Guillaume Hoddé

Guillaume Hoddé (X03) : la tête dans les nuages, les pieds sur terre

Dossier : TrajectoiresMagazine N°799 Novembre 2024
Par Jérôme BASTIANELLI (X90)

« Quel spec­tacle ! quelle admi­ra­tion ! quelle extase ! un rêve dans un hamac ! », s’exclame l’un des héros de Cinq semaines en bal­lon lorsque l’aérostat dans lequel il se trouve sur­vole la côte est de l’Afrique. Eh bien, ce « rêve dans un hamac » sera sûre­ment pos­sible dans quelques années, grâce à l’enthousiasme de Guillaume Hoddé.

Mêlant sa pas­sion pour l’aviation à l’expérience qu’il avait acquise dans le domaine du luxe, Guil­laume Hod­dé a en effet ima­gi­né un pro­jet fou : conce­voir une somp­tueuse cabine à l’image d’un yacht qui, fixée sous un gigan­tesque diri­geable, offri­ra des croi­sières aériennes au-des­sus des plus magni­fiques pano­ra­mas du globe.

Une vocation précoce

Aîné d’une fra­trie de quatre enfants, Guillaume gran­dit dans l’Ouest pari­sien. Ses parents sont ingé­nieurs agro­nomes – et son père, en outre, se pas­sionne pour l’aviation. Il trans­met cet engoue­ment à ses fils, les emme­nant tan­tôt au salon du Bour­get, tan­tôt à bord des petits mono­mo­teurs qu’il pilote durant ses loi­sirs. Pour Guillaume, cet enthou­siasme est conta­gieux ; il se remé­more notam­ment les rêve­ries que sus­ci­tait, durant son ado­les­cence, la lec­ture d’un livre qu’un ami de la famille, ingé­nieur à l’Onera, lui avait offert – il s’intitulait Com­ment volent les héli­co­ptères.

Une expérience réussie

Après des classes pré­pa­ra­toires au lycée Chap­tal, il redouble sa maths spé à Louis-le-Grand, sur l’insistance bien­veillante de ses pro­fes­seurs, convain­cus qu’un sur­croît de rigueur lui serait béné­fique. L’avenir leur don­na rai­son. De sa sco­la­ri­té à Palai­seau, Guillaume retient qu’elle lui insuf­fla une confiance cer­taine en ses apti­tudes à appré­hen­der des méca­nismes com­plexes. Par exemple, membre du binet Éco-Mara­thon, il conçut, avec d’autres, le véhi­cule qui repré­sen­ta les cou­leurs de l’École au mara­thon Shell, alla l’usiner chez Peu­geot et en repar­tit avec le sen­ti­ment que ce qui lui était appa­ru comme un petit bri­co­lage d’étudiants n’était pas si éloi­gné que cela de la réa­li­té industrielle.

De l’horlogerie à l’aérostation

Quit­tant le pla­teau, il hésite entre une car­rière « dans le pétrole » et un enga­ge­ment comme pilote d’hélicoptères de com­bat, passe fina­le­ment une année à HEC et découvre le petit monde du luxe, à l’occasion d’un stage chez Car­tier. Éta­bli près de Lau­sanne pour y suivre son épouse, il par­vient ensuite à se faire embau­cher chez Pia­get, où il s’occupe, entre autres, de la réor­ga­ni­sa­tion de la chaîne de pro­duc­tion. Cela nous vaut cette confi­dence inat­ten­due : « Plus une montre vaut cher, plus il y a de risques qu’elle tombe en panne rapi­dement – mais ce n’est pas pour sa fia­bi­li­té que les gens l’achètent ! »

Au bout de dix ans, un peu las­sé des soi­rées paillettes où il a pu croi­ser Moni­ca Bel­luc­ci ou Ziné­dine Zidane, il trouve dans l’aérostation une autre source de rêves. « J’avais appris, explique-t-il, que les diri­geables sus­ci­taient un regain d’intérêt pour le trans­port de mar­chan­dises. Me sou­ve­nant de quelques films qui ont mar­qué ma géné­ra­tion – Le Cin­quième Élé­ment par exemple, dont l’action se déroule en par­tie à bord du paque­bot spa­tial Fhlos­ton Para­dise – j’ai eu envie de conce­voir un diri­geable de croi­sière. » Et c’est ain­si que la start-up AirYacht voit le jour, en 2020.

Se battre contre le scepticisme

Depuis cette date, l’essentiel de son tra­vail consiste à se battre « contre le scep­ti­cisme », comme le lui avait pré­dit Patrick Lahey, pré­sident de Tri­ton Sub­ma­rines – une entre­prise qui fabrique de magni­fiques sous-marins pour mil­lion­naires. Trop pol­luant, l’AirYacht ? « Nul­le­ment ! Pour le vol, nous uti­li­se­rons de l’hélium ; pour l’énergie néces­saire à la vie à bord, de l’hydrogène ; et nous étu­dions des douches nova­trices per­met­tant de réduire la consom­ma­tion en eau. » Trop cher ? « Une croi­sière ne devrait pas coû­ter beau­coup plus qu’un aller-retour en Concorde, et bien des gens qui n’étaient pas mil­lion­naires ont pu à l’époque concré­ti­ser ce rêve. » Trop mal per­çu par les pays qui seraient sur­vo­lés ? « Au contraire, nous avons déjà des contacts avec des pays d’Afrique qui ren­contrent des dif­fi­cul­tés à main­te­nir les routes menant à cer­tains parcs natu­rels ; y accé­der en diri­geable consti­tue­rait une alter­na­tive intéressante. »

Un rêve qui se concrétise

On le voit, en adepte du speed-riding – cette dis­ci­pline qui mêle joies du ski et ivresse du para­pente –, Guillaume a certes la tête dans les nuages, mais aus­si les pieds sur terre. Petit à petit, son rêve prend donc forme et, si tout se passe bien, les pre­miers croi­sié­ristes-aéro­sta­tiers pour­ront embar­quer avant la fin de la décennie.

Ils don­ne­ront alors rai­son à l’écrivain Nor­bert Lal­lié (1860−1948), qui annon­çait, en 1908 : « On ne voit pas encore les paque­bots mari­times rem­pla­cés par d’immenses diri­geables trans­por­tant, accro­chés sous leurs flancs, des mil­liers de voya­geurs, mais le diri­geable est appe­lé à prendre sa place comme nou­veau moyen de tou­risme. Les sports­men for­tu­nés ne tar­de­ront pas à s’offrir le luxe d’un diri­geable. On le construi­ra bien­tôt de petite dimen­sion, coû­tant un prix moins éle­vé qu’un beau yacht de plai­sance ou qu’une auto­mo­bile un peu confor­table. Les per­sonnes avides de sen­sa­tions éthé­rées vogue­ront à loi­sir dans les hautes régions de l’atmosphère, là où l’air est pur, loin des pâles humains. » En atten­dant, allez voir le site AirYacht.ch, cela vaut tous les films d’aventure du moment.

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