationale. » L’expression apparaissait pour la première fois et allait mobiliser les esprits vingt ans plus tard.
L’hypercroissance du commerce mondial
De 1945, c’est-à-dire de la fin de la Seconde Guerre mondiale au début des années 1960, l’Europe et le Japon ont été plongés dans la reconstruction qui a fait suite aux destructions de ce conflit. Pendant cette période, les PNB du Japon et des pays européens ont crû au rythme d’environ 4 % par an. Le commerce mondial a également augmenté au même taux ; c’est-à-dire que la part du commerce international dans la richesse mondiale est restée la même.
À partir du début des années 1960 et plus précisément de 1962–1963, un phénomène nouveau, peu remarqué par les économistes, a fait son apparition : le commerce international s’est mis à croître beaucoup plus rapidement en volume que la richesse mondiale qui a également accéléré sa croissance de 4 à 5, voire 6 % pour certains pays, et cela jusqu’en 1973, c’est-à-dire jusqu’à la première crise pétrolière. Durant cette décennie, le commerce mondial a, lui, crû à un rythme annuel diabolique, supérieur de près de 7 % à celui du PNB mondial.
Depuis 1974,
les échanges mondiaux ont triplé leur poids
par rapport à la richesse mondiale.
Un tel taux de croissance sur dix ans correspond à un doublement, ce qui signifie que la part des échanges internationaux dans la richesse mondiale a doublé de 1962 à 1973. Une nouvelle progression a eu lieu, mais de façon irrégulière entre 1974 et aujourd’hui. Les échanges mondiaux ont triplé leur poids par rapport à la richesse mondiale, et cela malgré les nombreuses crises qui leur ont provisoirement coupé les ailes.
On n’échange plus seulement des matières, mais des produits et des services
Nous travaillons désormais un jour sur trois ou quatre pour l’exportation. Deux balances du commerce extérieur composées pour l’essentiel d’échanges de produits industriels se sont ajoutées à celle qui permettait le règlement des matières premières. Dans les pays développés, les exportations dépassent donc très largement la seule couverture des importations strictement nécessaires aux besoins des consommateurs et au développement de la production industrielle.
De la satisfaction de l’indispensable, le commerce extérieur est passé à un stade plus élaboré, celui des échanges de produits industriels et de services. Les multinationales ont joué un rôle important dans ce phénomène, ne serait-ce que par la notoriété de leurs marques. Mais leur poids ne doit cependant pas masquer celui de toutes les entreprises qui, tout en étant implantées qu’en un seul pays, sont fortement exportatrices, ou même des PME qui, fournissant un marché local, sont à l’arrière du front. De toutes tailles et de tous secteurs, elles sont infiniment plus nombreuses et sont également touchées de plein fouet par le champ de la mondialisation qui leur oppose des concurrents venus des antipodes.
L’Europe à elle seule est le plus important partenaire du commerce international, tant sur le plan des échanges entre les nations qui la constituent, que vis-à-vis du reste du monde dont elle est le premier importateur de produits de toute nature. Si l’on fait abstraction des nations que la nature a dotées de gisements de pétrole considérables, désormais, l’importance de la balance commerciale d’un pays mesure son dynamisme et la qualité, sinon l’âge des artères, de son économie.
C’est là un jeu à somme positive dans la mesure où le commerce international stimule la compétitivité et donc le développement économique ; il est donc l’une des principales causes du formidable enrichissement moyen qu’ont connu les pays développés de la planète au cours des quatre dernières décennies, et d’un certain nombre de pays du tiers monde qui en ont profité pour décoller. C’est également un jeu à somme nulle en matière de balance du commerce extérieur, les excédents des uns compensant les déficits des autres.
Le commerce mondial tire la croissance globale
En d’autres termes, l’expansion économique qui a été très rapide jusqu’au milieu des années 1970 particulièrement dans les pays développés a été tirée par le commerce international. Jean Fourastié a qualifié cette période de « trente glorieuses ». Pour ma part, j’exposai dans les termes suivants la situation du monde telle qu’on pouvait la constater au début des années 1990 :
L’économie mondiale se globalise : la conquête de marchés et des technologies a pris la place des anciennes conquêtes territoriales et coloniales. Nous vivons désormais en état de guerre économique mondiale et il ne s’agit pas seulement là d’une récupération du vocabulaire militaire. Ce conflit est réel et ses lignes de force orientent l’action des nations et la vie des individus. L’objet de cette guerre est, pour chaque nation, de créer chez elle emplois et revenus croissants au détriment de ceux de ses voisins.
Car, si les économies des nations se sont fait la courte échelle lors de la période des miracles économiques des années 1960 et du début des années 1970, elles se font des croche-pieds depuis que la crise a fait son apparition. C’est en exportant plus de produits, de services, d’« invisibles » que chaque nation essaye de gagner cette guerre d’un nouveau genre dont les entreprises forment les armées et les chômeurs les victimes.
Une troisième guerre mondiale
Au-delà du formidable accroissement du commerce mondial qui en est la manifestation la plus éclatante, la guerre économique impose également des débarquements chez l’ennemi par implantation à l’étranger, la défense de l’arrière grâce aux entreprises à caractère régional et l’établissement de protections au travers de tarifs douaniers – qui ne sont plus que des murets de fortune –, de mouvements monétaires qui ont pris le relais des barrières douanières, enfin d’innombrables entraves aux échanges qui protègent ici ou là un pan de l’économie.
La troisième guerre mondiale a débuté et l’accélération du rythme des réajustements monétaires depuis les années 1970 en est une conséquence et un indice. De tous temps, les rapports entre nations ont été des rapports de force. Pour comprendre aujourd’hui le fonctionnement et la puissance des échanges extérieurs, il convient de se référer aussi bien à Machiavel qu’à Ricardo ; mais aussi à Clausewitz qui disait que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens : la défense des intérêts des nations et leur rapport de force ont pris maintenant une nouvelle forme.
La troisième guerre mondiale a débuté.
Les vraies richesses ne sont plus les matières premières, mais les hommes et leur niveau d’éducation, de culture, d’intelligence et leur ardeur au travail. La créativité et l’innovation sont les atouts fondamentaux des entreprises jetées dans le conflit. Le développement scientifique est devenu un facteur important de la guerre. C’est par l’union de l’entreprise, de ses cadres et du scientifique que se développent les technologies nouvelles qui irriguent le monde en produits de consommation ou en services à taux de croissance élevée.
La formation y joue un rôle important : les niveaux d’éducation d’un pays et la capacité d’innovation, de réaction et de mobilisation des entreprises sont liés par une corrélation très forte.
La guerre a aussi ses vertus
Pour un État, se retirer du conflit serait suicidaire : la guerre économique a ses vertus. C’est par la dynamique qu’elle entraîne que le niveau de vie des pays occidentaux, et dans une moindre mesure du tiers-monde, s’est accru sans interruption depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’en 1974, tandis que le plein emploi était presque atteint et maintenu dans plusieurs grands pays développés. Si la stimulation provoquée par le nouveau conflit des temps modernes a pour conséquence une permanente mobilisation qui n’est pas acceptée partout et par tous, sa suppression signerait l’entrée en léthargie des nations qui voudraient se retirer d’un combat jugé trop éprouvant pour elles.
Chaque nation doit donc encourager ses entreprises à porter haut ses couleurs en les mettant en état d’innover, d’exporter sans cesse davantage, de s’implanter à l’étranger, d’utiliser la matière grise des laboratoires partout où elle existe, bref, de vivre dans un contexte devenu irréversiblement mondial et global.
Une certitude en tout cas, la guerre économique ne cessera pas faute de combattants : il reste trop à faire pour vaincre la pauvreté et l’insatisfaction. À condition qu’un minimum de règles morales la rende plus soucieuse de la vie des hommes et qu’un minimum d’inspiration permette de mobiliser à nouveau et de réanimer les immenses foules d’âmes mortes, tuées par l’absence ou au contraire la tyrannie d’un idéal. De cette inspiration dont ce début de siècle – qui peut au mieux espérer une guerre « propre » sur le chemin de la prospérité – est si cruellement dépourvu.
Acteurs et victimes
L’expression « guerre économique » ne signifie pas nécessairement l’existence d’agresseurs dont nous serions les malheureuses victimes. C’est grâce à ses forces vives qu’une nation peut combattre au mieux sur le plan économique. Les aptitudes individuelles et collectives d’un peuple, son degré de mobilisation et son niveau d’éducation permettent le sursaut et la reconquête des marchés.
Ce concept pourtant évident à mes yeux fut attaqué et me valut quelques belles volées de bois vert…
C’est grâce à ses forces vives
qu’une nation peut combattre au mieux
sur le plan économique.
En réalité un clivage se dessina très vite entre ceux qui m’approuvaient et ceux qui trouvaient la formule excessive. Comment ne pas utiliser cette formule, quand on voit que des pans entiers de l’industrie ont disparu en Occident, conséquence de cette compétition effrénée…
Pour moi, les chômeurs étaient désormais les morts de la compétition internationale. Défaite de la pensée économique, aucun expert n’a encore trouvé la solution au problème du chômage. La réponse est simple en théorie : pour retrouver le plein emploi, il faut porter haut ses couleurs dans la compétition internationale, pratiquer la rigueur et la vertu dans la gestion de l’économie, la souplesse et la créativité dans la gestion des entreprises et des hommes.
Qu’en dirait Clausewitz ?
C’est encore pour l’essentiel au son des trompettes libre-échangistes que se mène aujourd’hui la guerre économique qui présente cette particularité par rapport à la guerre classique, dont le but, selon Clausewitz, résidait davantage dans la paix à venir que dans la victoire, qu’elle ne peut être gagnée par K.-O. mais « aux points », car chacun des adversaires a intérêt à préserver les autres afin que le combat continue et maintienne ses effets stimulants.
Chacun des adversaires
a intérêt à préserver les autres
afin que le combat continue.
L’économie mondiale, écrivais-je à l’époque, est en voie d’unification totale car le libéralisme est devenu depuis peu la seule religion économique. La loi du marché régente tout, les salaires, les prix, le cours des monnaies. C’est la tyrannie d’un invisible réel contre laquelle il paraît difficile de s’élever. Mais c’est aussi la concurrence, la compétition, l’image du mouvement et de la vie. Le libéralisme est certainement le meilleur stimulant de la croissance des revenus pour le plus grand nombre, mais l’esprit d’entreprise et l’esprit d’initiative peuvent s’accompagner d’ambitions collectives susceptibles d’en accélérer le rythme, les effets bienfaisants et de mieux répartir les richesses créées.
En Allemagne fédérale et surtout en Chine et en France de 1960 à 1973, une certaine ambition aura permis d’accélérer la croissance et le poids de ces pays dans le monde. Il est clair en effet que le succès d’un régime libéral dépend aussi de son architecture sociale et de sa direction politique.
Mais il est également évident que l’extrême richesse et l’extrême pauvreté se regardent par écran de télévision interposé et que des milliards d’êtres humains ne pouvaient rester durablement à l’écart du grand mouvement qui entraîne la partie développée de la planète. L’apparition des dragons de l’Asie du Sud-Est, de la Chine, plus timidement de l’Afrique qui renoue désormais avec la croissance, était inscrite dans ce constat ainsi que la chute de l’Empire soviétique, dont les habitants ne pouvaient accepter indéfiniment d’être au bas de la société de consommation.
Quelles armes pour cette guerre ?
Allant jusqu’au bout de la métaphore militaire que j’évoquais dans de nombreux articles, j’explicitais les armes et les défenses de cette forme de conflit.
Parmi les armes, la plus importante est l’innovation car c’est par elle, en matière de produits, de services, de gestion que l’on conquiert des positions stratégiques sur le marché mondial. L’innovation et la recherche-développement ne sont pas sans lien, ce qui veut dire que les groupes qui font un effort intense, permanent et continu dans ce domaine sont ceux qui tirent leur épingle du jeu dans la compétition économique. Cette arme est donc essentielle pour les entreprises…
Les économistes savent qu’il y a une corrélation très étroite entre taux de croissance de la richesse d’une nation à long terme et celui de sa recherche-développement rapportée à son PNB. Depuis quarante ans, les nations développées ont pour objectif de porter leur niveau global de recherche (entreprises comprises) à 3 % de leur PNB. Seuls quelques pays d’Europe du Nord ou d’Asie du Sud-Est comme la Corée du Sud y parviennent.
La deuxième munition de la guerre économique est la productivité. Cela semble évident, mais l’est un peu moins si l’on regarde les choses de plus près au travers de l’exemple suivant. La compétitivité de l’industrie française est supérieure, dans certaines branches, à celle de l’industrie germanique, même si nous passons notre temps à admirer ce que font nos voisins d’outre-Rhin, car ils exportent bien davantage que nous, ont moins de chômeurs et un niveau de vie plus élevé que le nôtre.
Cette contradiction, il faut en rechercher l’explication dans le fait que, dans la guerre économique comme d’ailleurs dans d’autres formes de guerre, la ténacité, la continuité et la persévérance jouent un rôle important. Cela fait cinquante ans que l’Allemagne développe un potentiel industriel de qualité avec l’appui de puissants réseaux commerciaux et de maintenance, qui ont créé la réputation de qualité des produits allemands. Cette réputation se situe à un tel niveau aujourd’hui que les produits germaniques peuvent se vendre plus cher que les produits concurrents ; cet écart de prix faisant plus que compenser les écarts de prix de revient liés à la productivité. La continuité dans un taux de croissance peut porter davantage de fruits que des périodes de croissance brillantes mais éphémères.
Comme dans d’autres formes de guerre,
la ténacité, la continuité et la persévérance
jouent un rôle important.
La troisième munition est le taux d’épargne. À l’échelle de la nation, un taux d’épargne nationale élevé fait que les entreprises trouvent à financer leurs investissements alors qu’une maigre épargne, mobilisée en priorité par l’immobilier et les services, n’irrigue pas suffisamment les secteurs industriels. Au niveau macro-économique les experts savent qu’il y a une corrélation très forte entre taux d’épargne à long terme et taux de croissance du PNB. Ce phénomène a été l’une des raisons du miracle japonais des années 1960–1970.
Quatrième atout le consensus social créé dans une entreprise : la même foi entre les travailleurs, l’encadrement et l’état-major. Cela permet cette continuité qui paraît jouer un rôle important dans la guerre économique ; c’est également vrai, bien entendu, au niveau de la nation qui doit elle aussi partager un minimum de valeurs sociales pour bien se comporter dans cette forme de compétition. Le consensus culturel joue également un rôle important. Il ajoute au consensus social l’attachement à certaines traditions, à certaines valeurs et à une histoire commune. L’exemple de la Chine et du Japon est là encore particulièrement probant.
Je citerai un dernier atout, non des moindres, le degré d’éducation de la nation, et au niveau des entreprises le professionnalisme des salariés. Il est clair que plus le niveau d’éducation générale d’une nation est élevé, cohérent, homogène et plus celle-ci est capable de donner les coups de collier qui s’imposent, de réagir avec intelligence, imagination et le degré de mobilisation nécessaire.
Après l’attaque, la défense
Les barrières ne sont pas moins diverses. La plus importante réside encore du côté des monnaies, car la nature économique a horreur du vide. À partir du moment où les boucliers douaniers se sont presque évanouis, une nouvelle forme de protection a fait son apparition.
Dévaluer pour se défendre
En 1971, Richard Nixon, voyant apparaître un déficit important du commerce extérieur pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, a dévalué le dollar. En 1973, il n’a pas eu la patience d’attendre les effets de cette opération et il a dévalué une deuxième fois ouvrant ainsi la voix au flottement général des monnaies de toutes les nations du monde.
C’est par de semblables dévaluations que beaucoup de pays se sont depuis protégés d’échanges trop agressifs. Par des glissements instantanés ou progressifs de leur monnaie, qui ont eu finalement au bout de quelques semaines ou mois les mêmes effets qu’une franche dévaluation, de nombreuses nations ont ainsi préservé l’existence de pans entiers de leur industrie. Tel a été le cas de la France, qui a joué à ce petit jeu un certain nombre de fois jusqu’à l’entrée du franc dans l’euro.
Les droits de douane jouent désormais un faible rôle, ils formaient il y a quarante ans une barrière importante. Ils représentaient plus de 40 % du prix des produits et limitaient fortement les échanges par la viscosité qu’ils créaient au niveau du commerce international ; depuis, les innombrables rounds au sein du GATT et la création à Marrakech d’une organisation mondiale du commerce leur font jouer un rôle désormais mineur, même si certaines protections non tarifaires n’ont pas complètement disparu. Le GATT en a recensé 6 000 ou 7 000 et tente d’en limiter le nombre et les effets. En matière de normes, le florilège des protections né de l’imagination humaine est sans limites dès lors qu’une industrie est menacée.
On pourrait citer bien d’autres exemples de comportements inspirés par le désir de se protéger de produits trop envahissants. On peut d’ailleurs se demander si ce type de protection n’est pas d’une certaine façon le bienvenu, car jusqu’à quelles extrémités aurait crû le commerce international si sa fluidité avait été totale ?
En guise de conclusion provisoire
Voici comment je décrivais, il y a plus de trente ans, le nouveau conflit des temps modernes… en égratignant ceux qui ne voyaient de salut que dans l’édification d’une ligne Maginot économique ou dans la négation d’un mouvement d’ouverture des frontières synonyme de quarante années de progrès. L’analyse intellectuelle de l’énorme transformation en cours n’en était qu’à ses débuts lors de la disparition de Georges Pompidou. Elle n’a pas toujours frôlé l’entendement de la plupart des politiques qui l’ont suivi.
À l’issue de ce panorama, il me semblait que rien ne venait infirmer ma thèse sur la toute-puissance de ce conflit des temps modernes et sur le rôle essentiel qu’il avait joué dans l’émergence de la mondialisation. Une imagination débridée, ou encore trop peu bridée, me faisait approcher le terrain de la vraie guerre, celle qui meurtrit les chairs. Il est permis de penser, disais-je, que la concertation des grandes puissances pour faire cesser tous les conflits militaires a sans doute aussi pour objectif de leur permettre de mobiliser toute leur énergie en vue de la compétition économique. « Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux hommes », écrivait déjà Victor Hugo au milieu du XIXe siècle.
Ainsi peut-on expliquer que le monde n’ait pas connu de guerre importante depuis 1945, c’est-à-dire pendant une période plus longue que celle qui a séparé Waterloo de la guerre de Crimée. Sans doute l’apparition de l’arme atomique et l’équilibre de la terreur qui en a résulté ont-ils aussi contribué à faire dériver tout affrontement direct entre les deux grandes puissances nucléaires vers la périphérie, c’est-à-dire vers le tiers monde. Quand deux pays possèdent une puissance destructrice équivalente à 1 million de fois la bombe d’Hiroshima, capable d’annihiler instantanément 2 milliards d’êtres humains et de conduire plusieurs milliards d’autres à succomber lentement sous les effets des radiations, il est clair que la guerre mondiale devient improbable. Mais si l’accident, l’erreur ou les conflits régionaux n’ont pas débouché sur des guerres plus importantes, c’est probablement aussi que la force de rappel vers le combat économique a joué son rôle.
Vers un nouveau visage de la compétition ?
La compétition mondiale peut-elle se perpétuer à l’identique alors qu’à la guerre classique se sont substituées la guerre larvée révolutionnaire et la peur du grand conflit nucléaire ? Telle est la transposition que l’on pourrait faire des interrogations jaillies de la boîte de Pandore des modernes dramaturges. Ils trouveront dans le constat des attaques portées contre la société de consommation, dans l’impossibilité d’une croissance à l’infini sur une planète limitée en surface et en ressources, dans les maux écologiques d’une terre désormais attaquée en profondeur par l’homme (la climatologie), enfin dans la recherche foisonnante d’une nouvelle éthique des temps modernes – à laquelle je participe – la condamnation de la croissance.
Derrière cette querelle se cachent peut-être d’autres motivations plus fondamentales et plus subjectives. L’histoire de l’homme fut autrefois un long combat contre la nature dont les cycles étaient implacables (sécheresse, épidémies…). Ces cycles naturels ont été depuis supplantés par les cycles économiques qui suscitent périodiquement des réactions de crainte, comme si l’homme ne pouvait vivre sans redouter quelque catastrophe. Cette fatalité d’une punition, d’un mal du siècle, d’une grande peur, facteur constant dans la sensibilité collective, doit-on la chercher dans le prix à payer d’une relative opulence, dans la morale chrétienne tout imprégnée du péché originel, dans la certitude pour beaucoup que tout bonheur est compensé par un malheur et que le destin tient la balance égale entre les deux ?
Bref, le véhicule Terre a pris la route des choses plutôt que celle de l’esprit, et le jeu des échanges mondiaux n’a pas été étranger à cette généralisation au niveau mondial du comportement de quelques centaines de millions de happy few, consommateurs de confort matériel et d’images.
Ce qui me faisait dire en conclusion : « Si nous devons passer d’un système de guerre économique dans lequel communient maintenant presque toutes les nations de la planète à une forme de développement plus humaine, plus solidaire, le spirituel, le politique et l’économique devront avoir tous trois leur mot à dire dans l’évolution humaine. » En terminant ainsi des propos qui pouvaient choquer par leur brutalité, je ne pouvais que séduire des auditoires en quête le plus souvent d’un renouveau de spiritualité. J’évoquais sincèrement cette recherche d’une synthèse entre matière et esprit, consumérisme et renaissance.
La Mondialisation
Pour passer de la guerre économique à la mondialisation, il n’y a qu’un pas à franchir, celui qui impose dans chaque société le même modèle économique et culturel.
Cette mondialisation n’est pas nouvelle, même si elle dépasse les économies-monde chères à Immanuel Wallerstein et Fernand Braudel, c’est-à-dire les zones commerciales centrées sur des cœurs comme ont pu l’être successivement Venise, Amsterdam, Londres et les cités hanséatiques.
Mais aujourd’hui, le successif a fait place à l’instantané. Il y a une économie-monde dotée d’une organisation des échanges dans un marché aux dimensions planétaires, certes encore inhomogène, mais il n’y a pas un citoyen de la planète, de l’Amazonie au Groenland, qui ne consomme les produits que le gigantesque maillage commercial mondial met à sa disposition et qui ne participe peu ou prou à cette nouvelle communion de l’humanité basée sur la propension à se nourrir convenablement, à améliorer son confort et à absorber des images.
La religion des objets s’étend désormais aux groupes humains les plus lointains et les plus isolés. Désormais, le paysage mondial fait apparaître de fortes tensions dans les corps sociaux des pays qui se jugent victimes d’échanges inégaux. Tous les États ont tendance à rendre les pays étrangers responsables des problèmes qu’ils connaissent. Ils n’ont pas tout à fait tort quand l’hétérogénéité des nations combattantes donne une trop grande prime à certains d’entre eux.
Vers une diplomatie économique
La diplomatie fait désormais corps avec l’action économique depuis quarante ans, quand Georges Pompidou invita pour la première fois 15 chefs d’entreprise à le rejoindre à Moscou, et peu de voyages au niveau gouvernemental ne s’achèvent sans un cortège devenu maintenant rituel de contrats signés, en réponse à la prière des chefs d’entreprise au dieu du business « seigneur donnez-nous notre marché-du-siècle quotidien ».
La diplomatie fait désormais corps avec l’action économique.
Sous l’assurance d’une information qui circule désormais de manière instantanée et qui se joue des barrières, le grand public se trouve lui aussi impliqué dans ce processus de mondialisation. L’aspiration à un cadre de vie utilisant les techniques modernes de transmission de la parole et de l’image est universelle. Mais quand des entreprises ferment, lorsque des usines sont désaffectées, quand le chômage s’accroît, que le niveau de vie menace de baisser, que la misère apparaît ici et là, le désastre ne s’apparente-t-il pas aux conséquences d’une guerre non moins impitoyable que les guerres du passé ?
Aux yeux de certains, les Chinois viennent « écumer nos villes et nos campagnes ». Le Vatican lui-même soulignera l’acuité de la compétition entre les nations dans un document publié en 1986 par la commission pontificale Justice et Paix : « L’actuelle compétition technique et économique entre tous les pays devient effrénée et prend l’allure d’une guerre impitoyable qui ne tient pas compte des effets meurtriers sur les plus faibles. » Pour paraphraser Trotski, l’on pourrait dire : « Celui qui voulait vivre une vie paisible aurait mieux fait de ne pas vivre au XXIe siècle… »
La dignité des hommes passe en ce début de siècle par un emploi, une rémunération et un mode de vie décent. La clé d’un tel développement réside dans la démocratie politique et un libéralisme économique doté de solides garde-fous. Je ne les vois pas émerger dans un monde éclaté entre une Asie (une Chine en réalité) où l’on forme plus des deux tiers des diplômés de troisième cycle du monde, une Amérique sans message, qui ne se résout pas à perdre son statut de première puissance mondiale, et une Europe sans grande consistance tant elle se construit à vitesse marathon, et tant elle a raté son examen d’entrée dans la cour des grands.
Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, l’avantage reviendra aux puissances qui auront su intégrer, adapter, façonner le libéralisme dans leur société et être ainsi source d’imitation pour les autres. Le défi n’est pas mince et il devrait inspirer une nouvelle catégorie de Nobel ! Quant à la France, son identité « renfrognée » ne lui permet pas encore de faire sourdre une essence qui la distinguerait du reste du monde.
La guerre des trois royaumes
Nous entrons dans une décennie peu exaltante de la guerre de trois empires, les États-Unis, la Chine, l’Europe, qui se battent pour l’accès à des ressources rares : les matières premières, les capitaux et les cerveaux. La pseudo-douceur du modèle européen est d’une certaine façon un cache-misère. Que l’extrême pauvreté côtoie l’extrême richesse aux États-Unis est dans l’ordre des choses, qu’un pays comme la France ait des soupçons de ghetto c’est une négation de son modèle.
Nous sommes tous confrontés au même défi de la réinsertion de l’ordre marchand à l’intérieur d’un ordre politique et social humanisé. Avec le danger de verser vers une exigence de protection religieuse ou économique. Notre monde est donc gros de tensions et d’espérance. C’est le moment de faire entendre sa voix. Au risque de me répéter, la mienne est celle d’un libéralisme moralisé. Et qu’on ne perde pas de temps à le mettre en place car notre présent commence à dévorer l’avenir.
J’ai longtemps fait partie de ceux qui pensaient que la France ne pouvait rester statique au sein du peloton des deux cents nations qui font notre planète. Qu’elle se devait, au travers des ciments reliant ses cultures, ses idées et ses institutions, d’ensemencer le monde en valeurs aux contours peut-être un peu flous, mais tellement nécessaires pour faire renaître ici et là l’espoir et élargir l’horizon. Ma mémoire m’enracinait dans l’irréalité d’un rêve : faire peser les valeurs des Lumières dans les débats les plus brûlants. Dans cet esprit, l’Europe pouvait être un vecteur de l’influence française dans le monde. Malheureusement, l’Europe n’est pas devenue une Europe puissance et les vues françaises n’y sont pas toujours majoritaires.
Georges Pompidou avait le premier exprimé cette idée : « La France ne pouvait garder, voire accroître son rôle dans le monde, qu’en s’unissant aux autres nations européennes, son but étant, grâce à ces moyens additionnés, de parler d’égal à égal avec n’importe qui. » C’était l’Europe porte-voix de la France dans un monde devenu multipolaire. François Mitterrand et son célèbre « la France est notre patrie, l’Europe notre avenir » et Jacques Chirac faisant de l’Europe un « multiplicateur de puissance » lui avaient emboîté le pas. Au mieux, l’Europe défend désormais mollement son modèle social.
Au mieux, l’Europe défend désormais mollement son modèle social.
Comment ne pas imaginer qu’une France incarnant toutes les fractures du XXe siècle pourrait devenir le fer de lance du plus bel héritage de l’Europe : ces valeurs que les Européens ont eux-mêmes du mal à définir et dont ils croient qu’ils pourront les faire partager au monde entier.
Un capitalisme civilisé pourrait-il naître de notre État-providence, si maladroit et si menacé soit-il ?
La guerre économique d’aujourd’hui
Une arme nouvelle a fait son apparition dans la panoplie des États : le droit extraterritorial appliqué par les États-Unis, depuis une dizaine d’années, dès que le dollar est utilisé dans un contrat.
Les sociétés soupçonnées de corruption sont ainsi rançonnées à des niveaux qui menacent désormais leur développement. BNP, la Société Générale, Siemens, Alstom, qui sera obligée de vendre sa meilleure moitié, ABN, AMRO, Technip ont pu mesurer comment les États-Unis ont utilisé massivement leur privilège de battre monnaie internationale.
Du côté des défenses qui sont aussi des armes, c’est la Chine qui se singularise en laissant (faisant ?) glisser sa monnaie pour contrebalancer le renchérissement des tarifs douaniers voulu par le président D. Trump pour rétablir la balance commerciale américaine. Les États-Unis avaient imposé des droits de douane sur de grandes quantités de produits chinois, au motif que la monnaie chinoise était artificiellement faible. Réponse du berger à la bergère, la Chine emploie désormais l’arme (la défense ?) monétaire.
La grande innovation de cette guerre économique réside dans l’émergence de son plus important combattant : la Chine. Depuis trente à quarante ans, l’Occident observe et utilise le plus grand atelier industriel du monde. Ce dernier affiche désormais son rôle de grande puissance économique, leçon de politique économique en temps réel. L’onde de choc qui a commencé avec les réformes de Deng Xiaoping au début des années 80 produit même ses effets dans le secteur médical où nombre d’acheteurs viennent dans l’empire du Milieu se disputer des centaines de millions, voire des milliards de masques et de tests pour conjurer la déferlante du coronavirus.
Volontairement (les déclarations de D. Trump selon lesquelles les États-Unis n’ont plus que des intérêts) et involontairement, le leadership américain a perdu de son lustre.
Paradoxe d’un drame où sa part de responsabilité n’est pas négligeable, la Chine rebondit face à l’inexistence de ses compétiteurs. Le vide laissé par les États-Unis n’a pas été comblé par l’Europe. Alors que des dizaines de millions d’emplois sont menacées et que l’activité économique est à l’arrêt, les États-membres auront été incapables jusqu’à peu de se donner les moyens de surmonter la tempête qui les menace. L’Europe a besoin d’un traitement de choc conjuguant homogénéité et solidarité.
Pétrifiée par le grand déménagement du monde, elle n’est guère au rendez-vous en ce début de printemps 2020 et a raté son examen d’entrée. Seul le chômage s’envole, ainsi que la découverte de notre dépendance industrielle à des fournisseurs asiatiques. La relocalisation de la chaîne de valeur des industries de santé apparaît au sommet des priorités de l’État, rejoignant ainsi une préoccupation majeure des combattants européens de la guerre économique : produire davantage en France et en Europe et diversifier plus nos sources d’approvisionnement.
En l’espace de quelques semaines, tous les dirigeants politiques et économiques se poseront la question de savoir s’ils n’ont pas été trop loin dans l’optimisation des chaînes de valeur et tenteront de retisser les filières de production. L’alerte sur l’état du monde aura été claire et brutale.
La nouvelle mondialisation
En ce début de siècle, la puissance économique ne garantit plus l’indépendance. Mais l’apanage des nations développées est de tisser elles-mêmes les fils de leur dépendance. Point n’est besoin de ressources naturelles si l’on en juge par l’exemple du Japon, de Taïwan ou de la Corée du Sud. La diversité du peuplement n’est pas non plus forcément un handicap. Les États-Unis l’ont démontré de façon spectaculaire. La mondialisation, c’est aussi la transposition au monde entier de leur mode de vie, ou plutôt du désir de les imiter.
Mais dans un monde sans frontières, l’idée d’un découpage statique des zones d’influence serait un contresens. Dans le jeu des rivalités, des oppositions, des jalousies, des exclusions, il y a le contraire d’un ordre mondial. Seule la guerre économique donne un semblant de cohérence à une planète et à des nations qui restent dominées par la recherche de la croissance économique, pour sortir de la misère, pour se mesurer, pour assouvir un impérialisme.
Dans le jeu actuel des rivalités,
des oppositions, des jalousies, des exclusions,
il y a le contraire d’un ordre mondial.
Et pourtant, rien ne serait plus dangereux que de rejeter nos avancées pour revenir à un monde ancien paré de toutes les vertus, le monde de l’enclos. Car la mondialisation accélère la croissance mondiale, réduisant les inégalités entre pays. Mais elle les creuse au sein de chaque nation, abaissant le statut de la classe moyenne, sans supprimer ailleurs la misère. Le monde vit mieux au prix d’effets négatifs qui créent de l’instabilité : pollution, réchauffement global, financiarisation et spéculation, rapines, marginalisation de l’éthique qui donne un minimum de fondations au libéralisme économique.
La pandémie actuelle n’arrange rien. L’heure du repli nationaliste va sonner, pensent certains qui attendent d’une dynamique de fragmentation l’apparition d’un principe de précaution permettant à l’économie de se redéployer en conjuguant indépendance et souveraineté.
Tocqueville disait que les époques démocratiques sont des époques d’innovation, de création et d’aventure. Si l’on veut approfondir le débat, il faut faire en sorte que tout soit sujet à examen, les statistiques, les théories, les performances technologiques, en créant des forums démocratiques à l’image des think-tanks américains qui réfléchissent et dialoguent entre eux. Heureusement la France en possède un certain nombre.
Après le Covid-19
Il y aura un avant et un après de la pandémie Covid-19, l’enjeu étant le maintien de la vie biologique humaine, mais aussi de la vie économique, alors que, pour la première fois, priorité à la vie humaine, car nous n’acceptons plus la mort. La Chine se sent désormais suffisamment armée pour engager le débat sur le terrain de la concurrence des modèles.
Rêvons d’un droit situé au-dessus des souverainetés étatiques, qui rénove le modèle ancien. Et en attendant une économie de guerre sur le climat et un rebond vitaminé par le soutien aux entreprises, il va falloir armer les fantassins, mobiliser l’appareil productif, protéger les civils et faire en sorte que chaque région du monde se transforme en un écosystème permettant d’échapper aux dépendances que la crise sanitaire a révélées. Nous Français ne pouvons plus dépendre de tiers situés aux antipodes pour les industries de la vie.
Rêvons d’un droit
situé au-dessus des souverainetés étatiques,
qui rénove le modèle ancien.
Si l’on se réfère à la métaphore selon laquelle notre civilisation est un château de cartes, réquisition, arrière, front, le vocabulaire de nos dirigeants rejoint celui de la guerre économique tant le souhait de la retrouver imprègne les esprits. Peu importent les formidables dettes en train de se creuser si elles redonnent aux entreprises l’oxygène qui leur est nécessaire. Les participants à la Seconde Guerre mondiale s’en sont sortis avec des dettes colossales que la croissance économique a permis d’éponger. Il sera temps ensuite, mais très rapidement, de passer de l’infiniment petit à l’échelle planétaire en traitant les problèmes que nous avons créés.
Nous avons peuplé la Terre comme si nous disposions de deux ou trois planètes de secours. La multiplication des virus, la pollution, les changements climatiques rapides, peut-être un jour le manque d’oxygène (au XXIIe siècle selon des scientifiques britanniques ?) nous démontrent à l’évidence la précarité de notre statut de minuscules humains égarés dans l’univers. La science adossée à la remarquable expansion du numérique nous apportera-t-elle la solution des problèmes que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants ?
Pourquoi n’avoir jamais mobilisé et réuni les mille meilleurs et réactifs, les plus imaginatifs des chimistes, biologistes et startuppers en leur demandant de nous débarrasser de la molécule dont la formule chimique est connue de tous les écoliers du monde : le gaz carbonique ?
Faisons-nous face à des crises existentielles sans leaders mondiaux susceptibles d’inspirer une réponse globale ? Nous le saurons bientôt en survivant ou en laissant place à un autre bourgeon de l’un des buissons de l’arbre du vivant.
Quelle issue à la crise à venir ?
En 2008, le pire fut évité par une action de relance concertée, décidée par un G20 à Londres. Le multilatéralisme n’est plus à la mode, singulièrement aux États-Unis. Faudra-t-il trouver un new deal basé sur le retour des glorieuses années de la croissance économique effrénée, afin d’écarter une immense régression ? En évitant le détricotage du tissu social qui a accompagné leur déferlante ? Le libre-échange est-il toujours la solution ou le retour à l’époque des « temps difficiles » de Charles Dickens ?
La prise de conscience de devoir repenser le sens de la vie en commun, la démesure de nos déplacements, la précipitation de nos vies, notre lecture du monde social vont-elles nous conduire au « grand soir » ? Probablement non, ou pour peu de temps. Sans doute nous apercevrons-nous un temps que des métiers peu considérés ou mal rémunérés (caissières, éboueurs, aides-soignantes, agents d’entretien…) sont nécessaires à notre survie quotidienne.
Le Covid-19 aura, à tout le moins, été un révélateur de quelques-uns de nos excès et de la promotion de la santé au statut de bien commun planétaire.
La valeur attribuée à la vie aurait-elle progressé dans l’échelle de nos valeurs ? La réponse dépasse la mathématique des compagnies d’assurances ! Quant aux chevaliers de l’Apocalypse, ils ne tarderont pas à réapparaître. Les blessures qu’infligent sept milliards d’habitants à l’air, au sol et au climat de notre planète vont peser sur le destin de nos enfants et petits-enfants.
Que nos dirigeants en prennent conscience, les jours tranquilles sont pour après-demain.
Une version écourtée de ce texte a été publiée dans la revue papier de mai 2020
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Une analyse très interessante