H.E.S.S. détecte trois sources Gamma dans le Grand Nuage de Magellan
Les rayons gamma de très haute énergie sont les meilleurs traceurs des accélérateurs de particules cosmiques telles que les vestiges de supernova et les nébuleuses à vent de pulsar, issus des stades terminaux de l’évolution des étoiles massives.
En leur sein, des particules chargées sont accélérées à des énergies extrêmes (nettement au-delà des accélérateurs humains les plus puissants). Des rayons gamma sont produits notamment lors de l’interaction de ces particules cosmiques, encore piégées au sein des sources ou une fois relâchées dans le milieu environnant, avec la lumière et le gaz avoisinants.
Ces rayons de très haute énergie peuvent être détectés sur la Terre, au moyen de télescopes munis de caméras à haute résolution temporelle, en observant la lumière Tcherenkov, brève et ténue, émise par la cascade de particules secondaires issues de leur interaction avec la haute atmosphère.
Le Grand Nuage de Magellan
Le Grand Nuage de Magellan (GNM) est une galaxie naine satellite de la Voie lactée, située à près de 170 000 années-lumière et se présentant quasi de face dans le plan du ciel. De nouvelles étoiles massives y sont formées à un taux élevé, ce qui explique la présence de nombreux amas stellaires de grande masse.
“ Des rayons gamma sont produits lors de l’interaction de particules cosmiques avec la lumière et le gaz voisins de l’objet qui leur a donné naissance ”
Conséquence de cette activité, le taux de supernova par unité de masse stellaire y est cinq fois plus élevé que dans notre galaxie.
Pendant 210 heures, les télescopes de H.E.S.S. ont été braqués sur la nébuleuse de la Tarentule, la plus grande et plus active région de formation stellaire au sein du GNM.
Pour la première fois dans une galaxie autre que la Voie lactée, des sources individuelles de rayons gamma de très haute énergie ont pu y être détectées – trois objets extrêmement énergétiques, et de différents types.
Superbulles
La superbulle 30 Dor C, formée par les vents puissants des étoiles massives et les supernovæ associées, est la structure en forme de coquille et visible en rayons X la plus grande connue à ce jour.
Les superbulles sont depuis longtemps soupçonnées d’être des lieux privilégiés de production de rayons cosmiques de très haute énergie et pourraient être partiellement, voire exclusivement, à l’origine de ces particules cosmiques.
La détection de 30 Dor C avec H.E.S.S. est une première dans le domaine, et démontre que les superbulles contiennent effectivement des particules de très haute énergie.
Pulsars
LES TÉLÉSCOPES DE H.E.S.S.
La collaboration du High Energy Stereoscopic System (H.E.S.S.) comprend des scientifiques venant d’Allemagne, France, Royaume-Uni, Namibie, Afrique du Sud, Irlande, Arménie, Pologne, Australie, Autriche, Suède et Pays-Bas, soutenus par leurs agences de financement et organismes respectifs.
Les résultats ont été obtenus à l’aide des télescopes du High Energy Stereoscopic System (H.E.S.S.) situés en Namibie, en Afrique australe.
Ce réseau de quatre télescopes de 13 m de diamètre – récemment complété par un très grand télescope de 28 m formant la phase II de H.E.S.S. – est un des instruments de détection de rayons gamma de très haute énergie les plus sensibles dans le monde.
Les pulsars sont des étoiles à neutrons extrêmement magnétisées, en rotation rapide, produisant un vent de particules ultra-énergétiques parfois confinées dans une nébuleuse.
La plus connue d’entre elles est la Nébuleuse du Crabe, une des sources les plus brillantes du ciel gamma. Le pulsar PSR J0537−6910 dans le GNM est considéré pour plusieurs raisons comme le jumeau du pulsar très énergétique du Crabe dans notre Galaxie.
Cependant, sa nébuleuse associée N 157B, détectée pour la première fois en rayons gamma de très haute énergie avec H.E.S.S., est intrinsèquement dix fois plus lumineuse que celle du Crabe, ce qui constitue une surprise pouvant être expliquée par l’environnement particulier du GNM.
Des vestiges de supernova
Enfin, le vestige de supernova N 132D, connu pour être une source radio et infrarouge brillante, est, quant à lui, l’un des plus vieux – et des plus lumineux – vestiges émettant en rayons gamma de très haute énergie.
“ Les superbulles, des lieux privilégiés de production de rayons cosmiques de très haute énergie »
À l’âge du vestige estimé entre 2500 à 6000 ans, les modèles prédisent que l’onde de choc, ayant significativement ralenti, ne devrait plus être en mesure d’accélérer efficacement les rayons cosmiques.
Cependant, N 132D est plus lumineux en gamma que les vestiges de supernova plus jeunes, connus dans notre galaxie. Ces observations, dans la lignée d’autres résultats obtenus avec H.E.S.S., confirment l’idée que les vestiges de supernova semblent être parfois plus lumineux dans ce domaine que communément admis.
Un défi scientifique
Observées à la limite de sensibilité de H.E.S.S., certaines de ces trois sources se superposent partiellement, ce qui a représenté un défi pour les scientifiques de la collaboration H.E.S.S. Ces découvertes ont été possibles grâce au développement de méthodes avancées dans l’interprétation des images Tcherenkov enregistrées par les télescopes, permettant notamment une estimation plus précise de la direction des rayons gamma reconstruite.
Le nouveau télescope de 28 m de diamètre composant la phase II de H.E.S.S. permettra d’améliorer les performances du système. À plus long terme, le projet d’observatoire en gamma, le Cherenkov Telescope Array (CTA), dans lequel sont impliqués le Laboratoire Leprince-Ringuet (LLR) et l’École polytechnique, offrira des images du GNM plus profondes et de meilleure résolution angulaire.
Image en visible de la Voie lactée et du Grand Nuage de Magellan, une galaxie naine satellite de la Voie lactée, située à près de 170 000 années-lumière.
(© Collaboration H.E.S.S. – Skyview – A. Mellinger)
Vue composite du Grand Nuage de Magellan, avec en superposition les images des trois objets détectés par H.E.S.S. (© Collaboration H.E.S.S. – Karl D. Gordon – R. Kennicutt, J.E. Gaustad et al. – G. Bothun)