GUSTAV MAHLER : SYMPHONIES N° 1 À 7 ET 9
On a déjà parlé ici des concerts enregistrés année après année depuis 2003 lors du festival d’été de Lucerne sous la direction de Claudio Abbado. Abbado a recréé cet orchestre, inspiré par ce qu’avait fait Toscanini dans les années trente : les artistes qu’il apprécie depuis des décennies, chefs de pupitre de l’Orchestre philharmonique de Berlin, d’autres solistes internationaux tels que Sabine Meyer, Natalia Gutman, Wolfram Christ, Emmanuel Pahud, Renaud Capuçon, les Quatuors Alban Berg et Hagen et bien d’autres, se réunissent tous les ans pour interpréter Mahler, entre autres, sous la direction du maestro.
Exceptionnelles circonstances ne mènent pas systématiquement à un exceptionnel concert. Pourtant, à Lucerne chaque année le miracle se reproduit et les concerts qu’on voit sont vraiment inoubliables. Les cordes somptueuses sont mémorables, mais comment ne pas être impressionnés par la qualité des bois (clarinettes, hautbois) et des cuivres (trompettes, trombones, cors), qui jouent très souvent à découvert et qui sont merveilleux.
Déjà événement en DVD, la parution de ces films en Blu-Ray est une aubaine. Tout d’abord, et très prosaïquement, la capacité de stockage des Blu-Ray est très accrue par rapport au DVD, et la réédition des sept premières symphonies par Euroarts tient en seulement quatre disques, coffret vendu au prix de deux symphonies en disque compact. Ensuite, l’image haute définition superbe des DVD est en Blu-Ray encore magnifiée, nous sommes tour à tour au milieu du concert et au milieu de l’orchestre, impossible de ne pas être intégralement pris par cette musique.
L’univers symphonique de Gustav Mahler comprend neuf pierres d’un édifice monumental composé entre 1888 et 1911. Neuf chefs‑d’œuvre parmi les plus importants de l’histoire de la musique, tous extrêmement prenants et émouvants.
Ces disques sont à la fois une introduction idéale pour celui qui souhaite pénétrer ce monde fantastique et un trésor pour les connaisseurs. En effet, de nombreuses caméras, cachées pour ne pas perturber l’image, permettent de voir l’ensemble des détails de l’interprétation et de la partition. Les images splendides des artistes se succèdent à mesure qu’ils interviennent, rendant les œuvres très faciles à suivre malgré leur richesse. On sort émerveillé, et épuisé, de chacune des symphonies, d’avoir vu, et donc entendu, tous ces détails au sein d’une architecture grandiose. Nous partageons la tension de l’œuvre et des artistes. Le même phénomène se reproduit d’ailleurs tous les ans : l’auditoire met près d’une minute à se décider à applaudir à l’issue des finals, quasiment hypnotisé par la force de la symphonie et de son interprétation.
Dernière parution, la 9e Symphonie enregistrée à l’été 2010, est peut-être le sommet du cycle. Malgré le changement d’éditeur (Accentus est un récent producteur d’une immense qualité), les principes esthétiques de la réalisation ne changent pas. Comme toujours lorsqu’il dirige la 9e Symphonie, Abbado demande de baisser considérablement la lumière pour les dix dernières minutes de l’adagio final. Une fin extrêmement impressionnante, très lente et pianissimo ponctuée de nombreux silences, moments d’apesanteur avec un public absolument silencieux et médusé, et qui cette fois-ci mettra trois minutes pour applaudir après l’accord final.
Le Chant de la Terre a été enregistré en mai 2011 à Berlin, avec l’Adagio de la 10e Symphonie. Il ne manque plus que la gigantesque Symphonie n° 8 « des Mille » pour clore le cycle, espérons qu’Abbado l’a bien prévue.