Gustav MAHLER : Symphonie n° 8, « des Mille »
C’est le concert classique le plus impressionnant qu’il soit donné de voir. Une expérience unique, une production exceptionnelle, dont le coût et la difficulté de réalisation sont tels qu’il est à l’abri de toute concurrence pour longtemps. La nature de l’œuvre, sa complexité à être montée, et le projet fou de Dudamel en font un événement total.
La Symphonie des Mille de Mahler est une œuvre particulièrement originale. Comme la seconde et la troisième symphonies de Mahler, elle utilise chœur et solistes, comme le fit Beethoven près d’un siècle auparavant pour sa célèbre Neuvième Symphonie.
Mais la structure de la Symphonie des Mille ne prend pas un plan classique en quatre ou cinq mouvements. La symphonie est divisée en deux grandes parties : la première est un arrangement d’un hymne latin médiéval (Veni Creator), presque exclusivement vocal, l’hymne étant chanté principalement par les chœurs.
La seconde partie qui dure approximativement une heure reprend le texte de la scène finale du second Faust de Goethe.
La première représentation de cette symphonie eut lieu à Munich le 12 septembre 1910. Les huit solistes, les chœurs comprenant 850 chanteurs (dont 350 enfants) et l’orchestre se composant de 170 instruments (dont plus de 80 cordes) portèrent les effectifs de l’orchestre à près de 1 030 exécutants.
Pour cette raison, l’impresario de Mahler qualifia l’œuvre de Symphonie des Mille, même si le compositeur n’approuvera jamais vraiment ce titre. C’est la dernière œuvre de Mahler qui sera créée de son vivant.
La « Fondation d’État pour le Système national des Orchestres de la jeunesse et des enfants du Venezuela » est plus connue sous le nom d’El Sistema. Son but est d’initier les enfants les plus démunis à la pratique de la Musique classique, dès l’âge de 2 ans. Chaque enfant désireux d’apprendre à jouer reçoit un instrument, se voit affecter un tuteur et peut commencer la formation musicale.
Les meilleurs jeunes issus de ces orchestres se retrouvent au sein de l’orchestre étendard du Sistema, l’Orchestre national des jeunes Simón Bolívar du Venezuela créé en 1975, et dirigé depuis 1999 par le chef Gustavo Dudamel, pur produit du Sistema.
Gustavo Dudamel réunit pour ce gigantesque projet Mahler de début 2012 les deux orchestres dont il a la charge, l’Orchestre symphonique Simón Bolívar du Venezuela, et l’Orchestre philharmonique de Los Angeles, au grand complet, ainsi que quatre chœurs et dix solistes, totalisant plus de 1 500 musiciens de premier plan.
Imaginez ce que cela représente : un orchestre constitué, par exemple, de seize contrebasses, quatorze trompettes, dix trombones, neuf cors, les bassons par quatre, les flûtes par cinq, plus de deux cents cordes. Et derrière, les mille jeunes choristes, passionnés, chantant par cœur, et portant tous une écharpe aux couleurs du Venezuela.
Pour ce concert donné à Los Angeles puis à Caracas, Dudamel a décidé de mélanger les orchestres. On voit lors de répétitions les instrumentistes nord-américains se mêler aux jeunes vénézuéliens, leur donner des conseils. Dudamel commence ces répétitions avec un discours introductif touchant pour que chacun ressente l’enjeu de ce qu’ils sont en train de préparer, et rappelant la chance qu’il a eue avec le Sistema et sa mission de le faire perdurer.
La réalisation est évidemment une prouesse. La mise en image et la prise de son étaient une gageure, réussie. Naturellement le film en HD, en Blu-Ray donc, est le seul qui permette de se rendre compte réellement du gigantisme de cette production, et de son détail. L’image est parfaite et nous assistons à un spectacle qu’on n’oubliera pas.
À la même période, Dudamel a réuni ses deux orchestres pour jouer également les autres symphonies de Mahler, avec un enjeu moins unique naturellement. Espérons toutefois pouvoir en voir des enregistrements.